Un tweet de Stéphane Bern est venu doucher une décision récente du gouvernement: il n'y aura plus un seul parc éolien à Saint-Vaast-la-Hougue (Manche) à l'horizon 2029 mais bien deux. Avec des éoliennes hautes comme la tour-Eiffel. "Une folie" assure l'animateur de l'émission très en colère contre Barbara Pompili, la ministre de la transition écologique.
L'animateur vedette de France Télévisions n'y va pas avec le dos de la cuillère. Fervent défenseur du patrimoine et opposant aux éoliennes convaincu, Stéphane Bern s'en prend vivement à la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili dans un tweet datant du 20 janvier 2022 : "Quelle Folie. Barbara Pompili portera une lourde responsabilité devant l'histoire..."
Une phrase écrite et bien pesée en réponse aux foudres qui se sont abattues en ce début d'année 2022, sur l'un "des bébés" de Stéphane Bern, élu Village Préféré des Français (son émission diffusée sur France 3), il y a trois ans. Le Parc éolien offshore prévu à l'horizon 2028-2029 au large de Saint-Vaast-la-Hougue s'agrandit, sous l'impulsion du gouvernement. Et ça va au-delà du projet discuté lors du débat public de 2019/2020.
"Le 8 janvier dernier des représentants de l'Etat sont venus à Saint-Vaast-la-Hougue en réunion publique nous expliquer qu'on aura plus, 80 éoliennes comme prévu mais 200. Et elles sont encore plus hautes que les premières. C'est une forêt !", explique Yves Asseline, maire de Reville et secrétaire général de l'association Eolarge très active dans la consultation pour l'implantation du nouveau parc éolien Offshore au large du Val-de-Saire.
Un débat public a été conduit en Normandie en 2019 et en 2020, qui a permis d'identifier une zone au large de Barfleur, à 32 km des côtes pour un quatrième parc éolien normand qui avait déjà mis le feu aux poudres mais le consensus semblait trouvé. Toutefois, une dernière volonté du premier ministre Jean Castex, annoncée cet été, serait de continuer à investir encore un peu plus dans l'éolien pour produire un peu plus d'énergie encore.
L’installation d’un futur parc d’éoliennes en mer d’une puissance d’environ 1 000 mégawatts (MW) est donc envisagé. Ce nouveau projet éolien en mer sera le huitième en France. Le gouvernement recherche actuellement les candidats.
"On n'est pas contre les éoliennes, il faut bien comprendre cela. Mais nous avons ici ce patrimoine, Saint-Vaast-la-Hougue et ses tours Vauban, l'île de Tatihou. Il y a des emplois tourisme et c'est quelque chose qu'on ne laissera pas détruire. Pourquoi ne pas repousser un peu plus loin en mer cette forêt qui s'annonce. Qu'ils reculent au moins de 50km !", s'insurge Yves Asseline.
Une extension annonce désormais 200 éoliennes
Cette extension du parc éolien ferait donc doubler le nombre d'éoliennes (passant de 80 à 200) dans le périmètre déjà discuté (et approuvé) de 500 km2 au large du Val-de-Saire, à 32 kilomètres du littoral et 40 km des tours Vauban.
"Mais attention on nous dit aussi qu'elles seront bien plus grandes que les premières", expliquent ceux qui redoutent une vue déformée de leur horizon. Le premier projet comprend 80 mastodontes de 150 mètres de haut auxquels s'ajoutent des pales de 107 mètres. "Mais les autres, encore plus nombreuses, sont estimées à 250 mètres de hauteurs et atteignent ou dépassent les 300 mètres." La tour Eiffel en mesure 324, avec l'antenne. Son dernier étage est à 279 mètres.
C'est l'équivalent d'une tour Eiffel pour chaque éolienne. Et on va avoir une forêt comme ça au large, au soleil à midi. Elles vont scintiller de partout et on ne verra que ça. La nuit aussi avec leurs lumières rouges. Il faudrait qu'elles soient au moins à 63 km pour qu'on ne les subissent pas trop.
Yves Asseline, Maire de Reville, association Eolarge
Le soutient de Stéphane Bern, même s'il ne leur est parvenu qu'à travers ce tweet est un soulagement. Un temps Monsieur Patrimoine d'Emmanuel Macron , il a peut-être encore l'oreille du Président?
Et que va faire l'Unesco ?
Que va faire l'Unesco face à ce site inscrit dans sa liste ? C'est aujourd'hui la grande question qui anime le Val de Saire.
Les risques d'être retiré de la liste universelle sont réels. En juillet 2021, Le Comité du patrimoine mondial de l'Unesco a pris la décision rare de déclasser le port anglais, estimant que les nouvelles constructions ont endommagé "de manière irréversible" son patrimoine, comme indiqué ci-dessous dans le tweet de l'Unesco.
"Et c'est le troisième site déclassé depuis 2009. A Liverpool, les bâtiments de verre construit près de ce port XIXeme siècle brillaient trop à la lumière. Alors est ce que ça ne risque pas de nous arriver avec des éoliennes blanches qui vont scintiller au large?", s'interroge Annick Perrot, historienne du Patrimoine qui a participé à la rédaction du dossier de candidature des tours Vauban en 2007/2008.
"C'est une pollution visuelle assurée qui dénature l'authenticité de notre site. Si on est déclassé comme Liverpool en 2021, c'est l'ensemble des fortifications Vauban française qui le seront. Nous sommes liés. Dedans il y a Besançon, l'Ile de Ré, Arras et d'autres."
Annick Perrot, historienne qui a participé en 2008 à la rédaction du dossier d'inscription au Patrimoine mondial de l'Unesco
Il existe 12 sites Vauban en France et leur inscription au Patrimoine mondial de l'Unesco s'est faite en "réseau". C'est l'ensemble de ces fortifications qui ont été retenues. "C'est donc l'ensemble du réseau qui sera déclassé avec Saint-Vaast-la-Hougue", conclue l'historienne.
Le Mont-Saint-Michel a déjà fait reculer un projet d'éoliennes terrestres, les tours Vauban de St Vaast-la-Hougue auront -elles le même impact ?
"Et nous on n'a pas le droit de construire une véranda chez nous, c'est ça ?"
Une situation qui agace dans les huit communes environnantes. Le classement des tours Vauban en 2008 a changé le quotidien des riverains. "Nous avons régulièrement la visite des architectes des bâtiments de France qui nous rappellent les règles de protection en matière d'urbanisme. Et là le même Etat fait ce qu'il veut ? comment j'explique ça à mes concitoyens, moi ? ", ajoute Yves Asseline, le maire de Reville.
Et nous on n'a pas le droit de construire des vérandas pour agrandir nos maisons ou de choisir la couleur de nos volets mais l'Etat peut construire des géants de fer sous notre nez ?
Yves Asseline, maire Reville (50), l'une des huit communes autour de St Vaast-la-Hougue impactées
Une incompréhension totale grandit autour de Saint-Vaast-la-Hougue alors "qu'on pourrait rajouter aux tours Vauban, le phare de Gatteville au large de Barfleur. Là-bas, ils vont se prendre les éoliennes en pleine face."