Le musée de Saint-Côme du Mont dans la Manche a accueilli un groupe d'une douzaine d'anciens combattants de la deuxième guerre mondiale la semaine dernière. Les derniers témoins de la bataille de Normandie fascinent le public qui voit en eux l'incarnation de l'Histoire.
Jack Appel s'en amuse. Où qu'il aille désormais "en Europe", on lui demande une photo, un autographe. "J'ai l'impression de faire le beau, comme un cabotin, dit cet ancien de l'infanterie qui a débarqué le 6 juin 1944 à Omaha Beach. Première vague ? "Bien sûr que non, puisque je suis en vie !". Vendredi dernier, il se trouvait à bord de l'autocar du "Band of Brothers Tour" qu'organise chaque année une société américaine sur les traces de la 101 ème airborne. A chaque fois, le groupe s'arrête au Dead Man's Corner Museum, le musée des parachutistes. "Les vétérans sont chaque année moins nombreux, observe, fataliste, Emmanuel Allain qui dirige le musée. Cette fois-ci, ils sont douze. mais la composition du groupe a changé plusieurs fois ces dernières semaines. L'un d'entre eux est décédé. Un autre est tombé malade à quelques jours du départ..."
"C'est la quatrième fois que je viens en Normandie, poursuit Jack Appel. La première, c'était en 1944. La deuxième, avec mon père. La troisième fois, c'était l'année dernière. La quatrième, c'est en ce moment". Et les attentions, les sollicitations des gens sur son passage l'amusent, et le touchent. "C'est peut-être même la raison pour laquelle je suis revenu !" Un jeune homme lui demande de dédicacer une photo sur laquelle il pose à ses côtés. L'image date de l'année dernière : "j'ai vu sur Facebook qu'ils venaient aujourd'hui. Je suis venu du Havre. La photo a été prise à Pegasus. C'est émouvant de les voir. Ils ont vu la guerre !" dit-il, manifestement ému.
Dans les allées du musée, les vétérans, reconnaissables à leurs tenue militaire jettent un oeil aux vitrines. Parfois, l'un d'eux s'arrête devant une photo, un objet qui évoque un souvenir, une anecdote. Devant un planeur semblable à celui qu'il pilotait, Alfred devient même intarissable. Il évoque pême-mêle les paysans qui l'ont aidé à changer une roue, le bruit des balles qui transpercent la carlingue, et ce troufion du Kansas pas rassuré de se trouver à bord. "C'est cette mémoire-là qui s'en va avec la disparition des vétérans, souligne Emmanuel Allain. Il y a l'histoire que l'on lit dans les livres, et il y a ces récits, ces détails : ils sont l'Histoire vivante". Quelques vétérans sont encore espérés au musée le 4 juin. Ensuite ? "il y en aura peut-être quelques autres, mais ces moments sont précieux, parce qu'à chaque fois, on se dit que ce sont peut-être les derniers".
Reportage de Pierre-Marie Puaud et Gildas Marie :