Elles sont plantées dans nos villages comme des édifices imposants avec un semblant d'air indestructible. Pourtant certaines d'entre elles sont parfois vendues et transformées pour être sauvées. D'autres peuvent même être abattues. Comme celle de Carteret qui va disparaître.
"Tout a été essayé, personne n'a les épaules pour la reprendre, c'est un chantier colossal. Les experts ont montré qu'il y a un tassement différentiel des fondations qui engendre une déstructuration de l'édifice. Elle est construite sur du sable et va finir par s'écrouler sur elle-même. Il faut qu'on la démolisse avant qu'elle ne tombe sur quelqu'un", nous assure sereinement l'économe diocésain, Olivier Jourdan.L'Evêché de Coutances travaille le dossier en concertation avec la mairie et des diocésains depuis des années mais, rien n'y fait. Fermée au public depuis 2017, l'édifice ne tient plus qu'à un fil et il va falloir trancher vite.
"C'est sans compter le problème du béton car du sable de mer a été utilisé. Il a fait rouiller une partie de la structure métallique à l'intérieur et fragilise grandement la construction." L'armature fragiliséee, peut faire éclater le béton comme du verre, à tout moment.
Les travaux de réfection dépassent largement le million d'euros : personne ne peut payer et le monument n'est pas classé pour bénificier de budgets nationaux. Pire, il n'appartient même pas à la commune. En Effet, construite après 1905 et consacrée en 1912, cette église n'est pas dans l'inventaire des bâtiments transférés lors de la séparation des affaires de l'Eglise et de l'Etat.
L'association diocésaine en est donc popriétaire et les travaux sont au dessus des moyens de l'Evêché de Coutances. "C'est inimaginable aujourd'hui", affirme l'économe. D'ailleurs aucune association de sauvegarde du patrimoine ne s'y hasarde non plus.
Une fois l'église détruite, le terrain sera vendu
Comme le temps presse et que le dossier s'enlise, la commune et l'Eglise regardent ensemble comment "déconstruire" sans laisser trop de choses derrière elle. Ainsi tout ce qui est recyclable, récupérable : autel, bancs, vitraux, orgue, etc seront peut-être replacés dans "l'autre" église de cette commune fusionnée Barneville-Carteret.
"Mais rien n'est encore acté. La DRAC a son mot à dire dans l'affaire", précise le porte-parole de l'évêché. Seule certitude, ces éléments seront légués gratuitement. L'Evêché, ne cherche pas le profit.
Le terrain sera ensuite mis en vente. "On espère d'ailleurs que son prix, alors qu'il est bien placé dans cette station balnéaire, nous permettra de financer la démolition."
Souvent dans ces dossiers, les évêchés vendeurs d'Eglises veulent mettre de l'ordre dans leurs affaires et alléger leurs charges.
Ces églises devenues restaurants ou salles de sport en Normandie
L'idée décomplexée de transformer nos églises en lofts privés ou commerces est venue des pays anglo-saxon dès les années 90. Des groupes de musique ont parfois relooké des chapelles en studio d'enregistrement. Mais pas seulement.
On connaît bien sûr, en Europe, l'immense librairie-café de Maastricht, aux Pays-Bas : exemple réussi de reconversion urbaine qui a permis de redynamiser tout un quartier.
#villes une librairie-cafe dans une église du centre de @maastricht pic.twitter.com/Spv17mgql7
— Alexandra huctin (@alexhuctin1972) October 22, 2017
Ou en Irlande, un pub installé dans le choeur et qui lui a pris jusqu'au nom : "The Church"
Pas tout à fait : The Church est un bar et restaurant irlandais établi dans une ancienne église qui était laissée à l'abandon.#Irlande #Ireland pic.twitter.com/EdRs6LgxbE
— Cephalo Vinum (@cephalo_vinum) July 24, 2018
Mais il existe des exemples de reconversion plus récents encore et surtout, plus près de nous.
Ainsi la Chapelle de la Charité, rue de Falaise à Caen est devenue une salle de sport très recherchée. Tant se lancer dans 30 minutes de vélos elliptique face aux vitraux immenses fait rêver.
En octobre 2020, le journal Ouest-France présentait le projet d'un couple de retraités, nouveaux propriétaires heureux de la chapelle de la Miséricorde à Vire, inoccupée depuis 1987 (au moment du départ des soeurs de la congrétation de la Miséricorde). Leur objectif ? La transformer en galerie d'Art.
A Rouen, l'église Saint-Nicaise rachetée en 2019, doit être transformée en brasserie avant 2023.
Ainsi l'Observatoire du Patrimoine Religieux essaie de recenser tous les sites "vendus ou à vendre" en France. Une liste non exhaustive mais qui permet de mesurer l'ampleur du phénomène, alors qu'il y a une vingtaine d'années, reconvertir une église, restait exceptionnel, voir inconvenant, en France. Le tabou était grand.
Selon un état des lieux fait par les évêques, il y aurait 255 églises désaffectées ou vendues depuis la loi de séparation de l'Église et de l'État de 1905, et le phénomène s'accélère. Il devient même "tendance".