Pendant 25 ans, la jeunesse affluait de toute la région pour des nuits endiablées. L'Echo du Lac, à Torigny-sur-Vire (Manche), était la plus grande discothèque de Normandie. Dix ans après sa fermeture, un groupe Facebook exhume photos et vidéos des années 90 et 2000.
"Celle-là, elle est collector", "C'est toute ma jeunesse !", "C'était le bon temps !". Sur Facebook le groupe baptisé "L'Echo du Lac (la mémoire)" est en plein boom. Lancé en 2020 par des anciens DJ de la discothèque basée à Torigny-les-Villes, il a vivoté pendant quatre ans avant de reprendre du service en ce début d'année.
Quelques publications de photos et vidéos de la grande époque ont suffi à attirer de nouveaux nostalgiques du dancefloor manchois. "On vient de dépasser les 3 500 membres, hier encore j'ai accepté 240 demandes, c'est fou !", s'extasie PH. Après avoir animé les nuits de la discothèque manchoise en qualité de DJ de 2002 à 2014, le voici qui ranime les souvenirs du bon vieux temps sur le réseau social.
"Oh m****, les dossiers ressortent"
En l'espace d'un mois, avec des amis de "la grande époque", il a réussi à susciter l'intérêt de centaines d'anciens clients de la jadis plus grande discothèque de Normandie. "700 à 800 personnes le vendredi, parfois près de 2000 le samedi, c'était fou !", se remémore PH. "Les gens venaient de Caen, Cherbourg, Rennes, parfois Paris. Les plus grandes stars sont venues quand ils étaient au sommet : Benassi, Clamaran, Garraud, Cut Killer, mais aussi Larusso, Franky Vincent, Joey Starr, Tragédie...". À l'apogée du club, près de 25 salariés travaillaient chaque week-end.
Dans les commentaires des publications sur le groupe, certains aperçoivent des connaissances : "Beaucoup de têtes que je reconnais sur ces photos", "Lionel, en bas à droite" ; pendant que d'autres se rendent compte que les années ont passé. : "Oh m****, les dossiers ressortent", "ohh les filles on a prit un petit coup de vieux là" (sic), "Oh la vache je viens de tomber dessus waouh ça rajeunit pas, heureusement pas vu de [photos de] moi".
Même si les visages et les styles ont bien changé en deux ou trois décennies, parfois pour le mieux, la majorité des commentaires regrette "les belles années", ou encore "une époque où on savait vraiment faire la fête".
En ce temps-là, il n'y avait pas de smartphones, donc les seules photos que l'on pouvait avoir d'une soirée étaient celles que les photographes de la discothèque prenaient. On les publiait ensuite sur le site internet de la boîte, et les gens se ruaient dessus le lendemain après-midi.
François Delon, ex-DJ et webmaster de L'Echo du Lac
Lorsque la discothèque a fermé, en 2014, son site internet aussi. Cependant, les milliers de clichés pris au fur et à mesure des années n'ont pas été perdus. François Delon, salarié entre 1994 et 2014, les a archivés, précieusement. Il regrette simplement de n'avoir gardé que les versions postées sur le site, et non pas les originaux.
"C'était l'époque du modem 56K, les débuts de l'ADSL, et on n'avait pas de disques durs externes. On était obligé de compresser les fichiers, de diminuer les photos, sinon c'était trop lourd et ça prenait trop de temps à uploader". Malheureusement, aujourd'hui, cela donne parfois des formats photographiques très petits, parfois pixélisés.
Mais qu'importe, les fidèles de la page Facebook ne recherchent pas la qualité, mais plutôt la possibilité de redécouvrir un souvenir, la réminiscence d'un âge révolu. "Je le fais pour les gens, pas pour moi, précise François Delon, qui explique "en garder sous le coude". Plutôt que de "tout envoyer d'un coup", il entend faire des publications "trois ou quatre fois par semaine".
Y'a-t-il des réclamations d'ex-clients mécontents de se voir ainsi affichés sur le réseau social ? Visiblement non : "Je n’ai jamais retiré une seule photo, assure PH, qui explique ne pas pratiquer de censure, "sauf pour les soirées olé olé, les gens un peu trop éméchés et les comportements agressifs".
Un come-back des soirées "Echo du Lac" ?
Le succès du groupe Facebook amène ses instigateurs à imaginer un "revival" de la boîte de nuit emblématique de la région. "Quand on voit l’engouement de la page, on se dit qu’on referait bien quelque chose", s'enthousiasme PH, qui organise régulièrement des soirées Remember avec l'association DMSV Manche, au Condé Espace, à Condé-sur-Vire.
Sur le groupe L'Echo du Lac (la mémoire), Christian a d'ailleurs publié un sondage où il émet l'hypothèse d'une réouverture de l'Echo : 75% des votants y sont favorables. "Il faut juste être pragmatique, c'est impossible", balaye l'ancien DJ, modérateur de la page Facebook. "Entre les gens qui on fait de l’urbex dans les locaux, ceux qui l'ont dégradé, une remise en l'état coûterait des dizaines de milliers d'euros. C'est triste mais aujourd'hui, le lieu n'a plus vocation à être une discothèque".
Après avoir abrité des veaux et leurs beuglements pendant plusieurs décennies, puis la fougue mélodieuse des clubbeurs pendant un quart de siècle, l'endroit est aujourd'hui un royaume du silence. Repris par une entreprise de transports, il est désormais utilisé comme lieu de stockage de marchandises.