A Avranches, la basilique Saint-Gervais abrite le crâne de Saint-Aubert, le fondateur du Mont-Saint-Michel. L'écrin qui contient la relique va être restauré avant d'être exposé au printemps prochain à l'abbaye du Mont.
Deux jours pour emballer un seul objet. Mais quel objet. Dans une pièce exiguë à côté de l'entrée de la basilique Saint-Gervais, Pascale Roumégoux découpe méticuleusement des morceaux de mousse qui viendront s'enchâsser parfaitement sur le trésor d'orfèvrerie classé aux monuments historiques, un mausolée miniature de plus d'un mètre de haut, tout en dorures et pierres semi-précieuses. Les morceaux de mousse sont eux-mêmes recouverts de tissu afin de ne surtout pas endommager l'ouvrage datant du fin du XIXe siècle. La caisse de bois qui le transportera est également réalisée sur mesure. Finalement, deux jours pour un tel paquet ne sont vraiment pas de trop.
Le reliquaire a quitté sa vitrine pour un voyage de près de 200 kilomètres. Il est attendu dans un atelier de restauration à Nantes. "Il n'y avait pas d'urgence mais l'ensemble des biens du patrimoine demandent des interventions régulières qui permettent d'améliorer la conservation de ce patrimoine", explique Pascale Mauny, restauratrice, "Il va y avoir une vérification de tout ce qui est éléments rapportés de type verroterie mais aussi pierres semi-précieuses. Il y aura également une intervention de dépoussiérage et de nettoyage : le métal est assez sensible à tout ce qui est dépôt de surface et à des départs de corrosion."
Un lieu compliqué d'accès
Une opération de routine en somme ? Pas tout à fait. "Le reliquaire a été demandé en prêt par l'Abbaye du Mont-Saint-Michel pour exposition l'année prochaine dans le cadre du millénaire de l'Abbatiale", indique Bérangère Jehan, directrice des musées et du patrimoine à la ville d’Avranches, "Le lieu est compliqué d'accès. Il n'y avait pas de risque de le voir s'effondrer (le reliquaire) tant qu'il était sur place, mais à partir du moment où on va le bouger, il peut y avoir des petits éléments qui se déplacent puisque c'est une pièce d'orfèvrerie avec différents assemblages. Ce n'est pas un élément moulé d'un seul bloc." Et la Ville d'Avranches compte bien que ce précieux trésor "revienne en entier" de son périple.
Dans la vitrine, ne reste plus que le crâne de Saint Aubert, dont le reliquaire constitue l'écrin. A une vingtaine de kilomètres d'Avranches, François Saint-James, guide conférencier, nous emmène dans les les entrailles du Mont-Saint-Michel, dans une chapelle interdite au public, où jamais ne pénètre la lumière du jour. Notre-Dame sous terre. "C'est là que tout a commencé, dans cette église du Xe siècle. On a découvert en 1960 un mur encore plus ancien qui serait le reste de l'église de Saint Aubert. Il est fort probable que ces pierres, appartenant sans doute à un vieux tumulus néolithique, sont les premières pierres posées par Saint Aubert en 708."
Quand l'histoire remplace la légende
L'origine de la Merveille, c'est ce que renferme en quelque sorte le précieux reliquaire. Et n'en déplaisent aux habitants des deux rives du Couesnon, le père fondateur n'est pas issu de leurs rangs. "Aubert est probablement lorrain. A l'époque des Mérovingiens, les Pippinides mettent la main sur l'Avranchin. Ils remplacent tous les clercs." Aubert est nommé évêque. Et c'est là que débute la légende. L'archange Saint-Michel lui serait apparu à trois reprises pour lui demander d'ériger sur le Mont une église en son honneur.
Le crâne de Saint Aubert est retrouvé "peu après l'an 1000" aux abords de la chapelle souterraine. "Et il y a un trou de la taille d'un doigt. On a imaginé que les troisième nuit, l'archange avait appuyé un peu fort. On sait aujourd'hui que ce trou probablement médical", indique le guide conférencier. "Mais on a daté le crâne au carbone 14 et, à la surprise générale, on a découvert que c'était celui de Saint-Aubert. Les dates coïncident. Cette datation du crâne valide toute l'histoire. Ce qui était une légende - un évêque dont on ne savait pas grand chose - est la vérité. Aubert a bien vécu ici à la fin du VIIe siècle début du VIIIe siècle et a fondé le Mont-Saint-Michel. Grâce au carbone 14, l'histoire a remplacé la légende."
La restauration du reliquaire va coûter 23 000 euros. Elle est financée par l'Etat, le Département de la Manche, la Fondation du Patrimoine et le Centre des Monuments nationaux. Le reliquaire sera exposé au public de mars à novembre 2023 dans l'abbaye du Mont Saint Michel.