Aventure enrichissante autant qu'éprouvante : tout quitter pour devenir agriculteur. Quatre ans après leur nouveau départ, Stéphanie et Laurent Queffelec ne manquent pas d’initiatives pour faire vivre leur ferme innovante à Cherbourg-en-Cotentin.
Pendant douze ans, Laurent et Stéphanie Queffelec ont baroudé sous les Tropiques, enchaînant les aventures, les métiers.
Avant de rentrer dans le Cotentin en 2016, Stéphanie gérait un institut de beauté en Nouvelle-Calédonie et Laurent y était directeur d’exploitation d’une ferme aquacole de crevettes. En quête d’un nouveau projet, Laurent découvre l’existence de l’aquaponie, écosystème entre la culture de végétaux et l’élevage de poissons. « C’était le mariage idéal entre une agriculture propre, même si elle n’est pas biologique, et l’aquaculture, la pisciculture qui est vraiment mon métier », explique Laurent. « C’était une évidence », complète Stéphanie.
Dans un bassin, la décomposition des déjections de truites produit des bactéries. Une fois filtrées, elles permettent aux plantes de se développer. En retour, les plantes renvoient de l’eau propre vers les réservoirs à poissons.
Laurent et Stéphanie Queffelec s’installent donc à Cherbourg-en-Cotentin (50) en 2018 et crée la Ferme aquaponique du Cotentin.
« On s’est un peu jeté dans l’inconnu, c’est aussi ce qui fait l’intérêt de notre installation ici. Je connaissais bien la partie poisson mais sur la partie horticole on en apprend tous les jours », confie Laurent. Le couple a principalement appris sur le tas et estime en avoir encore pour dix ans à tâtonner. Ils testent de nouvelles variétés tous les ans. « Si ça ne pousse pas ou si on n’arrive pas à les vendre, il y a des variétés qu’on arrête. Et puis techniquement et commercialement on essaye des nouveaux trucs pour essayer de trouver un équilibre ».
L’équilibre, il se trouve aussi entre la vente de poissons et de végétaux. Si l’hiver est propice à la croissance, à la récolte et à la vente du poisson, c’est plutôt au printemps et en été que la ferme vend un maximum de légumes.
Heureusement, sous la serre, choux chinois « tatsoi », batavia et autre cressons ignorent les rigueurs de l’hiver. Les jeunes pousses sont manipulées avec délicatesse par les doigts de Laurent et Stéphanie.
« C’est beaucoup plus contraignant en termes de main d’œuvre mais en terme de qualité et de diversité dans le mesclun, c’est beaucoup plus intéressant d’avoir des jeunes feuilles, ça nous permet de marier les variétés », confie l’exploitant.
Le mesclun - du latin « mesclare » (« mélanger ») - est un assortiment d’une quinzaine de variétés différentes. Ici, le mesclun est travaillé de manière saisonnière. D’une semaine à l’autre, les clients se laissent surprendre par des mescluns différents « par exemple avec les petites feuilles de moutarde, quand vous tombez dessus, ça réveille le palais tout de suite ! », développe Laurent Queffelec.
Stéphanie fait aussi lever des micro-pousses : brindilles d’oseille, de raifort, de mélisse dont raffolent les chefs. Mais la longue fermeture des restaurants et les mesures restrictives successives liées à la crise sanitaire ont stoppé un élan. « On tourne entre vingt et vingt-cinq paniers par semaine environ. Avant on était entre soixante et soixante-cinq toutes les semaines », déplore Laurent.
Une fois par semaine, des particuliers viennent à la ferme pour retirer leur commande. « Il y a beaucoup de producteurs à côté de chez nous, on déserte les grandes surfaces et on fait vivre les petits producteurs », s’engage un client.
La ferme aquaponique s’est associée à d’autres producteurs du coin avec l’espoir d’être porté par cette vogue du circuit court. Des condiments de la Brigade des gourmets, au beurre de ferme de la Ferme du Vacheux, les clients de Stéphanie et Laurent retrouvent les produits d’autres producteurs locaux et chaque semaine, des découvertes proposées par des producteurs d’autres régions. Consommer local, « c’est un geste militant et citoyen, moi je le vis comme ça », affirme une cliente.
Après quatre ans et beaucoup d’énergie dépensée, l’entreprise reste exaltante mais fragile, car les ventes stagnent. Laurent déplore un discours de certains consommateurs, pas toujours cohérent avec leurs actions. « Aujourd’hui si on touche vingt-cinq foyers par semaine et que dans un mois on en touche trente ou quarante par semaine, notre situation change du tout au tout ».