La pandémie de Covid-19 balaie tout sur son passage. Elle cristallise la peur et monopolise l'actualité. A tel point que des malades, atteints de pathologies graves, comme un AVC ou un infarctus, craignent de se rendre aux urgences. Une grave erreur qui pourrait leur être fatale.
La scène se passe à l'hôpital Mémorial de Saint-Lô, il y a quelques jours. Thomas Delomas, chef du service des urgences, parle avec un patient, qui fait un malaise cardiaque.
"Il nous demande "docteur, ce n'est pas le covid ?" On lui explique, non, monsieur vous faites un infarctus. Il nous répond "Ouf, j'ai eu peur". Cela montre bien les craintes et certains ne se rendent pas compte de la gravité de leur état."
Quand il fait de la régulation au Samu, par téléphone, ce médecin entend parfois, "Ah, non, je ne veux pas venir à l'hôpital, je ne veux pas attraper le Coronavirus", alors que leur état de santé nécessite une hospitalisation.
Les services d'urgences ont été réaménagés en deux zones
Le COVID-19 a beau sévir, de toute évidence, les autres pathologies comme les AVC ou les malaises cardiaques ne sont pas parties en vacances. Et, il faut faire preuve de vigilance, explique Thomas Delomas :
Quand on a une douleur à la poitrine, qui persiste et qui n'est pas normale. Faites le 15. Quand on a une paralysie subite du visage, d'un membre ou de la jambe, il faut appeler le 15, immédiatement. On est là pour ça.
Les services d'urgence ont d'ailleurs été réorganisés pour prévenir tout risque de contamination. A leur arrivée, les patients sont répartis en deux secteurs : « Covid + » et « non-Covid», dans des boxs bien séparés.
"La fréquentation des urgences, depuis 15 jours, trois semaines, a été divisée par deux. En revanche, quand les gens viennent, c'est pour des pathologies sévères. Nous sommes passés d'un taux d'hospitalisation habituellement de 20% à 50%.
Depuis le confinement, les urgentistes ne voient plus les patients atteints de "bobologie" et constatent une baisse des accidents de la route.
"On reçoit encore des patients pour des douleurs thoraciques, mais c'est vrai que la proportion de malades atteints de colique néphrétique, d'appendicite ou de pathologies plus aiguës a diminué et on peut se demander si ces patients là ne fuient pas l'hôpital. Mais ce n'est qu'un ressenti.", se demande Thomas Delomas.
Des patients Covid+ d'Ile de France bientôt transférés en Normandie ?
Les équipes des urgences voient des malades du Covid tous les jours. Certains repartent chez eux, après une consultation et une prise de sang. D'autres sont hospitalisés. Saint-Lô en soigne une trentaine.Dans le circuit Covid-19, on a aussi des patients qui font des infarctus. Il faut savoir qu'on a le droit de faire les deux, malheureusement. Ce sont des choses qui arrivent.
Pour l'instant, à Saint-Lô, en réanimation, ce n'est pas l'affluence comme en Ile de France ou dans l'Est. Mais les équipes se préparent et libèrent des lits. Habituellement, le service en compte huit. Douze ont été ouverts aujourd'hui et peut-être vingt le seront les jours prochains.
S'attendent-ils à recevoir des patients venus de l'Est ou de d'Ile-de-France ? A priori, non. Ce sont les CHU de Normandie - Rouen et Caen - qui pourraient être sollicités par leurs confrères parisiens. D'après l'ARS, "on s'attend à des transferts d'ici la fin de semaine."
Une belle solidarité fait tenir les équipes de soignants
Pour autant, dans de plus petits hôpitaux, comme Saint-Lô, les soignants ne comptent plus leurs heures. "J'arrive à 7H30 le matin et je repars à 21h - 5 à 6 jours sur 7. Même à la maison, je ne décroche pas, sinon quand on revient, on a un train de retard. Tout évolue en permanence", explique Thomas Delomas, qui dit ne pas être fatigué."On a une équipe très soudée, très solidaire. Dans l'établissement, les rapports sont sains et productifs. Tout le monde fait du mieux qu'il peut et essaie d'être bienveillant et ça, ça joue beaucoup. C'est encourageant."