Alors que le "Grand débat" voulu par le président de la République doit être lancé la semaine prochaine, 200 personnes, dont une majorité de gilets jaunes, se sont réunies à Alençon ce mercredi soir pour échanger et établir une liste de propositions.
Le 15 janvier prochain, le président de la République est attendu en Normandie, dans l'Eure, pour lancer le "Grand débat", une grande consultation programmée jusqu'au 15 mars pour laisser la parole aux français et leur permettre d'exprimer leurs revendications.
Mais à moins d'une semaine du coup d'envoi, de nombreuses incertitudes demeurent, notamment en termes d'organisation, mais aussi dans la tête des personnes concernées. "Est-ce que c'est un comité Théodule à l'échelle du pays ou est-ce qu'il va vraiment se passer quelque chose ? J'ai un doute", confiait à l'une de nos équipes Steve de Romanet, gilet jaune de la première heure et résidant à Essay.
Les oreilles qui sifflent
Ce mercredi soir, les gilets jaunes de l'Orne (mais aussi des départements voisins comme la mayenne ou la Sarthe) avaient décidé en quelque sorte de prendre les devants et d'organiser eux-mêmes leur propre "Grand débat". Dans une salle mise à leur disposition par la Ville d'Alençon, 200 personnes, de tout âge, se sont réunies, pour échanger sur leur vécu tout d'abord mais aussi et surtout pour exprimer leurs revendications et débattre des propositions qui ont émergé ces dernières semaines des différentes assemblées générales organisées au sein du mouvement dans le département.Dans la salle, une majorité de gilets jaunes donc mais aussi des militants du NPA, de la France Insoumise, des représentants syndicaux et même un élu, le député Joaquim Pueyo, dont les oreilles ont dû siffler à plusieurs reprises quand les participants ont évoqué leurs sentiments sur la classe politique.
"Depuis le temps que j'attends que les gens bougent"
Sans oublier de simples citoyens qui jusqu'à présent étaient restés en retrait. "Je suis de tout coeur avec eux mais je ne peux pas dire que je suis gilet jaune. Je suis allée quelque fois les voir sur les ronds-points, passer une heure ou deux, mais je ne suis pas capable de passer toute une journée dans le froid. Depuis le temps que j'attends que les gens bougent et là ils bougent, je ne vais quand même pas rester chez moi. C'est fantastique ce qui se passe", raconte ainsi une dame.Si les "gilets jaunes" ne veulent plus depuis un moment qu'on réuduise leur mouvement au prix du carburant, la question du pouvoir d'achat reste l'une des préoccupations majeures. "On ne veut pas vivre de l'aumône", a lancé un participant. "Les gens expriment une envie de dignité", explique Steve de Romanet, "On n'a pas envie de vivre de l'aide publique, de prime, on a envie de vivre de notre popre travail, pas seulement survivre."
"Les clivages gauche-droite ne sont pas significatifs"
La réforme du système politique est aussi à l'ordre du jour. "On a juste le droit de déposer un bulletin dans une urne tous les cinq ans et puis après de rentrer chez nous", s'insurge une participante, qui se dit convaincue par le référendum d'initiative citoyenne (RIC). "Quand on parle avec les gens, on s'aperçoit que la plupart des gens veulent des choses qui sont très similaires et que les clivages droite gauche ne sont pas vraiment significatifs: des gens, a priori complètement opposés dans leur façon de voter, vont se retrouver sur des choses concrètes et être d'accord."Finalement, ce sont trois pages de revendications qui ont vu le jour à l'issue de ce "Grand débat" ornais. Cette liste et le document de synthèse qui l'accompagne seront prochainement transmis aux différents "élus nationaux", députés et sénateurs. Reste maintenant une question.
"Quand est-ce qu'on s'arrête ?"
Et cette question, c'est Hélène qui l'a posée ce mercredi soir. Tous les jours, après avoir déposé ses enfants à l'école, elle se poste, seule, devant le radar de sa commune, à Pré-en-Pail. Ce mercredi soir, à Alençon, cette mère de famille s'est sentie un peu moins seule."Je suis allée à la mairie pour remplir le cahier de doléances. Je pensais attaquer le troisième cahier. Je me suis rendue compte que j'étais la première. Ça m'a fendu le coeur. Où sont les gens ?", a-t-elle raconté à l'assistance. Avant de poser une question que, visiblement, beaucoup avaient aussi en tête."Mais je me dis maintenant: quand est-ce que ça s'arrête ? Les revendications, je les entends, j'ai les mêmes en partie mais on attend que Manu nous dise quoi pour qu'on arrête?"Reportage de Nicolas Corbard et Damien Migniau
Intervenants:
- Lidwine Moritz, gilet jaune d'Alençon
- Steve de Romanet, gilet jaune d'Essay
- Sophie, habitante d'une petite commune près d'Alençon