Chaque année, les carnavaliers de Granville (Manche) se moquent des puissants. Les 46 chars de l'édition 2024 du carnaval de Granville ne dérogent pas à la tradition. Le carnaval aura lieu du 9 au 13 février.
C'est devenu une habitude. Quelques jours avant le carnaval, le hangar où sont fabriqués les chars ouvre sa grande porte coulissante.
C'est un vaste entrepôt anonyme recouvert de tôles grises. Une enseigne "Carnaval" en lettres rouges signale quand même le trésor qui est abrité ici.
Quelques curieux déambulent entre les chars, dans les odeurs de sciure et de peinture. "L'ouverture du hangar, c'est un peu le début des festivités, explique la présidente Antonina Julienne. Cela permet à ceux qui ne pourront pas être présents de voir une partie des chars."
Attention, peinture fraîche !
Bien entendu, rien n'est tout à fait terminé. Une carnavalière en blouse blanche s'attelle à une fresque qui doit décorer les flancs du char. Le chantier s'annonce colossal, "mais on va y arriver", promet-elle dans un large sourire. Il est fort à parier que les dernières décorations seront installées le matin même de la cavalcade.
Quelques personnages sont déjà reconnaissables. Un président de la République qui affiche une mine perplexe. Une ancienne Première ministre figée dans un glaçon. On devine que cette œuvre d'art éphémère n'a rien d'élogieux.
Un peu plus loin, un autre char proclame : "Sauvons la banquise, pas les banquiers". Le carnavalier adore croquer l'actualité. Il aime aussi se mêler des affaires locales. Chaque année, des édiles sont tournés en ridicule sur des chars...
La satire est présente sur tous les chars. C'est une revendication de l'organisation : la satire, c'est ce qui fait l'intérêt de ce carnaval. C'est ce qui lui donne son sel.
Antonina JuliennePrésidente du carnaval de Granville
Un journal satirique de plein air
Ce grand défouloir existe depuis des lustres à Granville, mais son existence est attestée en 1787. C'est écrit noir sur blanc, à la plume, dans un registre du conseil municipal de Granville. Sous sa forme actuelle, l'origine de ce carnaval remonte au XIXe siècle.
Les équipages de terre-neuviers s'apprêtaient à prendre la mer. Avant de s'embarquer, les marins vidaient leur sac.
Dans sa longue histoire, le carnaval a connu des hauts et des bas, mais il n'a jamais rompu avec cette tradition, peut-être "parce que c'est le seul des grands carnavals qui est entièrement réalisé par des bénévoles", souligne sa présidente.
C'est aussi cet ancrage populaire que l'Unesco a consacré en inscrivant l'événement au patrimoine mondial en 2016.
Cette année encore, la fête promet d'être colorée et animée (le programme est consultable ici). 46 chars sont inscrits à la grande cavalcade. Le défilé "humoristique et satirique", programmé pour le Mardi gras aura encore des allures de journal satirique de plein air.
Il faut s'attendre à quelques piques de dernière minute. Dans le hangar, des irréductibles ont recouvert leur œuvre d'une bâche : "On veut que personne ne voie ce qu'on fait. C'est pour garder la surprise"...