Le petit village de Tanis dans le Sud Manche est en proie à la discorde. En cause, un projet d'implantation d'antennes relais de télécommunication de plus de 30 mètres de haut sur son territoire, dans l'axe du Mont Saint-Michel. Face à l'administration, un collectif s'est constitué et a déposé un recours au tribunal administratif de Caen.
De nouvelles antennes relais pour la réception du téléphone et d'Internet pourraient être installées à Tanis, petite commune de 260 habitants, située dans la Manche, à proximité du Mont Saint-Michel. Elles viendraient compléter des antennes déjà en place dans des communes limitrophes.
"Nous profitons déjà des antennes 4 et 5G des communes voisines" indique Emmanuel Gilles, agriculteur à Tanis et représentant du "collectif pour le patrimoine de Tanis et de la Baie". "Il est vrai que la réception n'est pas parfaite partout, notamment aux abords du village" admet-il "Mais cela est bien suffisant pour répondre à nos besoins".
Un projet validé par l'administration
La controverse porte sur trois projets : deux antennes pour l'opérateur "Free" et une antenne pour "ATC France", une entreprise privée qui pourrait revendre ou louer son installation à un autre opérateur. Les trois projets ont d’ores et déjà fait l'objet d'une déclaration préalable de travaux, dont deux n'ont pas reçu d'avis défavorable de la mairie qui s'appuie sur la décision du service instructeur du département de la Manche, le PETR (pôle d'équilibre territorial et rural) qui a validé les installations, sous la caution de la préfecture elle-même qui s'est exprimée en mars dernier.
"Ma position est neutre" indique Christine Julienne. "La mairie ne fait qu'apporter une "non-opposition" à ces projets qui sont décidés par l'administration publique d'Etat et contre laquelle je ne peux rien".
Sur le troisième projet, nous avons émis un avis défavorable après délibération du conseil municipal. Mais rien ne dit que le département ne le validera pas. Je suis personnellement sous le feu des attaques, cela est injuste.
Christine Julienne, maire de Tanis dans la Manche
Les trois pylônes en question de trente six mètres de haut, situés à six kilomètres du Mont Saint-Michel seront visibles depuis le site classé au patrimoine mondial de l'UNESCO. Selon le collectif d'opposition, ils seront aussi visibles depuis le rucher de Tanis qui constitue la plus belle vue de la commune, lieu de protection de la biodiversité. Cela offrirait une vue directe sur deux antennes situées à 400 et 600 mètres. Sans compter la vue de la baie qui serait gachée pour les automobilistes depuis la RN175.
"La cupidité l'emporte sur la préservation de l'environnement"
Ces mâts n'ont pas eu de difficultés pour trouver un terrain d'implantation auprès d'agriculteurs locaux. "Il faut dire que la location de la parcelle est très attractive" précise Emmanuel Gilles. "Plusieurs milliers d'euros par an et de façon pérenne sont assurés. Un revenu bien supérieur à ce que peut rapporter proportionnellement n'importe quelle culture".
Pour les opposants, la cupidité l'emporte sur la préservation de l'environnement. L'agriculteur met aussi en avant de possibles engagements entre les opérateurs privés et l'Etat pour combler les zones blanches de réception, avec une obligation de volume de superficie à couvrir et un nombre de pylônes dédiés.
C'est un projet délirant sachant que cela n'apporte pas grand chose de plus à la couverture actuelle. On sait par ailleurs que les ondes émises peuvent impacter la santé des hommes et des animaux. A la fin de cette année, la fibre optique devrait être installée. Tout cela est difficile à comprendre d'autant que le gouvernement préconise la sobriété énergétique, et on fait tout le contraire...
Emmanuel Gilles, agriculteur et représentant du "collectif pour la protection du patrimoine de Tanis et de la Baie"Que penser d'une telle politique environnementale alors que les pouvoirs publics interdisent l'implantation d'éoliennes dans un rayon de trente kilomètres autour du Mont Saint-Michel ?
Que penser d'une telle politique environnementale alors que les pouvoirs publics interdisent l'implantation d'éoliennes dans un rayon de trente kilomètres autour du Mont Saint-Michel ?
"Je ne rentre pas dans ce débat" précise Christine Julienne. "Je constate que je n'ai pas de reception sur ma pelouse et qu'elle est très mauvaise sur l'axe autoroutier à proximité, ce qui peut poser problème pour les services de secours notamment".
Intégration paysagère et enjeux de biodiversité
Pourtant, les politiques publiques, à travers notamment le ministère de la Transition écologique, préconise l'intégration paysagère et la prise en compte des enjeux du paysage de la biodiversité, avec des dispositifs de protection du patrimoine paysager et naturel.
Il s'agit ainsi de concilier développement des nouvelles technologies et protection du paysage et de l’environnement, dans un souci d’exemplarité, de discrétion et de sobriété. Des mesures doivent être prises et présentées par les opérateurs mobiles et d’infrastructure mobiles afin d’éviter ou de limiter les impacts des nouvelles antennes relais sur le paysage et la biodiversité, que le projet soit situé ou non en zone protégée, et que le contexte soit naturel, rural, urbain ou périurbain.
En application de la réglementation, la localisation et le projet ne peuvent résulter des seules opportunités foncières, contraintes techniques ou stratégies d’optimisation des coûts.
L'autorité publique préconise d'installer les antennes relais en priorité sur les supports existants (bâtiment, pylône, château d’eau, etc.). Si l’antenne ne peut être installée sur un support existant, une analyse doit être menée afin d’identifier la solution ayant le moins de conséquences sur le paysage et l’environnement.
Recours en justice, affaire à suivre
Le collectif pour la protection du patrimoine de Tanis et de la Baie, constitué de 15 personnes, a lancé une pétition auprès de la population. Elle a recueilli plus de 400 signatures dont 85% des 260 habitants du village. L'association a en outre déposé un recours au tribunal administratif de Caen pour invalider le projet. Affaire à suivre...