Ce n'est pas le titre d'un polar, mais une règle édictée par la municipalité de cette micro-commune. Toute personne souhaitant visiter le Mont doit porter un masque. Il convient aussi de suivre un sens de circulation précis. C'est à ce prix que ce haut-lieu du tourisme reprend vie.
En temps normal, les ponts du mois de mai engendrent les grandes marées de visiteurs. Les guides tendent un parapluie fermé pour ne pas perdre leur petit groupe de touristes asiatiques. Ils se faufilent dans la rue principale parmi une foule polyglotte. Dans les poussettes, les enfants ne voient qu'une forêt de jambes. Les restaurants et les magasins de souvenirs ne désemplissent pas. L'abbaye fait le plein. Et sur les remparts, comme sur la terrasse de l'ouest, le brouhaha s'estompe. Chacun goutte ce paysage apaisant et cet air venu du large que parfume la grève.
Le choc a donc été brutal quand, avec le confinement, une chappe de silence est tombé sur ce lieu. Les photos des rues désertées, les vidéos du Mont esseulé ont fait le tour du monde. La Merveille sans promeneurs, sans touristes, sans pélerins : il fallait quand même se pincer pour y croire !
Depuis le 11 mai, il est de nouveau possible d'emprunter la navette pour se rendre au Mont, pour peu que soit respectée la fameuse règle des cent kilomètres. En ce long week-end de l'Ascension, la vie reprend. "Je viens de Mayenne, se justifie une promeneuse. Il aura quand même fallu le déconfinement pour que je me décide à aller voir le Mont Saint-Michel. Je n'étais jamais venue."
Mais, si elle se réjouit de revoir des visiteurs, la municipalité redoute la cohue des beaux jours. Les ruelles sont ainsi faites qu'il sera assez difficile d'éviter la promiscuité. Le maire sortant a donc décidé d'imposer le port du masque. Celui qui doit lui succéder lors du prochain conseil municipal assume et approuve.
Nous avons besoin de faire revenir les gens. Ces mesures de sécurité sont de nature à les rassurer et à rendre le Mont attractif.
Jacques Bono, futur maire du Mont Saint-Michel
Les promeneurs doivent également suivre un cheminement précis. Un fléchage et des barrières ont été mis en place, ce qui ajoute à l'atmosphère étrange. Les restaurants sont encore fermés. Certains commerces n'ont pas relevé le rideau de fer. L'abbaye n'a pas rouvert. Le calme règne. "C'est une expérience" admet une jeune Bretonne.
Quand la ruelle devient pentue, le promeneur masqué se souvient qu'il l'est. "Là, quand on arrive à l'abbaye, on est un peu essoufflé. Avec le masque, ça asphyxie".
Au terme de la promenade, le rempart donne sur le rocher de Tombelaine et sur l'immensité de la Baie. La vue reste à couper le souffle. Avec ou sans masque.