Une ancienne assistante maternelle été condamnée ce jeudi à trois ans de prison avec sursis par le tribunal de Cherbourg. Les parents de la victime, un petit garçon âgé de huit mois à l'époque des faits, ont tenu à raconter leur histoire.
Aurélien Roumy a du mal à trouver ses mots. Et pourtant, ces événements resteront à jamais gravés dans sa mémoire. Il y a l'appréhension d'un procès pourtant tant attendu. Et le souvenir douloureux de cette journée de mars 2018 dont son fils, aujourd'hui âgé de 4 ans et demi, gardera peut-être à jamais les séquelles. Mais Aurélien Roumy tient à nous parler. Avec son épouse, ils ont eux-mêmes fait la démarche de nous contacter.
"J'ai reçu un coup de téléphone de la nourrice me disant que mon fils pleurait énormément depuis le début de l'après-midi, qu'elle n'arrivait pas à le calmer et qu'il devait avoir mal au ventre. J'entandais mon fils pleurer par le téléphone et je me suis immédiatement rendu chez la nourrice." Sur place, le père de famille est immédiatement frappé par l'état de son bébé alors âgé de huit mois. "Il était vraiment en détresse. Il pleurait énormément puis tout à coup tombait dans un état comateux." Sans hésiter une seule seconde, Aurelien Roumy emmène son fils aux urgences.
Un terrible diagnostic
A l'hôpital de Cherbourg, les premiers examens pratiqués au niveau de l'abdomen du bébé ne donnent rien. "L'hôpital a pris la décision de faire un scanner et c'est là qu'on s'est rendu compte qu'il y a avait une hémorragie cérébrale." Le tout jeune enfant est alors transféré au CHU de Caen. De nouveaux examens révèlent également la présence d'une hémorragie rétinienne. "L'accumulation des deux est due au syndrome du bébé secoué."
Mais ce terrible diagnostic, les parents ne l'apprendront que deux jours plus tard, par les services de police. "L'hôpital ne nous l'a pas dit car ils ne savaient pas si c'était nous qui l'avions secoué." Maintenus dans l'ignorance, les parents comprennent toutefois avec angoisse la gravité de la situation. "Il a eu une opération pour drainer tout le sang du cerveau. Le pronostic vital a été engagé une dizaine de jours. Un jour ça allait un petit peu mieux, le jour suivant il s'enfonçait de plus en plus."
Des séquelles "faibles" mais bien réelles
Le petit garçon a aujourd'hui quatre ans et demi. "Les premières années ont été très dures, surtout la première avec tous ses problèmes de santé. Il était épileptique. Il avait aussi un problème au bras gauche. On a enchainé de très nombreux rendez-vous médicaux." L'état de l'enfant s'est amélioré, ses parents évoquent "des séquelles faibles par rapport à ce qui aurait pu lui arriver", mais des séquelles bien réelles. "Ce sont des problèmes de comportement, c'est un enfant très actif, qui nous sollicite beaucoup. Il a aussi des problèmes de nutrition, il a du mal à s'alimenter tout seul, on est obligé de lui donner à manger. Il a été sondé assez longtemps, ça n'aide pas", raconte son papa. Comme ses deux petits frères jumeaux âgés de quelques mois, le petit garçon est nourri au biberon.
"On n'a plus confiance en grand monde"
Avec ce drame, c'est toute une famille qui est profndément marquée et les traces sont aussi bien physiques que psychiques. "La vie est complètement différente quand on a vécu ce genre de choses. on essaye de passer plus de temps avec nos enfants, forcément", explique Aurélien Roumy. "On est très protecteur avec nos deux jumeaux. On ne peut plus faire garder nos enfants par une nourrice, les Mam (Maison d'assitants maternels) c'est compliqué parce qu'on sait bien qu'en fin de journée il n'y a plus qu'une personne dans la Mam." Dans l'attente de trouver une crèche, la maman a arrêté de travailler. "On arrive juste à les faire garder par la famille très très proche. Et encore, des fois c'est difficile. On n'a plus confiance en grand monde."
Ce procès au tribunal correctionnel de Cherbourg ce jeudi matin, ils l'ont attendu avec l'espoir de pouvoir "tourner un petit peu la page" mais en appréhendant "énormément le résultat". Et comme ils le pressentaient, la matinée s'est achevée sur une déception. L'ancienne nourrice a été condamnée à trois ans de prison avec sursis. "Elle va reprendre sa vie de tous les jours, elle aura juste une petite mention sur son casier", s'indigne la maman, Adeline Dorey, "Nous, il va falloir encore qu'on se batte pour notre fils au gré des rendez-vous médicaux, qu'on l'accompagne le mieux possible parce que ce n'est pas fini pour lui. Ça va aller jusqu'à la fin de sa vie."
Des excuses inaudibles pour la famille
A la barre, la prévenue, en sanglots, s'est adressée aux parents : "je voudrais vous dire pardon pour mon geste mais c'est impardonnable." Son avocate, Me Catherine Besson, a rappelé à l'audience que sa cliente avait reconnu les faits dès son placement en garde à vue et regrettait son geste. "C'était une période très compliquée pour elle - les experts l'ont reconnu - elle n'avait plus le contrôle total de ses aactes et malheureusement quelques secondes de sa vie ont fait basculer le sort de ce petit garçon et de sa famille." Des arguments inaudibles pour la famille. "Prendre un enfant, le secouer, un enfant de huit mois qui ne tient pas sa nuque, c'est criminel", lâche Aurélien Roumy.
L'ancienne nourrice a également été condamnée à une interdiction d'exercer toute activité en contact avec des mineurs. Elle devra également verser les dommages et intérêts demandées par la famille : 40 000 euros pour le petit garçon et 15 000 euros pour chaque parent. "Ce sont des demandes provisionnelles", précise leur avocat, Me Christophe Loison, "Nous ne pouvons pas demander de manière définitive les sommes que nous allons être amenés à demander au regard de l'état de l'enfant qui n'est pas consolidé." La médecine ne pourra pas se prononcer avant que le petit garçon ait "au moins" six ans. "La plupart des médecins nous disent que ce ne sera consolidé qu'à l'adolescence. Pour l'instant on attend", indique Auréline Roumy, "On n'a pas de réponse sur l'avenir de notre fils."
Selon la Haute Autorité de Santé, 200 enfants seraient victimes du syndrome du bébé secoué chaque année en France, une estimation sans doute en dessous de la réalité selon les spécialistes et la HAS elle-même. "Il y a environs 30% des victimes du syndrome du bébés secoués qui décèdent, une autre partie finit aveugle et il y a très peu d'enfants qui s'en sortent sans séquelles", affirme Aurélien Roumy, "On voulait médiatiser notre affaire. En parlant, ce sera peut-être une vie de sauvée. Et dire que ça n'arrive pas qu'aux autres."