C'est une première en France : Pollen est une "chienne pédagogique". Elle rassure à l'infirmerie. C'est une confidente, une camarade pour les collégiens. Après les maisons de retraite, les prisons, les cliniques, l'école mise à son tour sur les bienfaits de la médiation animale.
Depuis la rentrée, elle promène sa truffe au collège Truffaut d’Argentan dans l’Orne. Pollen est une adolescente presque comme les autres. A 8 mois, cette dalmatienne vient trois fois par semaine au collège. C’est le premier chien pédagogique en France dans un établissement de l’éducation nationale.
Ce jour-là, c’est au tour d’Héloïse et d’Evan de s’occuper de Pollen. Les élèves, encadrés par l’infirmier scolaire et propriétaire du chien, le promène sur la pelouse derrière l’établissement. Un rituel que les jeunes apprécient chacun leur tour sur leurs temps de pause.
Pollen, une ado comme les autres
Les rires des collégiens sont communicatifs. Pollen a flairé les poules du collège et ne peut s’empêcher de leur courir après. Difficile dans ces conditions de la tenir en laisse. Héloïse, en 3e, fait le parallèle :
Elle est jeune comme nous. C’est une ado. Tout le monde l’adore. Elle nous apprend à prendre soin d’un être vivant. Elle est petite, elle est jeune, elle court partout donc c’est une responsabilité de devoir s’occuper d’elle, de devoir faire attention, de ne pas trop la brusquer, de ne pas crier, de ne pas l’oppresser.
La chienne a maintenant repéré quelques croquettes. « Doucement, Pollen ». Evan, 14 ans, est lui aussi conquis :
Elle nous aide à être moins timides. On a davantage envie d’aller vers les autres. Grâce à elle, on se fait aussi des amis. Et puis, avec elle, les sixièmes ont moins peur de se rendre à l’infirmerie. Elle les rassure.
L’assistante de l’infirmier scolaire
La première mission de ce chien pédagogique est en effet de faciliter les soins au sein de l’infirmerie de l’établissement. Ce projet, validé par le rectorat, a été lancé par l’infirmier scolaire du collège François Truffaut, Johann Bapsolles :
Il s’agit d’une expérimentation. En 4 mois, nous sentons déjà que Pollen fédère les élèves. Le chien permet de faire diversion si l’élève nécessite des soins mais surtout il permet aux jeunes de dire plus facilement ce qui ne va pas.
Bien sûr, certains collégiens ont peur des chiens ou sont allergiques. Dans ces cas-là, Pollen va dans une autre pièce. Mais la plupart du temps, elle joue un vrai rôle de médiation :
C’est déjà arrivé que je sente qu’un élève a envie de parler mais que ça ne sorte pas. Pollen vient alors spontanément vers le jeune, elle pose sa tête sur sa cuisse. Et là, l’élève commence à caresser la chienne. Ça ouvre la discussion.
Johann Bapsolles a même parfois le sentiment que « les élèves parlent plus au chien qu’à [lui] ».
On s’est tous confiés quand on était enfant à un animal. Il garde nos secrets et c’est vrai que Pollen rappelle un peu l’animal qu’ils ont chez eux, ou celui qu’ils n’ont plus. Elle facilite la parole.
Inclusion scolaire
Pollen apporte beaucoup de gaieté dans l’établissement. Elle crée du lien entre les humains et pas seulement du côté des élèves. Sa présence fédère les enseignants et la direction du collège.
Johann Bapsolles collabore ainsi avec Anne-Lise Verel, l’enseignante spécialisée en charge de la classe ULIS (unité localisée pour l'inclusion scolaire). Ici, une dizaine d’élèves souffrent d’un léger handicap et étudient quelques heures par semaine en inclusion dans des classes ordinaires.
Le rôle de Pollen est d’être un trait d’union entre les enfants, comme le précise Anne-Lise Vérel :
La chienne donne le sourire aux élèves. Le climat est beaucoup plus calme et serein. Elle vient sur les temps où je n’ai que mes élèves d’ULIS mais aussi sur des temps du midi où nous faisons de petits jeux entre les élèves de la classe ULIS et les élèves de leur classe d’inclusion. Pollen leur permet de discuter entre eux, c’est un moyen de communication, de langage.
Le chien Pollen en action dans cette VIDEO:
Reportage de Nicolas Corbard, Damien Migniau et Gaëtan Danré pour France 3 NormandieIntervenants: Héloïse, Elève de 3e au collège François Truffaut / Evan, Elève de 3e au collège François Truffaut/Johann Bapsolles, Infirmier scolaire/Anne-Lise Vérel, Coordinatrice de la classe ULIS/ Hervé, 13 ans, élève de la classe ULIS au collège François Truffaut
Qu'est-ce que la médiation animale ?
La médiation animale est de plus en plus utilisée en Normandie. Elle consiste à exploiter, via l'intervention d'un professionnel, la relation qui unit l'homme à l'animal. Cette méthode permet de débloquer des émotions, de créer un climat de confiance et de faire en sorte que l'individu s'oublie au profit d'un autre être vivant.
Les chiens font de très bons médiateurs mais il y a aussi d’autres animaux comme les chevaux par exemple. A Argentan, les équidés interviennent même auprès des détenus de la prison.
Le chien a aussi toute sa place dans les Ehpad. Pour les personnes âgées, il apporte des bienfaits au niveau de la mémoire, de l’élocution, de la motricité. Il accompagne aussi les personnes en fin de vie et leur famille.
La Normandie, région pionnière en médiation animale
Dans l’Orne mais aussi partout en France, c’est l’association Handi’chiens qui a été le précurseur dans le domaine du chien d’assistance. Handi’chiens vient cette année de fêter ses 30 ans.
Reportage de Pierre-Marie-Puaud, Nicolas Corbard et Fabrice Lefeuvre. Intervenant: Sophy Bonneau, bénéficiaire/ Maric-Claude Lebret, fondatrice de l'asociation Handi'chiens/ Julie Bereau, famille d'accueil/ Marie Wattiau, Chargée de médiation Handi'chiens
Au total aujourd’hui, 245 chiens, formés par l’association pendant deux ans, sont actifs en accompagnement social. Ils interviennent dans les maisons de retraite, en milieu hospitalier, en milieu carcéral, dans les IME (institut médico-éducatif). Marie Wattiau est intervenante en médiation animale au sein d’Handi’chiens :
A chaque fois, le principe de la médiation animale est de travailler avec un public fragilisé. Le chien va apporter un soutien émotionnel, du réconfort. Dans le domaine médical, nous travaillons avec des kinésithérapeutes, des ergothérapeutes. Quand on réapprend à marcher par exemple, c’est toujours plus facile de la faire au côté d’un animal que tout seul.
« Débloquer quelque chose »
Le chien a aussi un rôle actif. Il « sent » les émotions. L’intervenante qui travaille avec lui a aussi pour rôle de décoder les signaux envoyés par l’animal.
Par exemple, je me rappelle d’une petite fille en IME qui n’avait aucun regard pour moi ou pour les chiens. L’un d’entre eux, au bout d’un moment, est allé la voir. Il sentait qu’on pouvait débloquer quelque chose en elle. Plus tard, elle a finalement accepté de caresser le chien et on lui a proposé de se lover contre lui. Elle est restée une heure comme ça, sans que le chien ne bouge. C’était un moment très fort en émotion.
Aujourd’hui Marie Wattiau communique régulièrement avec la petite fille. Avec la médiation animale, le chien apparaît comme un tiers tout en émotion, en douceur et qui ne juge pas. Il permet ainsi de recréer du lien entre les humains.