Les mises en examen de deux anciens cadres de la Direction des Constructions Navales (DCN) viennent d'être annulées. Les juges d'instruction les soupçonnaient d'avoir sous-estimé les menaces. Le 8 mai 2002, l'attentat de Karachi couté la vie à onze employés de l'arsenal de Cherbourg.
L'année dernière, après deux décennies d'errements, la justice avait enfin fait un pas en avant dans le volet sécuritaire de cette affaire tentatculaire. Au mois de juin 2022, deux cadres de la DCN étaient mis en examen pour homicides et blessures involontaires. Les juges d'instruction considéraient qu'ils avaient sous-estimé les menaces visant les employés de la DCN qui travaillaient sur le chantier de construction des sous-marin Agosta.
Dans le Cotentin, les familles des victimes pensaient alors que cet acte de procédure allait ouvrir la voie à un procès. Las, ce mercredi 31 mai 2023, les mises en examen ont été annulées pour cause de prescription. L'AFP précise qu'ils sont "remis sous le statut plus favorable de témoin assisté dans ce dossier, qui ne fait donc plus peser de menace de procès sur eux". L'avocat d'un des deux anciens cadres de la DCN y voit une solution "juste et évidente".
Certes, Me Marie Dosé, l'avocate des parties civiles ne baisse pas les bras : "Nous allons immédiatement nous pourvoir en cassation". Il reste que cette nouvelle procédure à l'issue incertaine prendra des mois. La tenue d'un procès est moins que jamais d'actualité...
La justice mise en echec
Vingt-et-un ans après, cet attentat qui a fait quatorze morts et une quarantaine de blessés n'a toujours pas été élucidé. La justice ne sait pas dire pourquoi un bus transportant des salariés de la DCN a explosé. Onze d'entre eux ont été tués et douze autres blessés.
Dans un premier temps, le juge anti-terroriste Jean-Louis Brugière a privilégié la piste menant à Al-Qaïda. A partir de 2009, son successeur Marc Trevidic s'est orientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt des versements de commissions dans le cadre d'un contrat d'armement.
Dans le volet financier de cette affaire, six personnes ont été condamnées en juin 2020 à Paris à des peines allant de deux ans à cinq ans de prison ferme pour avoir participé à un système de commissions occultes sur des contrats d'armement avec l'Arabie saoudite et le Pakistan, ce qui aurait contribué à financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995. Le procès en appel doit avoir lieu au printemps 2024.
Jugés pour leur part devant la Cour de justice de la République, l'ex-Premier ministre Edouard Balladur a été relaxé en mars 2021 tandis que son ancien ministre de la Défense, François Léotard (décédé le 25 avril 2023), a été condamné à deux ans de prison avec sursis.