Ce jeudi, au tribunal administratif de Caen, plus de cent plaignants, ex-salariés de DCN Cherbourg, aujourd'hui retraités, attendaient une décision quant à la reconnaissance du préjudice moral et d'anxiété lié une exposition à l'amiante. Le jugement sera rendu le 1er juin.
L'amiante. Dans le Nord-Cotentin, on sait ce qu'elle a coûté en vies, on ignore combien elle en coûtera encore. Combien de familles endeuillées après les maladies liées à cette fibre cancérigène, très présente dans les usines cherbourgeoises ? Evidemment, on pense aux ouvriers des CMN, les Constructions Mécaniques de Normandie. Mais il y a le scandale DCN aussi. " On arrivait sur les chantiers, les tôles du sous-marin sont chauffées à 180 degrés...Pour nous protéger, nous les soudeurs, ils nous mettaient des coussins d'amiante et on s'allongeait dessus sans protection, sans masque, sans museau...On avait juste une ventilation pour la fumée de soudure parce que la soudure, ça dégage une fumée donc ça vous protégeait un peu de la fumée mais on mangeait 100 fois plus d'amiante quoi...Avec les coups de meules, ça volait de partout ( ...), jamais on nous a dit attention, c'est cancérigène"
" Aujourd'hui, il y en un qui était absent parce qu'il est décédé"
Le scanner comme source d'angoisse récurrente
300 maladies professionnelles liées à l'amiante à DCN Cherbourg, plus de 5000 sur l'ensemble des sites DCN, DCN pour " Direction des Constructions Navales ", le nom de l'époque. Dans les années 90, l'entreprise relevait de l'Etat et du ministère de la Défense. Des plaintes au pénal sont en cours. Mais aujourd'hui, devant le tribunal administratif de Caen, la centaine de plaignants présents espéraient obtenir une réparation du préjudice moral et d'anxiété. " Tous les jours, on a l'angoisse. Moi par exemple, j'ai des nodules, c'est des petits points dans les poumons et ça évolue d'année en année. On se demande toujours qu'est ce que ça va devenir". Un autre ouvrier ajoute: " Tous nos collègues décèdent les uns après les autres, bien évidemment on est obligé d'y penser." Il a passé un scanner il y a quelques jours. " J'aurai les résultats la semaine prochaine..."Jurisprudence favorable
Des cas similaires sont passés devant d'autres tribunaux administratifs de France et la réparation du préjudice moral et d'anxiété a été actée. Aujourd'hui, à Caen, le ministère public est allé dans le sens des ouvriers victimes avec une base d'indemnisation de 8 000 euros pour chacun des 128 salariés. " Au moins que l'Etat soit condamné...Les SNLE (Sous-marins nucléaire lançeurs d'engins), il fallait les faire à n'importe quel prix"." Quand on est pris par l'amiante, on n'en a plus que pour 6 mois"
Le jugement devrait être rendu le 1er juin. Dans un peu plus d'un mois. Dans les rangs clairsemés des anciens ouvriers de l'arsenal de Cherbourg, on espère que tous seront vivants d'ici-là et que le préjudice qu'il vivent au quotidien soit reconnu. Cela s'appelle un combat.
Paroles d'ouvriers (André Fleury, soudeur, Remi Lamotte, charpentier) :
L'avocat de la défense : Jean-Louis Macouillard
Propos recueillis par Elise Ferret et Arnaud Chorin.