Et si Eva Lavalley était la jolie histoire de la Coupe de France de football cette année ? Cette jeune normande est passée à la tête des hommes du FC Sienne et sort de l'anonymat le petit club départemental de la Manche, avec déjà trois exploits face à des équipes plus fortes. Quel est son secret ?
On connaissait la passion de Johan Gallon à Granville, il faut croire que le virus Coupe de France s'est transmis aux voisins. A quelques kilomètres de là, le FC Sienne n'en finit plus de surprendre. Et c'est une femme qui dribble tous les pronostics... Et les préjugés peut-être.
Eva Lavalley est une enfant du club. Depuis toute petite. "Je jouais avec les garçons, jusqu'au lycée (depuis les U6). Il n'y a eu aucun souci. J'avais des copains qui jouaient au football et j'ai voulu jouer avec eux. On m'a proposé d'aller avec des féminines mais je n'en avais pas forcément envie."
Un vécu du haut-niveau, frustrant mais précieux
Cette passion l'a amené jusqu'aux portes du professionnalisme, en D2 féminine à Condé-sur-Noireau (Calvados) puis Rennes. Elle a arrêté à 25 ans à peine. "Il y avait peu de reconnaissance pour le temps que ça prenait : 5 entraînements par semaine, plus les déplacements (parfois très loin). Ce n'était ni Lyon, ni Paris. Je ne gagnais pas d'argent, et ça créait de la fatigue au travail. Je ne voulais plus faire de concession pour le football."
Mais depuis deux ans, elle ne s'est pas éloignée des terrains pour autant. Eva Lavalley a simplement passé son diplôme du Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BPJEPS) poiur s'asseoir sur le banc. D'abord avec une équipe féminine à Gavray (Manche), puis avec les jeunes de son club de toujours, le Lingreville MH (fusionné depuis avec Montmartin-sur-Mer et Hauteville-sur-Mer pour former le FC Sienne). "Je pense que tous les enfants de ma génération ont un très bon souvenir du coach de l'époque, Nicolas Geraud, qui avait connu le niveau national avec Avranches et Granville. C'était le type d'éducateur que toute personne a envie de suivre, dans son parcours et dans ce qu'il apportait à ses joueurs : de la joie et aussi beaucoup de connaissances tactiques et techniques." Autant de qualités qu'elle veut transmettre aujourd'hui. Que cela soit à des enfants, des femmes ou des hommes.
Sur le terrain, pas de différence
Cet été, Eva Lavalley a donc accepté de reprendre en main les entrainements de l'équipe première, des hommes évoluant en Départementale 3. Sans se poser de question. "C'était naturel", affirme le président du club, Elie Pinson. "C'était quelqu'un qui travaillait déjà au club, que les garçons connaissent. Tout le monde sait de quoi elle est capable, d'où elle vient, ce qu'elle connait. A partir de ce moment-là, y'a pas trop d'a priori à avoir."
Et tout le monde au club s'en félicite depuis. "Par rapport à ce qu'on avait avant, c'est une coach plus exigeante mais c'est ce qu'il faut aussi si on veut être plus motivés, qu'on se surpasse, qu'on aille chercher encore plus loin", souligne Bastien Boizard, l'un des joueurs. Et le fait que ca soit une femme ? "Moi je m'en fiche, elle fait très bien son rôle de coach donc je ne fais vraiment pas attention à ce détail-là." Le président a quand même remarqué quelques petites différences : "les joueurs sont beaucoup plus à l'écoute."
C'est encore dommage à notre époque de parler de féminiser un sport.
Si cette intronisation s'est faite naturellement, c'est aussi peut-être parce qu'elle entre dans un grand plan d'ouverture du club à tous. "On a une équipe de U11 féminine, peut-être des U7 féminine. On doit être capable de proposer la pratique du football à tout enfant, que ce soit un garçon ou une fille", affirme Eva Lavalley. Et c'est selon la même logique, mais en visant les anciens, que le club tente d'organiser désormais des séances de football en marchant.
Le buzz Coupe de France
Mais tout cela serait resté bien discret si la magie de la Coupe de France n'était pas passée par là. Depuis le début de la saison, le FC Sienne enchaîne en effet les exploits. Dès le premier match, c'est un club de Régional 3 (trois divisions au-dessus) qui a dû s'incliner (2-0), le FC 3 Rivières. puis un club de D1 (5-0) et un club de D2 (3-0). Une fierté mais sans pavoiser. "C'est génial mais on reste à notre place, on est le petit poucet, un club de D3 qui veut s'améliorer dans tous les domaines : les jeunes, les adultes et les infrastructures", précise le président.
Et pas question pour la nouvelle entraîneur de tirer la couverture à elle. "Je préfère que vous mettiez mes joueurs en photo, car ce sont eux qui sont sur le terrain !" Chose promise, chose due.
Au prochain tour, Bastien Boizard et ses coéquipiers espéraient jouer Granville, le voisin, gros morceau évoluant en Nationale 2 et habitué des épopées dans cette compétition. Ce sera l'ASPTT Caen, club de R1, le week-end prochain. Cinq divisions d'écart ! "Que du bonus. C'est l'occasion de jouer contre des grosses équipes. Faut qu'on profite de ces matchs-là, on en aura pas beaucoup. Faut qu'on se fasse plaisir".
Le plaisir de jouer avant tout
Quand on lui demande ce qu'elle ambitionne, la réponse d'Eva Lavalley est des plus simples, "apporter de la joie". "Avant les matchs, je dis toujours à mes joueurs qu'il faut qu'ils prennent plaisir avec une réelle cohésion entre eux. Venir jouer le week-end alors que c'est un loisir et ne pas prendre plaisir, ce serait dommage. Ce qu'on demande, c'est de produire du jeu. C'est ça la philosophie première : jouer propre, au sol. Après on fait comme on peut ; s'il y a des week-ends où on est obligé de balancer, on ne va pas prendre de plaisir. En D3, ça arrive..."
Elle espère donc bien fait monter l'équipe au niveau supérieur le plus vite possible.