Avec son trombone, Pierre réveille les Granvillais et peut-être les consciences

Musicien professionnel, Pierre Dandin s'est installé depuis le début de la crise sanitaire dans le bateau familial amarré dans le port de Granville. Chaque matin, il joue du trombone sur le ponton. Un moyen de s'exercer mais aussi d'attirer l'attention sur la culture en souffrance.

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"Pierrot, c'est notre coq du port. Ça change du bruit des moteurs, du bruit des drisses et puis ça fait un réveil, un super réveil !" Marin vit dans un bateau sur le port de Granville. Depuis quelques mois, il a un nouveau voisin, arrivé de Bretagne. Quand pointent les premières lueurs du jours, ce n'est pas le son de la cornemuse qui résonne mais les sonorités cuivrées du trombonne. Pierre Dandin, la quarantaine, a posé ses valises sur le bateau familial, amarré quelques dizaines de mètres plus loin. Son métier, musicien, l'a fait voyager aux quatre coins du globe avec des formations comme Sergent Garcia, les Gréments de fortune, General Strike ou Sax machine. Mais quand l'épidémie a commencé, tout s'est arrêté.

Au fil des mois, Marin et Pierre ont appris à se connaître. "Ça lui manque de jouer et comme il est très speed, ça le canalise, ça et la plongée. Ce sont les seuls moments où il est calme." Confiné dans le bateau familial, Pierre Dandin s'est longtemps exercé en sourdine. Mais les beaux jours venus, l'envie d'air frais et de soleil a titillé le musicien, qui a arpenté le port en quête du spot idéal. Et c'est en bout de ponton, là où le son se réverbère sur l'eau, qu'est né ce rituel matinal. "Ce n'est pas un cérémonial", se défend l'intéressé, "C'est au départ une envie de jouer. Les temps sont durs pour les intermittents. Un musicien a besoin de jouer de son art."

"Un musicien, ce n'est pas fait pour être tout seul"

Et de s'exercer. Pierre a étoffé son répertoire au gré des demandes des promeneurs du port. "C'est très agréable. Tout à l'heure on a chanté avec le monsieur quand il nous a joué du Léonard Cohen. On a eu envie de s'exprimer avec lui. C'est un petit cadeau", racontent deux dames en vacances dans la région. Gilles et Guilaine, la soixantaine, de Saint-Malo, sont eux aussi venus passer quelques jours à Granville et y ont amarré leur bateau. "Ça revit parce qu'il y en avait marre du silence. Les gens masqués, ils ne parlent pas. Là, c'est la vie", se réjouit le vacancier retraité. A ses côtés, sa compagne ne peut s'empêcher de ressentir une pointe de tristesse. "S'il est là à jouer au bout du ponton c'est peut-être aussi qu'il ne peut pas jouer ailler, avec du monde. Un musicien, ce n'est pas fait pour être tout seul. Il devrait être avec plein de monde autour de lui."

Pierre Dandin n'est pas tout seul. Il a trouvé des oreilles attentives et tentent de faire passer un message. "Moi, je ne pouvais pas rester enfermé dans un appartement alors je suis ve me confiner ici. Tous mes copains sont à l'opéra de Rennes, ils ont été aussi au TNB, ils sont en train d'occuper. Je suis leurs actions sur les réseaux sociaux. Jouer sur le port, c'est un peu ma manière de participer. J'ai voulu faire ça comme une sorte de crieur, c'est manière à moi de sensibiliser les gens à la culture. Là, la culture est vraiment en danger. si on continue comme ça on va finir par n'écouter que de la soupe."

"Si faire de la musique ça rapportait, ça se saurait."

Pour le musicien, la crise sanitaire a accéléré ce phénomène d'uniformisation et de formatage de son art. "Si faire de la musique ça rapportait, ça se saurait. Au moment où la pandémie a commencé, on travaillait avec le groupe Sax machine sur une tournée au Canada et aux USA; On a un album qui est prêt depuis de nombreux mois et on ne pourra pas le sortir avant longtemps parce qu'on va faire un flop", raconte le tromboniste, "Et puis nous on n'est pas un gros groupe, la vente de CD elle se fait beaucoup au cul de la scène, avec les gens."

Si l'horizon semble s'éclaircir sur le front sanitaire et que la culture entame depuis quelques jours un début de déconfinement, le musicien ne croit malheureusement pas à une reprise rapide - "Ça va mettre un, deux, trois ans à repartir" - et craint un effet d'embouteillage destructeur; "Tout le monde a envie de jouer donc on va finir par se brader. On parle d'une vocation, d'un art mais c'est aussi un métier. Ça fait 23 ans que je l'exerce et si ça continue, je vais changer de métier." Si Pierre Dandin semble avoir perdu l'espoir, il n'a pas pour autant perdu la passion pour son art, un art qu'il a récemment commencé à enseigner aux enfants de l'école de musique de la ville.

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