Dans toutes les zones rouges en alerte sécheresse, l'arrosage des pelouses est interdit, clubs de football compris. Et même si la mesure est normale et totalement comprise dans les clubs touchés, de gros soucis se dessinent pour les prochains mois : comment seront les terrains fin août ? Comment va pouvoir se jouer la reprise des championnats? Et qui paiera la facture des remises en état ?
"C'est mon travail du matin, passer des coups de fils dans tous les clubs de la région pour savoir si chez eux on peut encore jouer", lâche avec un sourire mais un peu de désolation dans la voix, Matthieu Travers le coach de l'AS Cherbourg Football. "On galère pour les matchs de préparation. Tous les jours je cherche des terrains encore praticables." Depuis quatre jours, les pelouses de l'agglo ne sont plus arrosées. "Notre terrain est encore très correct mais quand on voit celui de Saint-Lô [NDLR à 77 KM au sud] qui n'arrose plus depuis une dizaine de jours, on imagine ce qui nous attend."
Du vert au jaune, voire marron
Dans l'agglomération de Cherbourg, le petit club voisin de Bretteville-en-Saire n'a plus de pelouse ou presque : c'est un tapis jaune, tout grillé, comme le montre la photo de leur tweet ci-dessous.
Depuis vendredi 5 aout 2022, la préfecture de La Manche a placé les bassins Nord Cotentin en alerte sècheresse et dans tout le secteur on a revu la consommation d'eau. "L'arrosage des stades, des pelouses, des terrains de sports et des pistes hippiques est interdit ( sauf avant un événement)." La mesure se répète dans toutes les zones en état de crise, quand l'alerte est dépassée.
"On ne pourra jamais jouer à domicile le 27 août pour la reprise du championnat de N3"
Un peu partout les zones "rouges" et les restrictions se multiplient sur le territoire normand. "Avec la sécheresse, la dégradation de l’état de la ressource en eau se poursuit à un rythme rapide", affirmait la préfecture de la Manche le 5 août. "Et on déjà commence à évoquer qu'il pourrait y avoir, dès la semaine prochaine, des coupure d'eau pour la population en journée", explique Thibault Deslandes, le président du FC Saint-Lô. "Dans ce contexte bien évidemment que la situation de nos pelouses et de notre championnat n'a pas d'importance. On n'a rien à dire, on ne se plaint pas. Les pelouses c'est pas grave."
Ce samedi 13 août son équipe de N3 doit rencontrer en amical et en préparation la réserve du Stade Rennais, pas sûr de pouvoir jouer sur le stade Villemer (photo de Une) alors qu'il se dégrade chaque jour un peu plus. Des zones entières de terre asséchée, d'herbe grillée jusqu'à la racine se développent. "Ce genre de club amène avec sa réserve des joueurs pro, pas question pour eux de s'aventurer dans un terrain traumatisant. C'est normal." Les jours prochains seront décisifs mais la pluie n'est pas franchement prévue d'ici là."
Thibault Deslandes va encore plus loin et se demande comment jouer le premier match à domicile du championnat. "On ne pourra jamais jouer à domicile le 27 août pour la reprise de N3. On sera obligé d'aller sur un synthé voisin et donc pas de billetterie, pas de buvette. Un jour comme celui-là c'est pour nous un gros billet qui rentre dans la caisse et ce sera ça encore en moins dans notre trésorerie", conclut le président qui compte attentivement chaque sou, comme tous les présidents de clubs depuis le Covid et les confinements successifs.
On commence déjà à évoquer des coupures d'eau pour la population dans les prochains jours autour de Saint-Lô. On en est là. Donc les restrictions pour nous sont tout à fait normales et justifiées. Mais comment seront les pelouses à la fin de tout ça ? Combien il va falloir pour les remettre en état ? Qui va payer ? On est dans l'incertitude et seul l'avenir nous le dira
Thibault Deslandes, président du FC Saint-Lôà France 3 Normandie
"Mais comment seront les pelouses à la fin de tout ça ? Combien il va falloir pour les remettre en état ? Qui va payer ? On est dans l'incertitude et seul l'avenir nous le dira", philosophe le président du FC Saint-Lô. En Normandie, on gère d'habitude le trop plein d'eau de l'hiver et les terrains engorgés avant Noël et le gel et le dégel et qui ne peuvent donc plus être foulés. L'inverse est très rare. "Il faudra bien s'interroger pour l'avenir et l'opportunité d'investir dans de l'hybride." L'idée est lanceé. Mais dans le football amateur, les stade sont municipaux. L'investissement est communal, voire intercommunal.
L'hybride : l'avenir ?
Ce nouveau type de pelouse mi plastique, mi- naturelle se démocratise. On sait que le synthétique pur a ses limites (risques cancérigènes, usures, brûlures, etc) et surtout, il coûte encore plus cher.
La pelouse du club professionnel du secteur, le Stade Malherbe Caen, est au-même moment magnifique. Certes, ils ont la dérogation pour l'arrosage et bénéficie d'une zone encore en seul état d'alerte. Mais son terrain hybride est moins gourmand, plus adapté à l'époque. Le club l'avait changé en 2018 dans des travaux pharaoniques ( voir la vidéo ci-dessous) mais pas irréalisables. Il existe d'ailleurs des qualités d'hybrides intermédiaires et donc moins chères.
On estime qu'il faut en moyenne entre 800 000 euros et un million d'euros pour passer un terrain en synthétique pur, et environ 600 000 euros pour de l'hybride. "Un terrain naturel pour de la compétition nationale comme le nôtre à Saint-Lô c'est 100 000 euros l'entretien annuel. Combien il va falloir rajouter au pot après cet épisode de sécheresse? ", s'interroge Thibault Deslandes. Les collectivités plus que jamais vont devoir sortir les calculettes et jouer sur le ratio bénéfices/risques dans les prochaines années. Des investissements seront nécessaires pour s'adapter.