VIDÉO. Voyagez dans le temps avec ce brocanteur qui a reproduit un village des années 60

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Alain Guédoit est brocanteur à Sourdeval dans le sud-Manche. Pour lui, l'heure de la retraite a sonné. Il doit se séparer de la phénoménale collection qu'il a constituée tout au long de sa carrière. Une collection tellement vaste qu'elle lui a permis de reproduire tout un village normand des années 60 dans un hangar de 3000 m2. ©J.Teiller/N.Dalaudier

Alain Guédoit est brocanteur à Sourdeval dans le sud Manche. Pour lui, l'heure de la retraite a sonné. Il doit se séparer de la phénoménale collection qu'il a constituée tout au long de sa carrière. Une collection tellement vaste qu'elle lui a permis de reproduire tout un village normand des années 60 dans un hangar de 3000 m2.

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"C’est une maladie très grave d’être collectionneur, lance dans un grand éclat de rire Alain Guédoit. On tombe toujours amoureux d'un objet quand on est passionné."

Amoureux, Alain l'est tombé à de nombreuses reprises durant sa carrière, tellement de fois qu'il lui est impossible aujourd'hui d'établir l'inventaire un tant soit peu précis de sa collection. Celle-ci s'étale sur les deux niveaux de l'ancienne laiterie-fromagerie industrielle de 3000 m2 qu'il a acquise à la fin des années 90 à Sourdeval, dans le sud-Manche, pour y ouvrir, au départ, un simple dépôt-vente.

Un voyage dans le temps

Pour le commun des mortels, Alain Guédoit est brocanteur. Pour les initiés, sa boutique baptisée "À la belle époque" n'est qu'une façade pour un projet bien plus vaste et étonnant, l'œuvre de toute une vie, un véritable voyage dans le temps.

"Quand les meubles se sont cassés la gueule financièrement, qu’on ne pouvait plus en vivre, moi qui était collectionneur, j’ai décidé de créer un musée sur la période des années 60 (....) cette période était florissante et agréable à vivre, je pense."

Et pour retranscrire cet état d'esprit, cette ambiance peut-être fantasmée par notre brocanteur, pas question de se contenter d'exposer les nombreux objets patiemment chinés sur des tables ou dans des vitrines.

Si vous passez devant la bijouterie, vous apercevrez un petit écriteau indiquant que le propriétaire des lieux est en congé. "Levez la tête, intime gentiment le brocanteur au visiteur en montrant la fenêtre au-dessus du magasin. Le bijoutier vient de se lever, il a encore son bonnet de nuit et il étend son linge à l'italienne."

Dans les années 60

Et vous voilà transportés 60 ans en arrière, dans une rue commerçante d'un village normand. "Là c’est le garage 'mécanique-cycles'.Tu as le bazar, c’était ces petites boutiques où on trouvait de tout, de la quincaillerie, de la droguerie, de l’épicerie. Et c’est aussi des souvenirs, des détails d’enfance. Je me souviens avoir vu des boutiques où il y avait plein de choses pendues au plafond tellement il y avait une multitude d’objets. C’est ce que j’ai essayé de reconstituer." 

Près de 300 mannequins peuplent ce village reconstitué dans les moindres détails. "Tu as l’école bien sûr parce que l’école, on ne peut pas passer à côté, tu as le boulanger, le boucher, le coiffeur, le toubib avec le cabinet médical, le garage cycle, le garage automobile, le marchand de vêtements, la fête foraine parce que j’ai une partie d’un manège, et quelques bistrots parce qu’à cette époque-là, dans toutes les petites communes, il y avait un nombre important de bistrots", s'amuse le maître des lieux.

Dans l'un d'entre eux, des flippers et même une petite piste de bowling. “Quand les exploitants de jeux ont arrêté de mettre des jeux dans les bars, le problème c’était de les stocker", raconte Alain Guédoit,

"Un bowling comme ça, il peut faire jusqu’à sept mètres de long avec sa rallonge. Ce bowling, je l’ai acheté avec mon fils. Ce n’est pas des objets que tu trouves tous les jours. On l’a acheté dans un petit parc d’attractions dans l’Eure."

