Le procureur de la République est revenu sur le déroulement "des événements récents" ce vendredi 29 octobre. Dans sa déclaration, François Coudert a aussi pris soin d'éteindre la polémique provoquée par certaines de ses déclarations dans la presse visant les policiers : "Je salue leur travail".
"La police travaille sans relâche"
Le coup de chapeau adressé aux "policiers du commissariat d'Alençon" à la fin de sa déclaration avait manifestement pour objet d'éteindre un incendie dont tout le monde se serait bien passé alors que la ville a été mise à la une de l'actualité par des violences urbaines d'une ampleur presque inédite.
Le guet apens monté "par une trentaine de personnes" dans la nuit de mardi à mercredi semble être lié à l'interpellation d'un revendeur de drogue présumé. Or, dans les colonnes de Ouest-France, le procureur de la République s'était publiquement interrogé sur l'opportunité d'une telle arrestation : "Une interpellation, ce n’est pas un démantèlement. Ce n’est pas en extrayant un revendeur qu’on s’attaque en profondeur au trafic. Pour ça, il faudrait des enquêtes en profondeur de la police", cinglait François Coudert qui estimait que ce travail ne devait pas être contrarié par de "l’agitation".
À l'hôtel de police, c'était la consternation. "Les gens dans les bureaux qui font des horaires pas possibles, ils ne sont pas très contents, réagissait alors le secrétaire départemental du syndicat Alliance. Je ne sais pas ce qu'il attendait en faisant cette déclaration, mais il a démotivé les fonctionnaires qui font le maximum pour traiter les affaires en temps réel". Stéphane Tristant ajoutait : "tout ce qu'on demande c'est de ne pas se faire tirer à boulets rouges par un procureur de la République qui est lui même directeur des enquêtes. Là, le contrat de confiance est cassé". Ambiance...
Je tiens à saluer le travail des policiers du commissariat d'Alençon qui courageusement et sans relâche travaillent à la résolution d'affaires complexes et souvent dans l'urgence. Chaque interpellation donnera lieu à une réponse pénale adaptée, ferme et graduée.
Face aux journalistes rassemblés au palais de justice d'Alençon ce vendredi 29 octobre, François Coudert ne fait aucune allusion directe à l'incident, mais les compliments adressés aux fonctionnaires de police sont évidemment destinés à remettre de l'huile dans les rouages. A ses côtés, le directeur départemental de la sécurité publique est resté impassible...
"Un supermarché de la drogue au sein du quartier de Perseigne"
L'enchaînement des événements trouve donc sa source dans une double interpellation "le mardi 26 octobre à 10h40". Les policiers surprennent un jeune homme "en train de procéder à une transaction de produits stupéfiants illicites" avec une jeune femme connue pour des faits de toxicomanie.
Le revendeur présumé est un mineur. Il a été interpellé "au deuxième étage d'un immeuble avec à ses pieds un sac de sport ouvert contenant 159 sachets de résine de cannabis (500g), 35 sachets d'herbe (92g), 60 bombonnes contenant de l'héroïne (165g), 61 bombonnes contenant de la cocaïne, 11 sachets siglés contenant de la cocaïne (26g) et 10 sachets siglés contenant du crack (22g)". Les policiers ont aussi saisi un pistolet automatique non chargé et une balance électronique. Le procureur précise que le mineur, qui nie les faits, "tenait entre ses mains 30 euros remis par la consommatrice".
C'était un supermarché de la drogue au sein du quartier de Perseigne.
Le casier judiciaire du jeune homme est vierge mais il n'a pas respecté une mesure judiciaire imposée "après les dernières violences urbaines du printemps dernier" qui lui interdisait de séjourner à Perseigne. Il a été placé en détention judiciaire et sera jugé par le tribunal des enfants le 22 novembre. La jeune femme qui a reconnu les faits a été condamnée à deux mois de prison avec sursis en comparution immédiate "avec obligation de soins".
Treize véhicules incendiés, les forces de l'ordre et les pompiers pris pour cible : "l'enquête sera longue"
Le soir même, à partir de 22h30, "une trentaine de personnes au visage masqué" mettent le feu à treize voitures. Lorsque les pompiers, les gendarmes et les policiers interviennent, ils font l'objet de "tirs au mortier" et de "jets de projectiles". Le pare-brise d'un véhicule des pompiers est brisé. Les forces de l'ordre répliquent avec "des lanceurs de balles et une grenade à main". Les heurts se poursuivent jusqu'à 3h du matin.
L'enquête de flagrance ouverte vise notamment à établir un lien entre la double interpellation et "les troubles à l'ordre public" de la nuit. François Coudert souligne "la quasi simultanéité des événements". La nuit suivante, une autre voiture a brûlé. Le lendemain, "des tirs au mortier ont eu lieu au moment de l'enlèvement des véhicules incendiés", ce qui a motivé l'ouverture d'une seconde enquête.
Les fauteurs de troubles doivent savoir qu'ils s'exposent à de lourdes sanctions pénales. Je leur rappelle solennellement qu'ils ne peuvent pas sans risque pénal majeur jouer avec la vie ou l'intégrité physique des pompiers et des forces de l'ordre en leur tirant dessus avec des feux d'artifice."
Aucune interpellation n'a été effectuée et l'enquête pourrait prendre du temps. Il faudra "exploiter la vidéorsurveillance et analyser les prélèvements effectués par la police scientifique et technique". Le procureur a demandé que tout soit mis en oeuvre pour "procéder à l'identification et à l'interpellation" des auteurs de ces violences urbaines. François Coudert assure que "la détermination du parquet et de la police est totale pour que force reste à la loi".