Au cœur du Perche, Comblot, petit village d'une soixantaine d'âmes, se mobilise depuis un quart de siècle pour restaurer son église. Plus de 10 fois le budget annuel de la commune a été investi dans les travaux.
"Une église, dans un village, c’est vraiment le centre du village. Le clocher, vous le voyez de loin. Il vous dit : tiens, il y a quelque chose là. C’est ce qui nous est arrivé avec mon mari en 1978 quand nous sommes venus. Ce qui nous a presque plus attiré dans le coin, c’est le clocher". Et pourtant, lorsque Béatrice de Villaine et son époux débarque à Comblot, petit village en plein coeur du Perche, l'église érigée au XIIe siècle est dans un bien piteux état. "La nef et les murs s'écartaient, la toiture fuyait, l’édifice manquait de s’écrouler", raconte le maire actuel de la commune, Xavier Goutte, " A l'intérieur, le retable était, lui aussi, en train de s’écrouler. On a été obligé de fermer le bâtiment, de ne plus avoir d’office. C’était la fin de l’église si on ne faisait rien."
45 ans plus tard, l'édifice a retrouvé de sa superbe et, fidèles comme visiteurs sont de retour en ses murs, comme en témoignent les messages laissés sur le livre d'or de l'église. Mais le chemin aura été long. Et coûteux. Plus de 420 000 euros de travaux ont été réalisés à ce jour. Soit dix fois le budget annuel de ce petit village d'une soixantaine d'habitants.
Renaissance à l'aube de l'an 2000
Le début de la renaissance commence au milieu des années 90, lorsque le mari de Béatrice de Villaine créee, avec l'accord de la municipalité, l'association Comblot sauvegarde. L'initiative suscite l'adhésion des habitants. "Quand mon mari a eu des problèmes de santé, tout le village a demandé que je prenne la suite. En souvenir de mon mari, je trouvais que c’était un hommage que je pouvais lui rendre et que le village pouvait lui rendre aussi."
Les premiers artisans interviennent à l'orée de l'an 2000. "De 1998 à 2011, ça a été la période des grands travaux", raconte Xavier Goutte, "Il y a eu plusieurs tranches de travaux successives, d’ampleur, pour le clos et le couvert : l’intégralité de la toiture, les tuiles, toutes les pièces de bois qui manquaient et qu’il a fallu remplacer et surtout la consolidation des murs et des piliers qui soutiennent les murs." Pas moins de 13 ans de travaux pour cette première grande étape de la renaissance de l'église de Comblot. Une longue période qui s'explique par les sommes nécessaires à leur mise en oeuvre : plusieurs dizaines de milliers d'euros.
L'association se charge de collecter des dons. Les premiers mécènes sont les habitants du village. "Nous avons une donatrice qui a donné de 2008 jusqu’à l’année dernière, entre 3000 et 5000 euros par an. En hommage, on lui a fait faire un petit vitrail dans l’église et le nom de la place de sa grand-mère qui avait été la dernière épicière du village", indique Béatrice de Villaine. La municipalité, elle, met de côté chaque année une petite partie de son budget investissement. "Quand on a réussi à mobiliser 10 000, 15 000, 20 000 euros, et que l’association a fait de même, ça nous donne une enveloppe significative pour faire appel à d’autres financeurs (des subventions) et ainsi faire de gros travaux", explique le maire.
Un "hôtel des courants d'air"
Car d'autres chantiers ont suivi. "Les principaux travaux en termes d’importance, ça a été tout d’abord le retable et les autels latéraux avec les tableaux qui y sont associés. L'électricité. Et le dernier très gros chantier, et le plus remarquable de ces derniers temps, c’est la voûte en chêne." Pas moins de 62 000 euros sur ce dernier chantier qui a permis de consolider l'édifice et protéger ce qui avait été refait l'intérieur. "C’était un hôtel des courants d’air. Joli, mais un hotel des courants d’air. Il y avait de l’humidité, du vent, parfois même de la neige", se souvient Xavier Goutte.
Outre la fierté d'avoir donné une seconde vie à son église, la commune voit ses efforts récompensés par une sélection pour le prix Trévise 2023 de "La fondation de sauvegarde de l’art français". A la clé pour celui qui remportera le concours, une somme de 5000 euros. De l'argent qui ne devrait pas dormir très longtemps à la banque en cas de victoire.
Des "travaux colossaux" en perspective
En septembre, quoi qu'il arrive, débutera la réfection des bancs de l'église. Si Comblot remporte le prix Trévise, le lancement d'un autre chantier, plus ambitieux, pourrait être envisagé : la réfection des peintures murales. "Elles représenteraient "les trois morts et les trois vifs". Les trois vifs étant les riches, les trois morts montrant que, même si on est très très riche, un jour ou l’autre on devient mort. On retrouve pas mal ce motif en Allemagne et en Auvergne", souligne Béatrice de Villaine, "La DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) est déjà venue et nous a dit que ce sont des travaux colossaux, il faut vraiment des spécialistes. On fera en plusieurs tranches, comme toujours. Ce sera une autre histoire."
Une autre histoire à laquelle participeront sans nul doute les habitants de la commune. Quand l'association s'est créée il y a près de 30 ans maintenant, "fallait foncer donc on y a été", témoigne Hélène Beaudoire, qui réside à Comblot. "L'église, c'est un lieu de rassemblement, ce qui a permis de rassembler les uns les autres du village. Il y a eu une coopération de tout le monde, avec des liens très très forts. C’est la seule chose qu’on a de commun avec tout le monde. Ça représente le village. Et on a envie que tout le monde se rassemble. En ce moment, tout le monde reste chez soi. Et quand on se voit, on est heureux. On a le plaisir de se retrouver." En restaurant son patrimoine, la commune a sans doute retrouvé bien plus qu'une église.