Attentat de Karachi : soupçonnés d'avoir négligé la sécurité des personnels, deux anciens cadres de la DCN ont été mis en examen

Plus de 20 ans après l'attentat qui a causé la mort de 11 employés de la DCN de Cherbourg à Karachi, la justice poursuit son travail. Deux anciens cadres de la direction des chantiers navals ont été mis en examen en juin dernier. Ils sont soupçonnés de négligence sur la sécurité des personnels.

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Le 8 mai 2002, l'explosion d'un bus transportant des salariés ou sous-traitants de la Direction des constructions navales (DCN) à Karachi faisait quatorze morts, dont onze Français. Plus de 20 ans après le drame, la justice poursuit son travail sur ce dossier qui a déjà donné lieu à deux procès et plusieurs condamnations. En juin dernier, deux anciens cadres de la Direction des chantiers navals (DCN) ont été mis en examen pour homicides et blessures involontaires. Gérard C., chef de site, et Alain Y., chef de projet sur les contrats des sous-marins Agosta 90B, sont soupçonnés d'avoir sous-estimé les menaces qui pesaient sur les salariés de l'entreprise. Les deux hommes étaient jusqu'alors placés sous le statut de témoins assistés.

Selon les juges d'instruction antiterroriste parisiens, Gérard C. aurait mis en place un protocole de sécurité "inadapté", notamment lors des déplacements entre le lieu de résidence et le chantier de construction des sous-marins, permettant d'identifier aisément les personnels et leurs itinéraires. Son supérieur Alain Y. aurait "validé" ce protocole. Sollicités, leurs avocats n'avaient pas répondu vendredi soir à l'AFP.

Des mises en examen "attendues de longue date" par les parties civiles

Les deux hommes auraient ainsi "sous-évalué" les risques d'attaques envers les salariés présents sur le site, alors que le contexte sécuritaire dans la région était particulièrement "dégradé" depuis les attentats du 11 septembre 2001 avec la multiplication d'attaques ciblant les étrangers ou les intérêts étrangers.

Selon Me Marie Dosé, avocate de parties civiles interrogée par l'AFP, "ces mises en examen étaient attendues de longue date par (ses) clients, qui sont à l'initiative de la plainte déposée il y a plus de 10 ans contre DCN". "Les manquements criants aux obligations de sécurité qui incombaient à l'employeur ont facilité l'attentat : il était temps que la justice acte enfin cette réalité." L'avis de mise en examen qu'a pu consulter le quotidien Le Monde, mentionne des dispositions insuffisantes "permettant une identification aisée des personnels, du moyen de locomotion et des itinéraires empruntés". L'attaque suicide perpétrée le 8 mai 2002 s'était déroulée sur le trajet entre le lieu de résidence des personnels et le chantier sur lequel ils étaient missionnés.

Lors d'une réunion en avril, les trois magistrats saisis de l'information judiciaire avaient informé les parties civiles des actes accomplis tant sur le volet proprement terroriste que sur celui des manquements en matière de sécurité à l'époque.

Le chef de l'Etat saisi par les magistrats

"Nous sommes en présence de tournants importants dans ce dossier et ce d'autant plus qu'à la suite d'une demande de déclassification de notre part, les magistrats instructeurs ont saisi jeudi directement le président de la République Emmanuel Macron afin de permettre enfin la levée des obstacles à la manifestation de la vérité", a réagi auprès de l'AFP Me Olivier Morice, qui défend six familles de victimes. "Les familles attendent 20 ans après cette tragédie que le chef de l'Etat réponde favorablement à la requête des juges" pour avoir accès aux documents jusqu'ici classés secret défense, a-t-il ajouté.

Après deux décennies, cet attentat n'a pas été élucidé et deux thèses s'affrontent. L'attentat semble avoir été minutieusement préparé avec des moyens sophistiqués. Et la piste d'Al-Qaïda, qui n'a pourtant pas revendiqué l'attentat mais l'a approuvé, s'imposait pour le premier magistrat antiterroriste saisi des faits, Jean-Louis Bruguière. A partir de 2009, l'enquête de son successeur Marc Trevidic s'est orientée vers l'hypothèse de représailles pakistanaises après l'arrêt des versements de commissions dans le cadre d'un contrat d'armement.

Le volet financier déjà jugé

Le volet financier de cette affaire a pour sa part déjà été jugé. Six personnes ont été condamnées en juin 2020 à Paris à des peines allant de deux ans à cinq ans de prison ferme pour avoir participé à un système de commissions occultes sur des contrats d'armement avec l'Arabie saoudite et le Pakistan qui aurait contribué à financer la campagne présidentielle malheureuse d'Edouard Balladur en 1995. Le procès en appel doit avoir lieu en 2023.

Jugés pour leur part devant la Cour de justice de la République, l'ex-Premier ministre Edouard Balladur a été relaxé en mars 2021 tandis que son ancien ministre de la Défense, François Léotard, a été condamné à deux ans de prison avec sursis.

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