L'écrivain Gilles Perrault, notamment connu pour son ouvrage "Le Pull-over rouge", est décédé à 92 ans à Sainte-Marie-du-Mont (Manche). Humaniste engagé, il s'était installé en Normandie dès les années 1960, région où il avait trouvé la paix.
De son vrai prénom Jacques Peyroles, Gilles Perrault s'est éteint à 92 ans dans la nuit du 2 au 3 août 2023 d'un arrêt cardiaque. L'ancien journaliste, connu pour ses engagements humanistes, avait fait de la Normandie sa terre d'accueil, son havre de paix pour tourner la page d'une vie alors marquée par un divorce pénible et une carrière d'avocat à oublier.
C'est à Sainte-Marie-du-Mont, à proximité de la plage d'Utah Beach, qu'il avait trouvé refuge et débuté sa nouvelle vie dédiée à l'écriture.
"Il est tout de suite tombé amoureux du coin. Il s'est installé ici avec l'ambition de faire un livre, de devenir écrivain. Il y est parvenu en ayant pour fascination la grande guerre qui s'est passée là. Ça a été la meilleure façon de s'insérer localement et en restant ce qu'il était. Ici, il est connu comme l'écrivain" explique François Simon, ancien journaliste, proche de Gilles Perrault.
La plume comme arme pour dénoncer
Le Normand d'adoption avait dédié un ouvrage entier à la commune de Sainte-Marie-du-Mont et ses habitants, "Les gens d'ici" (1981). "C'est l'enquête la plus sérieuse et la plus longue que je n'ai jamais faite" assurait à l'époque l'auteur de cette œuvre d'ethnologie littéraire.
Dans "Les gens d'ici", il prend les personnages autour de lui, le facteur, ses voisins, le boulanger et il raconte l'histoire d'un tout petit village, qui a pris la grande histoire au XXe siècle sur le coin de la figure. C'est tendre et ça nous apprend des choses sur notre propre pays. C'est exceptionnel
François Simon, ancien journaliste de Ouest-France, proche de Gilles Perrault
Gilles Perrault, qui tirait "sa motivation de sa curiosité pour les autres", utilisait sa plume comme une arme pour dénoncer. "Il y a des tas de rôles possibles pour un écrivain. L'un d'eux, c'est de sonner le tambour, de donner l'alerte" affirmait l'homme qui à travers ses ouvrages s'était engagé dans de nombreux combats.
Opposé à l'hommage aux héros
Le livre-enquête "Le pull-over rouge" (1978), qui revient sur l'affaire Christian Rannucci, guillotiné en 1976 à Marseille pour l'enlèvement et le meurtre d'une fillette, est sûrement le plus célèbre. Gilles Perraut avait toujours exprimé des doutes sur la culpabilité du jeune homme.
"Les jurés qui ont trouvé Christian Ranucci coupable et l'ont condamné à mort ont délibéré sur un dossier tronqué où tout ce qui plaidait l'innocence de Christian Ranucci a été enlevé. J'ai rassemblé au cours de mon enquête tous les éléments qui ont été escamotés et au vu de ces éléments, il est impossible de ne pas avoir un doute sur la culpabilité de Christian Ranucci" commentait à l'époque l'écrivain, grand partisan de l'abolition de la peine de mort.
La lutte contre les idées du Front national, la dénonciation de la dictature du Roi Hassan II au Maroc et de ses liens avec la France dans le livre "Notre ami le roi" (1990) ont aussi fait partie des luttes menées par l'auteur manchois, qui était fermement opposé à "L'hommage aux héros", projet de spectacle immersif autour du Débarquement initialement prévu dans la Manche.