Sans transport, ces élèves en situation de handicap n'ont toujours pas fait leur rentrée

Un changement de prestataire, suivi de contrats non honorés, ont laissé sur le carreau plusieurs enfants en situation de handicap dans la Manche. Près de 23 familles sont encore en attente.

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"Cette année, personne ne s'est présenté pour accompagner mon fils à l'école". Madame Hamelin ne décolère pas. Depuis le lundi 4 septembre 2023, son fils Raphaël, 16 ans, atteint d'une craniosténose qui retarde son développement mental, n'a pas pu se rendre au lycée.

En cause ? La société qui devait le transporter a fait défaut à sa mission le jour de la rentrée. "Je ne comprends pas pourquoi nous avons un nouveau transporteur défaillant alors que cela fait six ans que nous travaillons en bonne intelligence avec les ambulances Davodet, poursuit la mère de famille. J'avais le numéro personnel des deux chauffeurs et ils étaient bien formés pour gérer le handicap de mon fils, qui peut être sujet à des crises lors du trajet école domicile".

Cette dernière a dû prendre ses dispositions pour emmener elle-même son fils depuis Urville-Naqueville jusqu'au Lycée Doucet, à Equeurdreville.

Un défaut de communication

De son côté, la société d'ambulance Davodet explique n'avoir été informée qu'à quelques jours de la rentrée que le marché revenait à des transporteurs extérieurs, après 10 ans de compétence en la matière.

"On est tombé des nues, nous n'avons pas vu qu'il y avait eu un appel d’offres et ensuite, c'était trop tard. Avant, on s'occupait de 35 enfants sur Octeville et de 25 enfants au Pieux qui, du fait de leurs pathologies, ne peuvent prendre le ramassage scolaire classique", expose Monsieur Connan, responsable de l'agence d'Octeville.

Plusieurs familles ont - elles aussi - appris la nouvelle le jour de la rentrée, en appelant la société d'ambulance en ne voyant aucun transporteur se présenter. Voyant la situation se multiplier, plusieurs mamans sont entrées en contact et ont rédigé une pétition alertant dénonçant la situation. "Certaines mères ont même voulu payer de leur poche pour que l'on prenne leur enfant mais ça ne fonctionne pas comme ça", pointe les ambulances de Bricquebeq, où quatre voitures étaient mobilisées à cette tache.

"Au-delà de la tristesse de voir ces enfants, que l'on connaît bien, sans transport, c'est pour nous un manque à gagner économique très conséquent, ajoute Monsieur Connan. Notre société est assez grande et on a pu réaffecter les personnes affectées au ramassage scolaire vers le secteur hospitalier, mais certaines sociétés ont dû licencier. "

Un nouvel appel d’offres

À l’origine de ce dysfonctionnement : un changement de prestataire lié à un nouvel appel d’offres. Contacté par France 3 Normandie, le Département de la Manche évoque "une obligation légale pour un marché public qui représente 3,5 millions d'euros" liés au transport de quelque "500 enfants en situation de handicap".

Or, certains des anciens transporteurs n'ont pas candidaté. "Tous les transporteurs ont été appelés à se présenter mais on ne peut pas les pousser à candidater une fois le processus d'appel d’offres lancé, ni privilégier une société locale", relève Ugo Paris, directeur général adjoint en charge de l’action sociale au Département de la Manche.

Sept nouvelles sociétés ont donc été identifiées, se répartissant 12 lots territoriaux dans la Manche. Mais la mise en place, à la rentrée de septembre, a été bien plus difficile que prévu. Deux d'entre elles se sont révélées incapables d'honorer leurs contrats à quelques jours de la rentrée faute de capacités à s'équiper en véhicules adaptés et à recruter dans "un secteur sous tension".

"Il y a encore 25 familles dans des situations compliquées et une cinquantaine de familles qui ont déposé leurs dossiers en retard. L'objectif c'est de finaliser leurs cas d'ici jeudi, en travaillant sur un maillage avec les entreprises de transport".

Ugo Paris, directeur général adjoint en charge de l’action sociale au Département de la Manche.

"C'est une transition compliquée que nous regrettons. Ces défaillances nous ont aussi mis devant le fait accompli. Nous essayons de résoudre cela au cas par cas", ajoute le responsable qui reconnaît un manque de communication mais aussi des retards qui compliquent l'élaboration des trajets.

"Le département nous parle de retard de dossier mais nous n'avons reçu aucun mail et notre enfant a eu une affectation en classe spécialisée Ulis - où les places sont très limitées - quelques jours avant la rentrée. Comment s'y retrouver ?", se désole pour sa part une mère de famille.

Des économies pour le Département de la Manche

Le nouveau fonctionnement prévoit également un regroupement entre plusieurs enfants en situation de handicap, partageant un seul et même véhicule. Une solution "plus économique" et plus "écologique" selon Ugo Paris.

"Je comprends qu'il y a besoin de faire des économies, mais ce n'est pas le bon poste de dépense. Mon garçon, du fait de la maladie, se fatigue très vite. Avant, il pouvait rentrer à la maison le midi. Désormais, il va devoir rester toute la journée à l'école, et se caler sur les horaires d'une autre petite fille. Va-t-il devoir attendre quatre heures devant le lycée si ses horaires ne correspondent pas ? C'est intenable !", pointe Mme Hamelin, qui a depuis obtenu auprès de la MDA un transport individualisé en phase avec les besoins de son fils.

"Il manque 4 500 transporteurs scolaires en France"

Ugo Paris, directeur général adjoint en charge de l’action sociale au Département de la Manche.

Reste une interrogation : ces nouveaux transporteurs vont-ils durer dans le temps alors que leur personnel vient d'être formé ? "Ce ne sont pas des enfants faciles, ils sont sujets à des crises. La jeune femme qui le transporte actuellement va-t-elle tenir la cadence ? Est-elle assez formée ? Elle vient juste d'être recrutée, j'espère vraiment qu'elle tiendra le coup toute l'année", relève une mère de famille de Cherbourg.

De son côté, le Département de la Manche assure vouloir régler au plus vite la situation, malgré un cadre légal contraignant. Ce dernier a opté pour un marché révisable annuellement et soumis à évaluation. En cas de besoin, il pourra donc revenir à son ancien fonctionnement.

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