"L’affaire Karachi, ce n’est pas juste des tonnes de papiers chez des juges, ce sont des hommes qui sont morts", estime Sandrine Leclerc, fille d’une victime

Le 8 mai 2022 est le triste anniversaire de l’attentat de Karachi qui a coûté la vie à 11 employés de la DCN de Cherbourg. Vingt ans après, la lumière sur ce drame n’a pas été faite. Cette affaire politico-financière et terroriste est avant tout l’histoire d’hommes disparus, blessés et de familles qui restent sans réponse.

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Pour les filles de Jean-Yves Leclerc, la douleur est toujours aussi vive. "À la suite du décès de mon père, j’avais besoin de me replier sur moi-même et effectivement, après, j’ai fait le choix d’avancer. Je pense que c’était la meilleure façon de lui rendre hommage", confie Julie Leclerc, la gorge nouée. Voilà 20 ans que cette femme est habitée par l’attentat de Karachi.

Le 8 mai 2002, 11 employés de la Direction des constructions navales (DCN) de Cherbourg perdent la vie. Parmi les victimes, son père Jean-Yves, alors ouvrier en mission au Pakistan.

"On ne tournera jamais la page. Après, je pense que pour que le décès de mon père puisse être vécu comme un deuil "normal" on a besoin que justice soit faite. C’est très difficile de faire son deuil tant qu’on ne sait pas ce qui s’est passé et qu’on sait que des personnes responsables et coupables sont aujourd’hui en toute impunité en France et à l’étranger et ne sont pas inquiétées par ça", explique-t-elle.

Reportage : le témoignage des filles de Jean-Yves Leclerc, décédé dans l'attentat

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Vingt ans après l'attentat de Karachi, les deux filles de Jean-Yves Leclerc, ouvrier de la DCN de Cherbourg décédé au Pakistan, témoignent. ©France Télévisions

Pour rappel, cette affaire comporte trois volets : le volet financier, le volet sécuritaire et le volet terroriste. Ce dernier est, pour l'heure, délaissé par la justice.

Dans le volet financier, en 2020, six personnes (ancien conseiller politique, haut fonctionnaire et homme d'affaires) ont été condamnées à de la prison ferme par le tribunal correctionnel de Paris, pour avoir participé à un système de commissions occultes. Un procès en appel doit avoir lieu en 2023. Et l'an dernier, la Cour de justice de la République a relaxé Edouard Balladur, ancien Premier ministre. François Léotard, ex-ministre de la Défense, a été condamné à deux ans de prison avec sursis et 100 000 euros d'amende, pour complicité et recel d’abus de biens sociaux.  

Le volet sécuritaire du dossier est, quant à lui, toujours en cours. En 2012, des victimes avaient déposé plainte pour de possibles négligences quant à la sécurité du personnel. Le 22 avril dernier, les rescapés et familles de victimes ont été reçus au tribunal judiciaire de Paris pour être informés des avancées de l’enquête. Cela faisait sept ans qu’ils n’avaient pas été réunis.

Vingt ans après l'attentat, les volets "terrorisme" et "sécurité" de cette affaire ne sont toujours pas refermés.  

Affaire Karachi 20 ans après : une journée en hommage aux victimes  

Avec sa sœur aînée Sandrine, Julie mène le combat judiciaire sans relâche. Depuis 20 ans, Sandrine s’exprime pour porter la parole de six familles de victimes. Elle maîtrise le dossier sur le bout des doigts et ne cesse de réclamer la levée du secret défense pour que justice soit faite. "Au départ, on ne se dit pas qu’on va en prendre pour 20 ans et puis, petit à petit, on s’aperçoit que ça va être long, très long", explique-t-elle.

Cela tient au fait qu’on nous a toujours mis des bâtons dans les roues. Pour être très claire, l’Etat et DCN (Naval Group maintenant) ont joué tous les obstacles possibles, en particulier le secret défense mais pas seulement. Donc on a avancé petit à petit (…) On s’est mis dans la tête qu’on avait un devoir envers nos pères et nos maris et ce devoir on essaie de le faire jusqu’au bout quoiqu’il en soit.

Sandrine Leclerc, fille d'une victime de l'attentat de Karachi

France 3 Normandie

Ce dimanche, elle prendra la parole lors de la cérémonie d’hommage aux victimes de l’attentat à Cherbourg.

Je crois que ce n’est pas un jour pour faire de la politique ni du judiciaire. On est là pour rendre hommage à nos proches. L’idée est de rappeler que l’affaire Karachi, comme il est convenu de l’appeler maintenant, ce n’est pas juste des tonnes de papiers chez des avocats et des juges d’instruction mais avant tout ce sont des hommes qui sont morts. Ce sont des femmes qui sont privées de leurs maris et des enfants de leurs pères.

Sandrine Leclerc, fille d'une victime de l'attentat de Karachi

France 3 Normandie

"Si aujourd’hui je témoigne (...) c’est uniquement pour montrer qu’on existe encore, qu'on est là, et qu’il y a encore des choses à faire. Ils méritent qu’on le fasse. C’est juste normal", souffle Julie, sa sœur cadette.

Dimanche 8 mai 2022, vingt ans après le terrible drame, une cérémonie publique est organisée à 14h30 par la mairie devant la stèle en mémoire aux victimes, située derrière la Cité de la mer de Cherbourg. Plus tôt le matin, un premier hommage a eu lieu à l'intérieur du site de fabrication de sous-marins nucléaires Naval Group, ex-DCN.

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