La plupart de ces jeux fonctionnent encore aujourd'hui. "J'ai la chance d'avoir des passionnés qui viennent me les remettre en route."

"Mon but, ce n'est pas de faire de l'argent"

Le "musée" d'Alain, c'est avant tout une histoire de passion : patiemment construit par un passionné, pour des passionnés. "Mon but, ce n’était pas faire de l’argent, ce n’était pas d’avoir un bus tous les jours devant ma porte. C’était de le faire à mon rythme et par plaisir. Et non pas que ça devienne un business."

Le fruit de ces milliers d'heures de travail et d'autant de kilomètres parcourus sur les routes de France pour trouver la perle rare, le brocanteur l'a réservé à une poignée d'initiés.

"C’est un lieu privé où j’ai organisé des visites avec des clubs de voitures anciennes parce qu’avec ces gens-là - ils sont déjà collectionneurs - on ne peut pas se tromper. En tant que passionné, le plus agréable c’est de discuter avec des passionnés. On sait de quoi on parle ! Au bout d’un moment, les langues se délient et les gens parlent aussi de leurs propres collections. Il y a aussi des souvenirs qui rejaillissent. On va intéresser l’homme, la femme, et l’enfant. Obligatoirement, il y a quelqu’un qui va retrouver un objet de son enfance. C’est ça le but aussi : l’échange."

Des souvenirs, Alain Guédoit en a presque autant que d'objets dans son village. Il y a tellement d’objets où on a rencontré des gens exceptionnels (....) Il y a des fois, tu arrives avec ton camion et c’est noël, il y a plein d’objets et là, t’es un vrai gamin. Et tu remplis le camion. Si financièrement ça le fait ! (rires)".

Des souvenirs aussi de rencontres autour de ces objets lors des visites privées organisées dans son "musée". "Même si j’arrête (le métier), j’ai toujours besoin de relationnel alors j’irai toujours avec ma petite camionnette vendre quelques objets sur les bourses d’échange et certains vide-greniers. C’est là où on revoit tous nos potes."

Un chantier titanesque en perspective

Car pour le brocanteur, l'heure de la retraite a sonné, après 40 ans de carrière. Pour beaucoup cette échéance annonce une certaine libération. Pour Alain Guédoit, elle est synonyme de déchirement.

Une  "petite" pension et une épouse luttant contre la maladie l'obligent aujourd'hui à envisager plus que sérieusement à se séparer de la majeure partie du bâtiment. Et donc de son musée.

Un chantier titanesque en perspective. Doublé d'une course contre la montre. "Si je vends le bâtiment, le gros problème c’est que théoriquement j’ai trois mois pour vider. Donc il faut que je m’y mette. Et ça y est, je m’y mets. Je vends des objets."

Mais en a-t-il vraiment la force ou l'envie ? "Je me sépare de ma collection à ma vitesse", reconnaît le brocanteur, en esquissant un sourire. Alain veut transmettre ses trésors à ceux qui sauront les apprécier à leur juste valeur, pas seulement pécuniaire. 

"Le musée, c’était mon jardin privé. Je ne vais pas marquer les prix sur tous les objets, on n'est pas chez Edouard Leclerc. N’hésitez pas à venir me voir, tout est à vendre et on peut discuter. Devant l’objet (...) ll faut que je prenne le temps. Si je mets 10 ans à vendre tous mes objets, ça ne me gêne pas du tout."

Un laps de temps difficilement compatible avec le délai de trois mois qui lui sera accordé quand il aura vendu le bâtiment.

"Démonter" l'œuvre de sa vie

Pour Alain, vendre ses objets c'est "démonter" l'œuvre de sa vie. Une conclusion dont il a bien du mal à se résoudre "J'aimerais tellement que ça aille chez un autre passionné et un autre collectionneur." Le passionné est même prêt à faire quelques compromis.

"Quelqu’un qui voudrait reprendre aujourd’hui cette collection pour en faire un business, pourquoi pas. Je suis sûr que ça tournerait énorme. Je pourrais même aider à remettre en place les mises en scène. Ce serait un bonheur." À bon entendeur.

 

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