Les bornes dites de Koufra jalonnent le parcours de la 2ᵉ division blindée depuis son débarquement en Normandie jusqu'à la libération de Strasbourg, le 23 novembre 1944. Ces stèles mémorielles racontent l'histoire du général Leclerc qui avait juré de ne déposer les armes que lorsque le drapeau français flotte sur la cathédrale de Strasbourg.
Discrètes, les bornes de Koufra peuvent passer inaperçues. Dans le quartier du Port du Rhin, à Strasbourg, vous avez peut-être remarqué l'un de ces étranges monuments. En s'approchant, on peut y voir des inscriptions : "Voie de la 2ᵉ DB" ou encore, "Serment de Koufra". Pour comprendre ce que cela signifie, il faut remonter le temps.
Direction le désert de Libye, en mars 1941. C'est ici que débute l'histoire de ces bornes ou stèles, dites de Koufra. Le général Leclerc y obtient une première victoire au nom de la France Libre. Perdu dans les dunes, il prend l'oasis de Koufra aux soldats de Mussolini malgré l'infériorité numérique de son groupement. Il prononce alors son fameux serment : "Je jure de ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur les cathédrales de Metz et de Strasbourg".
La légende de la 2ᵉ DB s'installe
Ce qui n'est encore qu'une troupe de soldats va devenir, au fil des batailles menées en Afrique du Nord, la légendaire 2ᵉ division blindée. Le colonel Philippe de Hauteclocque, à la tête de cette colonne, est définitivement devenu un héros du nom de Leclerc. "Il a choisi de s'appeler Leclerc, nom répandu en Picardie dont il est originaire, pour préserver sa famille qui aurait pu souffrir de représailles en cas d'arrestation", explique l'officier de réserve Jean-François Dedieu.
Trois ans après la prise de Koufra, en août 1944, les hommes du général Leclerc participent à la bataille de Normandie. Pour commémorer cet évènement, une toute première borne est inaugurée dans la petite commune de Saint-Martin-de-Varreville, dans la Manche, en 2004. Aujourd'hui, il y en a plus de 200, réparties d'ouest en est, dans les villes et les villages libérés par la 2ᵉ DB, jusqu'en Alsace.
Foncer pour seul mot d'ordre
Parmi les hommes de Leclerc, le lieutenant-colonel Jacques Massu et son sous-groupement de la 2ᵉ DB appliquent la méthode éprouvée à Koufra : faire preuve d’audace afin de mieux surprendre l'ennemi. Celui-ci n'hésite pas à emprunter un itinéraire jugé improbable. Sur sa route, le 21 novembre 1944, Obersteigen devient ainsi contre toute attente le premier village alsacien libéré.
Michel Cornet-Carion, président de l'association des Anciens combattants et amis de la 2ᵉ DB, raconte à propos de cet épisode : "Jacques Massu a dit 'je vais passer ici', sachant que les Allemands avaient considéré que cette route était impraticable pour les chars. 'Tant pis, on fonce, on passe là et interdit de s’arrêter, interdit de caler', a ordonné le lieutenant-colonel".
Le chemin de la victoire
En souvenir de cet évènement, une borne Koufra a été installée à Obersteigen en novembre 2019. Cette petite commune bas-rhinoise remplissait les conditions requises. "Elle a été traversée par la 2e DB, ce qui doit être le cas des communes candidates à l'installation d'une borne de Koufra. Un comité historique vérifie les documents transmis et vérifie les archives. Si la ville ou le village est éligible, le conseil municipal doit délibérer pour acquérir une stèle", explique Eliane Beilich, secrétaire de l’association des Anciens combattants et amis de la 2ᵉ DB.
Il faut compter un peu plus de 2 000 euros pour acquérir l’un de ces monuments qui jalonnent le chemin de la victoire.
Après Saverne, la 2ᵉ DB rejoint en moins de deux jours la capitale alsacienne. Chaque sous-groupement suit un itinéraire différent. Quatre en tout. La percée de la poche strasbourgeoise se fait par le nord. Le 23 novembre 1944, la capitale alsacienne est libérée. Le drapeau tricolore flotte enfin sur la cathédrale : la borne du port du Rhin, inaugurée le 20 novembre 2010, rappelle à ceux qui veulent bien la voir, l’histoire d’une promesse tenue.