Le cidre, produit emblématique de la région, est en pleine mutation avec l'arrivée de jeunes, ou du moins d'un regard neuf, dans la profession. Au point que certains parlent de "nouveau cidre". Une nouveauté qui s'ancre pourtant dans les traditions, mais pas uniquement cidricoles.
Le cidre en question. C'est la saison. De la production. Pour la consommation il faudra attendre, car en la matière tout est affaire de patience.
Entendons-nous : le sujet qui nous intéresse ici dans cette série de quatre reportages est le cidre de qualité, le vrai, celui qui au mieux dispose d'une appellation d'origine contrôlée.
On trouve toutefois de bons produits hors zones d'appellation, ceux qui généralement se baptisent fermiers ; ils sont élaborés avec des levures et des prises de mousse naturelles, c'est-à-dire non gazéifiés et / ou pasteurisés comme bon nombre de cidres industriels.
Le cidre de qualité qui cherche toujours sa place sur les meilleures tables et ses lettres de noblesse est un produit en mutation. Dans ses modes de fabrication qui se sont largement modernisés, dans le marketing et la communication aussi qui d'années en années ne cessent de rafraîchir les étiquettes. En fait, cinquante ans après la révolution du vin c'est cet univers de la viticulture et de l'oenologie qui semble inspirer nombre de producteurs. Les (rares) paysans ayant conservé leurs vergers (peuplés de vrais pommiers, hautes tiges !) n'ignorent plus rien de la potentielle valeur ajoutée de leurs pommes. Il faut les travailler en visant l'excellence.
C'est sans doute pour ces raisons que l'on voit apparaître dans la profession de jeunes propriétaires, des investisseurs ou des journalistes spécialisés aguerris au monde viticole, de plus en plus avides de voir transformer la pomme en or. Ne trouve t-on pas déjà certains flacons flirtant avec les prix des meilleurs crémants ?
1. Retour aux sources
Dans l'immédiat après-guerre, la moitié de la surface agricole de la Manche était plantée de pommiers. Aujourd'hui, les vergers ont quasiment disparu. Les agriculteurs ont été incités à arracher pour privilégier l'élevage. Dans le Coutançais, à Cametours, seuls subsistent les vergers de Damien Lemasson. Il est l'un des artisans et des militants du renouveau cidricole, un renouveau qui n'est peut-être finalement qu'un retour aux sources. "Le paradoxe c'est que quand on parle de nouveau cidre, on s'adresse sans doute à une clientèle plus moderne mais on s'ancre terriblement sur les traditions."Damien Lemasson, cidriculteur
Dominique Hutin, journaliste
2. Changer dans la continuité
La maison Hérout est l'une des valeurs sûres du Cidre Cotentin. La patronne, Marie-Agnès, fut la chef de file de l'appellation d'origine contrôlée conquise en équipe par une poignée de cidriculteurs de la région. Les méthodes de fabrication n'ont pas changé: on presse sans se presser. Certes, le vieux pressoir à paquet vient de céder sa place à une nouvelle machine mais :" on a opté pour un pressurage lent, toujours prendre ce temps et pas trop serrer pour écraser le pépin...c'est l'expérience qui parle, et j'aime bien le transmettre aux jeunes". Et des jeunes, justement, l'entreprise familiale vient juste d'en accueillir, de jeunes associés qui vont apporter "un regard neuf".Marie-Agnès Hérout, cidricultrice
3. Quand le cidre s'inspire du vin
"Le vin a une histoire longue, il se raconte depuis 2000 ans. Le cidre a également une longue histoire mais il n'avait pas pris le sens, la mesure, la nécessité de se raconter. Le cidre est en train de rattraper le retard qu'il accusait sur le vin, un retard d'une ciqnuantaine d'années. L'oenologie moderne, c'est les années 50", explique le journaliste Dominique Hutin. A Cambremer, dans le Calvados, Antoine Marois, encore jeune dans le métier, semble justement tirer son inspiration de la viticulture avec ses cuvées parcellaires. "Le terroir c'est la conjonction d'un climat, d'un sol et d'un sous-sol ainsi que du savoir-faire des hommes", explique le cidriculteur, "ces quatre éléments sont vraiment liés à un endroit, un lieu. C'est ça que j'ai voulu mettre en valeur."Antoine Marois, cidriculteur
4. Et le poiré, dans tout ça ?
Direction Domfront, dans l'Orne, pour ce dernier épisode consacré au poiré, une boisson moins connue mais similaire au cidre, sauf qu'elle est conçue, comme son nom l'indique, à base de poire. "Ce qu'on appelle le savoir-faire du paysan - il s'occupe du pays et il est artisan en même temps - c'est de savoir s'adapter et savoir regarder à la situation", explique Frédéric Pacory, cidriculteur. Si on ramasse toujours les fruits à la main, on vit tout de même avec son temps pour perpétuer la qualitéSimon Pacory, cidriculteur
Frédéric Pacory, cidriculteur
Une série réalisée par Rémi Mauger, Cyril Duponchel, Jonathan Ruelle, Marc Michel et Bruno Munch