L'année 1964 marque un tournant dans l'histoire maritime de Cherbourg. La 1ʳᵉ ligne régulière de car-ferries entre la Normandie et l'Angleterre voit le jour. Retour sur un évènement qui a sauvé le port de Cherbourg.
Jean Pivain est un grand témoin de l'histoire de Cherbourg. Il se souvient de l'arrivée du Viking I, non loin du quartier du port où il est né. C'était le 2 mai 1964. Le ferry orange et blanc de la compagnie Thoresen Car Ferries arrive de Southampton. Son escale à Cherbourg marque la naissance de la 1ʳᵉ ligne régulière entre la Normandie et l'Angleterre.
Tout le monde venait voir l’arrivée du bateau. Les gens comptaient les voitures qui sortaient du ferry. Je sais qu’il en sortait 170. C’était un spectacle complètement nouveau. Ça a redonné un second souffle au port de Cherbourg.
Jean Pivain, cherbourgeois de 95 ans
Car dans les années 60, l'ambiance sur le port est morose. Premier port du Monde pendant la Seconde Guerre mondiale, avec deux millions de tonnes de marchandises et d'armes débarquées puis expédiées dans toute l'Europe entre juillet 1944 et février 1945, Cherbourg vit mal l'après-guerre.
"Le port était vraiment en déclin", se souvient Jean Pivain. Le trafic Transatlantique qui a fait les grandes heures de la ville, vit alors ses dernières heures, supplanté par l'aviation.
"Avant le Viking I, il n'y avait rien, ou presque rien"
Jean Pivain et ses Amis du Musée National de la Marine ont mené leur enquête. Avant l'arrivée du Viking I, en 1964, les liaisons étaient peu nombreuses. Les premières traversées régulières remontent à 1839. Elles reliaient alors Weymouth à Cherbourg.
"Il y a eu des tentatives au milieu du 19ᵉ siècle, mais les ferries ont réellement été établis en 1950. Des bateaux avec une capacité beaucoup plus faible que maintenant, dans lequel les véhicules étaient grutés", explique Philippe Dubourdieu, membre des Amis du musée national de la Marine.
Les ferries transportent alors 10 000 voyageurs par an, et quelques voitures. Mais leur embarquement est peu pratique. Les voyageurs se tournent alors vers les "Air Ferries".
Dans les années 50, la solution la plus efficace, c’était l’avion. Les vols reliaient Southampton à l'aéroport de Cherbourg-Maupertus en une demi-heure, trois quarts d'heure.
Philippe Dubourdieu, membre de l'association des Amis du Musée National de la Marine
Les avions utilisés proviennent des stocks de la Seconde Guerre mondiale. Certains ont assuré le ravitaillement des Allemands lors du blocus de Berlin. Les Air Ferries permettent de transporter 2 à 5 véhicules, en les chargeant par l'avant.
"Ce sont eux qui transféraient le plus de passagers entre l’Angleterre et la France, raconte Philippe Dubourdieu. En 1963, il y a eu plus de 50 000 passagers, qui ont traversé la Manche, uniquement par avion." Mais ce moyen de transport ne convient pas à Otto Thoresen, un armateur norvégien installé en Angleterre, qui souhaite partir en vacances dans l'ouest de la France.
Le succès du Transmanche
Dans les années 60, Otto Thoresen, petit-fils d'un des pionniers du bateau à vapeur en Norvège, installé en Angleterre, doit passer par Calais pour partir en vacances. Il trouve que c’est une perte de temps énorme. Et à partir de 1962, il se lance dans un grand projet : celui de créer des liaisons maritimes régulières entre la France et l'Angleterre avec la compagnie Thoresen Car Ferries.
La première ligne est inaugurée le 11 mai 1964. Le succès est immédiat.
Cette liaison répondait à un vrai besoin. En 1964, plus de 140 000 passagers et 36 700 voitures ont traversé la Manche en huit mois.
ITW Philippe Dubourdieu, membre de l'association des Amis du Musée National de la Marine
Devenue Towsend Thoresen Car Ferries, la compagnie sera rachetée par le futur P&O European Ferries. La Brittany Ferries, elle inaugure la liaison Cherbourg-Porstmouth en 1976. Et il y aura jusqu'à 1 800 000 passagers par an sur les lignes Transmanche.
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60 ans de trafic Transmanche à Cherbourg. Un reportage de Sylvain Rouil et Carole Lefrançois, Montage : Sylvain Ledey
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©France 3 Normandie
Une exposition pour raconter les grandes heures du Transmanche
Les membres de l'association des Amis du Musée National de la Marine souhaitent partager leurs découvertes sur l'histoire du Transmanche. Ils préparent une exposition. Elle sera visible sur le village de la 5ᵉ édition de la Drheam Cup, le Grand Prix de France de Course au Large, du 11 au 15 juillet à Cherbourg-en-Cotentin. Ils espèrent ensuite la faire vivre ailleurs, et pourquoi pas à la Cité de la Mer.