L'ancien bateau de Christophe Auguin, vainqueur du Vendée-Globe, est à l'abandon dans le port de Cherbourg

Le voilier a été remorqué dans le bassin de commerce en 2014 à la suite d'une avarie. Depuis, il n'en a pas bougé. Le propriétaire ne donne plus signe de vie. La ville de Cherbourg engage une procédure pour tenter de récupérer ce bateau mythique "qui ne mérite pas de finir comme ça".

À force d'immobilité, c'est tout juste si les Cherbourgeois le remarquent encore. Le bateau est amarré au bout du ponton, à l'entrée du bassin de commerce où il est balloté par le clapot au passage des navires de pêche. "La seule fois où j'ai vu quelqu'un dessus, c'est quand il a été amené ici. Depuis, il n'a pas bougé", témoigne un employé du port un peu dépité.

Ce voilier qui a jadis affronté toutes les mers du globe fait aujourd'hui peine à voir. La voile repliée à la hâte est enveloppé dans une housse qui se disloque sous les assauts de la pluie, du soleil et du vent. Une mousse verdâtre a envahi le pont. L'accastillage moisit. Le temps fait son oeuvre. "Il est temps de faire quelque chose", se désole Muriel Jozeau Marigné, l'adjointe au maire de Cherbourg en charge du port.

Le fier navire est arrivé là un jour de 2014, "par accident, souligne Muriel Jozeau-Marigné. Le propriétaire qui était le skipper à l'époque a eu une avarie en mer. La SNSM l'a remorqué jusqu'ici." Depuis, il est immobile et "le propriétaire a disparu..." La ville de Cherbourg qui assume la gestion des installations portuaires a bien tenté de le joindre, ne serait-ce que pour encaisser les droits de port. Sans succès. Six années ont passé. Le montant de l'impayé s'élève à 15 000 euros. S'il n'était que cette ardoise...

C'est triste. C'est un bateau qui a remporté beaucoup de courses avec des champions. Le voir comme ça fait beaucoup de peine.

Muriel Jozeau-Marigné, adjointe au maire en charge du port

 

Ce voilier est un pur produit cherbourgeois

Au début des années 90, le Granvillais Christophe Auguin qui vient de remporter un Boc Challenge (tour du monde en solitaire avec escales) lance la construction de son nouveau monocoque au chantier JMV Industries à Cherbourg. Marc Lefèvre, qui dirige aujourd'hui le chantier V1D2 à Caen était à l'époque le responsable technique du navigateur. "C'était un bateau à la pointe, le premier construit tout en carbone".

À son bord en 1994, Christophe Auguin remporte un second Boc Challenge. "Le bateau est ensuite retourné chez JMV Industrie. Il a été encore modernisé. On lui a mis une quille pivotante, ce qui était alors très novateur", se souvient Marc Lefèvre. Le navire change aussi de nom : le Sceta-Calberson est rebaptisé Geodis. En 1997, après 105 jours de mer dans des conditions parfois épouvantables, Chistophe Auguin remporte le Vendée-Globe.

Le monocoque est ensuite passé entre les mains de plusieurs skippers. Il a couru une demi-douzaine de transats et deux autres Vendée-Globe. "En 2010, il a été racheté par un Hongrois, et là, ça a été le massacre !" Marc Lefèvre a l'impression d'avoir vu le voilier perdre son âme autant que son assise technique. Le pont arrière a notamment été coupé, pour des raisons que l'architecte naval peine à expliquer. "Là comme ça, il paraît navigable, mais il y a eu beaucoup de structures modifiées, et je pense qu'il ne faudrait pas trop tirer sur la machine en navigant parce qu'il y aurait des surprises". 

 

Que faire de cette bête de course taillée pour le grand large ?

La ville de Cherbourg engage ce mois-ci une procédure dite "bateau abandonné", assez rare car fastidieuse. Si tout va bien, elle pourrait en devenir propriétaire. "Nous avons déjà été sollicités par plusieurs personnes qui voudraient le racheter, révèle Muriel Jozeau-Marigné. Quand ils parlent de Geodis, ils ont des étoiles dans les yeux".

Mais que faire de cette machine de course hors d'âge ? Avec la meilleure volonté du monde, le voilier ne se hissera plus jamais au niveau des monocoques de dernière génération et il est illusoire de vouloir en faire un bateau de plaisance. Il reste l'attachement, l'irrationnel, le rêve... "Ce n'est pas qu'un bout de carbone. Quand on a navigué avec, il y a un lien, explique Marc Lefèvre.

Il se souvient encore avec émotion avoir tenu la barre lors d'un convoyage avec Christophe Auguin. "On fait un surf à 32 noeuds. Comme on dit, ça envoie ! Je ne vois rien parce que le cockpit est exposé, le pont est plat et l'eau arrive sur une épaisseur de 15 centimètres à la vitesse du bateau. Des paquets de mer vous chopent à presque 60 km/h. On regarde juste l'angle du vent pour relancer et prendre la vague suivante. " C'est cette machine à adrénaline qui se morfond aujourd'hui dans le port de Cherbourg...

 

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