Il a sans doute sauvé la vie de milliers de marins. Daniel Rigolet, inventeur de la combinaison de survie en mer, est mort le 31 décembre 2022. Il était âgé de 92 ans.
Augmenter les chances de survie d'un marin naufragé, tel fut le grand défi de la vie de Daniel Rigolet, décédé ce 31 décembre à 92 ans. Un challenge relevé haut la main lorsque ce Francilien de naissance, mais Breton et Normand d'adoption, a inventé la combinaison de survie en mer.
Le déclic lui donnant l'idée de cette innovation fondamentale, c'est le terrible naufrage du Cargo Maori dans le Golfe de Gascogne en novembre 1971. Daniel Rigolet, alors capitaine du pétrolier Pierre Poulain, suit le drame au bilan horrifiant : 38 morts, un seul survivant. Parmi les décédés, son voisin. L'unique rescapé doit sa survie à un éclair de lucidité, celui d'avoir enfilé une combinaison de plongée juste avant le chavirage.
Un combat d'une décennie pour homologuer la combinaison
Dans l'esprit de celui qui vit à Pornichet, le plan est clair : il faut absolument que chaque marin soit équipé d'une combinaison assez imperméable et chaude pouvant lui permettre de résister le plus longtemps possible dans une eau froide par mauvaise météo. En somme, préserver la vie au maximum le temps que les secours arrivent.
Le lendemain de la catastrophe maritime, Daniel Rigolet note sur le papier les caractéristiques de cet habit salvateur. Dans les mois qui suivent, il se rapproche du fabricant d'habillements marins Piel, aujourd'hui Guy Cotten, pour la conception de la combinaison. elle doit permettre de rester dans une eau à 0°C pendant 24 h. Dès l'année suivante, en 1972, il la teste une première fois, à Pornichet. Les démonstrations s'enchaînent, notamment au Havre devant la Commission centrale de sécurité de la Marine marchande, puis devant le Premier ministre Pierre Mesmer.
En 1973, il bénéficie d'un détachement à la direction de l'Ecole d'apprentissage maritime de Cherbourg pour affiner son invention, et la promouvoir. Il saute d'une des tours du vieux port de La Rochelle puis en janvier 1974, organise un test grandeur nature au large de la Hague. Par gros temps, il est largué en mer dans le Raz Blanchard, près de Goury.
Une innovation au détriment de sa carrière
Dans le scenario, le canot de la SNSM qui le dépose ne parvient pas à le récupérer, alors il rejoint la côte à la nage. Aucun doute possible, sa combinaison lui a sauvé la vie. Démonstration faite devant médias et autorités. Quelques mois plus tard, un autre essai est réalisé à Cherbourg, avec 7 volontaires aux morphologies et âges différents. En 1983, Dans la foulée, la combinaison de sauvetage Piel-Rigolet est homologuée.
Pourtant, les autorités nationales et gouvernementales se refusent encore à l'imposer aux bateaux de commerce et de pêche. Daniel Rigolet proteste en sautant en combinaison du pont Alexandre III à Paris, en marge du Salon Nautique 1979. Un geste qui lui vaudra un déclassement professionnel express, qui le mènera jusqu'à la démission. A 49 ans, il stoppe sa carrière de commandant de bord.
Afin de le soutenir, les capitaines de navires français créent l'AFCAN (Association françaises des capitaines de navires) et le nomme président. Finalement, l'acharnement de Daniel Rigolet porte ses fruits. En 1983, le Ministre de la Mer, Louis Le Pensec rend obligatoire la combinaison sur tous les bateaux professionnels de France, mais pas pour la Marine Nationale. D'ailleurs, 40 ans plus tard, ce n'est toujours pas le cas, au grand dam de son créateur.
De nombreuses distinctions
Les recettes générées par son invention salvatrice sont reversées à la SNSM, pour le financement d'un canot tous temps rattaché au port de Goury, bateau prénommé après sa femme Mona Rigolet. Par la suite, il verse également les bénéfices de ses mémoires La vie d'abord, récit d'un homme libre qui chérit la mer à la société des sauveteurs bénévoles.
Pour son œuvre, il reçoit le titre de chevalier puis d'officier du Mérite maritime, puis est fait chevalier de la Légion d'honneur (1984). En 2014, le Lycée maritime de Cherbourg rend hommage à Daniel Rigolet en lui donnant son nom. Un véritable aboutissement pour le marin-inventeur, qui est décédé ce 31 décembre, à Ethel, dans le Morbihan.