A 32 ans, le Normand est l'un des rares athlètes professionnels de sa discipline, le skeet. Après avoir échoué aux portes de la finale en 2016 à Rio, Eric Delaunay comptait bien prendre sa revanche cet été à Tokyo. Face au report des JO, le tireur reste philosophe.
"On est trop souvent sur nos téléphones. C'est encore pire maintenant avec le confinement. Hier après-midi, j'avais décidé de prendre mon café tranquille alors j'ai laissé mon téléphone de côté. Quand je suis revenu, il y avait cinq ou six appels. Je me suis dit : il y a truc qui se passe. Ce sont vos confrères qui m'ont appris la nouvelle." Pour Eric Delaunay, le report des JO de Tokyo à l'année prochaine n'a pas vraiment été une surprise. "Le CIO a été critiqué à tort. Il ne voulait pas maintenir les jeux en juillet-août. Il prenait juste le temps de la réflexion."
Les deux plus vieilles famille de l'olympisme
Le Manchois est aujourd'hui l'un des rares athlètes professionnels de sa discipline, le skeet (tir sportif à la carabine), une discipline confidentielle mais qui fait pourtant partie du patrimoine olympique. "Il faut savoir que Pierre de Coubertin était tireur, c'est d'ailleurs pour ça que le tir et l'athlétisme sont les deux plus vieilles familles des jeux olympiques", confiait en février dernier Eric Delaunay, en pleine préparation, à l'équipe de C sports, "C'est une discipline qui demande beaucoup de travail, beaucoup d'effort."Et en matière d'effort, le Normand n'a pas ménagé sa peine ces quatre dernières années. Cinq heures de travail tous les jours pour se préparer aux jeux olympiques de Tokyo. En 2016, à Rio, le tireur manchois avait échoué aux portes de la finale. Il comptait bien prendre sa revanche l'été prochain au Pays du soleil levant. Cet entrainement intensif avait déjà porté ses fruits, en témoignent les très bons résultats engrangés ces derniers mois et surtout le précieux sésame décroché pour Tokyo. Mais ce mardi 24 mars, tout s'est écroulé. Pas de quoi ébranler pour autant ce sportif de haut niveau.
"Si vous n'acceptez pas ça, vous allez direct dans le mur"
"Ce n'est pas un coup dur", affirme le tireur normand, "La santé reste primordiale, le sport n'est que secondaire. Il faut d'abord penser à toutes les personnes touchées par ce virus (...) Enrayer l'épidémie est la priorité absoulue (...) L'adversité, les changements de programme arrivent tout le temps dans la vie d'un sportif. Si vous n'acceptez pas ça, vous allez direct dans le mur." Pour Eric Delaunay, le report des JO "ne change pas la donne, c'est juste reculer un peu, ce n'est pas comme si il y avait eu annulation, comme lors des deux guerres mondiales."Le report est même, selon le tireur manchois, garant de l'équité entre les sportifs de toute la planète. "Il y a plein de gens qui n'ont pas encore joué leur qualification, même un report en octobre aurait été compliqué", plaide Eric Delaunay. "Je n'ai aucune idée de ce qui va advenir des qualifications déjà obtenues (ndlr : ce qui est le cas du Normand). Chaque fédération internationale va se pencher sur ce sujet. Je pense que les quotas qualifiés conserveront leurs qualifications par souci d'équité", veut croire le tireur.
"D'autres chats à fouetter que de s'occuper des olympiens"
L'équité se joue égalemeent sur le temps de préparation. Et à l'heure de la pandémie mondiale, tous les sportifs ne sont pas logés à la même enseigne. "Certains ont des dérogations pour s'entraîner comme mes collègues italiens, grecs ou des pays nordiques, en respectant bien sûr des règles de sécurité sanitaire." Eric Delaunay, lui, a dû réduire drastiquement son entrainement la semaine dernière. "J'ai la chance de vivre en maison avec un garage où je peux faire un minimum de préparation physique".Mais ses séances de tir quotidiennes ne sont plus autorisées. "Le ministère des sports nous donnera peut-être plus tard des dérogations", espèrent le tireur manchois. "Quand je fais mes séances de tir, je suis tout seul, en pleine nature, loin des habitations, je ne pourrais contaminer personne. Mais la priorité n'est pas là. Ils ont d'autres chats à fouetter que de s'occuper des olympiens. Enrayer la pandémie, c'est la priorité absolue."
Le sponsoring menacé
Si sur un plan purement sportif, Eric Delaunay est plutôt optimiste, il est un peu plus inquiet quant à la pérennité économique de sa carrière. "J'ai peur que plein d'entreprises mettent la clé sous la porte. Pour beaucoup de PME, il va être difficile de se relever. Ça va avoir un impact sur le sponsoring", explique le sportif normand, dont le budget de préparation s'élève à 35 000 euros, un budget auquel abondent des partenaires publics et privés. "Si demain, il y a des difficultés partout, l'aide aux sportifs de haut niveau ne sera plus une priorité. Il y aura forcément des coupes."Le Normand garde toutefois l'optimisme chevillé au corps et se projette déjà l'an prochain. "Les JO 2021 seront un peu comme une fête. Ces jeux là marqueront le point final de cette triste période."