L'ancien président de Saint-Lô Agglo dénoncé par une lettre anonyme : l'élu a-t-il touché des salaires indus ?

Gilles Quinquenel a comparu devant le tribunal correctionnel de Coutances mercredi 3 février. Le président de cette collectivité de 80 000 habitant était aussi fonctionnaire. A-t-il effectué toutes les heures de travail pour lesquelles il était payé ? La justice s'interroge.

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Les journées ne durent que 24 heures. Il n'est déjà pas simple d'être à la fois maire d'une petite commune d'un millier d'habitants et président d'une agglomération qui regroupe 61 communes et près de 80 000 habitants et qui emploie 410 agents. Lorsqu'il a accédé à la présidence de Saint-Lô Agglo en 2014, Gilles Quinquenel a d'ailleurs préféré ne pas se représenter aux élections cantonales - il était alors vice-président du conseil départemental de la Manche où il siégeait depuis 1994 et vice-président du syndicat mixte Manche-Numérique. Personne ne conteste qu'il a toujours été un élu très impliqué dans ses différents mandats.

Son agenda était donc déjà bien chargé, mais Gilles Quinquenel avait aussi un travail : ingénieur à la DDASS de la Manche (devenue l'antenne territoriale de l'Agence Régionale de Santé en 2010). En sa qualité d'élu, il bénéficiait d'une décharge lui permettant de n'être employé qu'à mi-temps. La justice s'interroge : cet homme politique tellement occupé pouvait-il être un fonctionnaire à sa tâche ?

 

Une lettre de dénonciation anonyme

"Je faisais mon temps de travail avec des horaires parfois très décalés", plaide l'élu à la barre du tribunal correctionnel de Coutances. Il est poursuivi pour "concussion par dépositaire de l'autorité publique". La concussion désigne la perception illicite d'argent par un fonctionnaire. Gilles Quinquenel souligne que les évaluations de son employeur "étaient toujours de grande qualité".

C'est une lettre de dénonciation anonyme en date du 1er novembre 2016 qui a attiré l'attention de la justice. Dans les colonnes de La Manche-Libre, Gilles Quinquenel s'était d'ailleurs étonné de cette délation tardive : "La plainte a eu lieu fin 2016… C'est curieux, parce que ça n'a pas de lien avec ma vie professionnelle. Je suis en retraite depuis fin 2015 et j'avais mis fin à mon activité professionnelle depuis 2014. La plainte aurait pu être déposée, en 2009, 2010… pourquoi fin 2016 ?"

Il n'empêche, l'enquête a révélé que l'administration s'était inquiétée des absences non justifiées de cet élu local très (trop ?) occupé. Elle avait pointé un solde négatif de 2378 heures de travail entre 2011 et 2014. Un quart-temps plutôt qu'un mi-temps en somme... Gilles Quinquenel a alors proposé de rendre des congés et des RTT.

 

"Je ne suis pas coupable"

À l'audience, le tribunal tente de s'y retrouver dans les justificatifs d'absence. "Je ne suis pas coupable", martèle Gilles Quinquenel qui a pourtant demandé à pouvoir bénéficier de la procédure dite du "plaider coupable". En vain. "C'était pour éviter l'étalage public", se justifie-t-il aujourd'hui.

Dans le code pénal, la concussion est sanctionnée d'une peine pouvant aller jusqu'à cinq ans d'emprisonnement et 500 000 € d'amende. Le ministère public estime néanmoins que la prison ne serait "pas adaptée à la situation". La représentante du parquet préfère demander une peine "qui répare le tort causé à la société". Elle requiert une amende de 300 000 euros, soit le montant estimé du préjudice subi par son administration, une peine qu'elle souhaite voir assortie de trois années d'inéligibilité.

L'année dernière, Gilles Quinquenel a quitté Saint-Lô Agglo dont il était le président depuis 2014, mais ce désormais jeune retraité de 66 ans a été brillemment réélu aux élections municipales dans sa commune de Thèreval (une commune nouvelle née en 2016 de la fusion d'Hébécrevon et La Chapelle-Enjuger). Le tribunal  a mis sa décision en délibéré  au 17 mars. À la sortie du palais de justice, Gilles Quinquenel n'a fait aucun commentaire. Il dit attendre le jugement "avec confiance".

 

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