Des parents d'élèves plantent des tentes pour sauver l'école de leurs enfants

À Argentan (Orne), des parents d'élèves veulent occuper toute la semaine l'école de leurs enfants. L'intercommunalité plaide la baisse démographique et le nombre important de dérogations pour justifier la fermeture de l'établissement l'été 2024.

Ce lundi 6 novembre 2023, au matin, à l'école Jean-de-la-Fontaine d'Argentan (Orne), les vacances semblent jouer les prolongations. Il y a comme un air de camping avec ses deux tentes plantées devant l'entrée de l'établissement.

Objectif : bloquer l'école toute la semaine

Pour beaucoup de familles mais aussi tout le corps enseignant, c'est la surprise. "On ne voulait pas que ça s'ébruite, que ça remonte aux oreilles de l'Éducation nationale et de l'Interco", confie Pauline Lator, une parent d'élève. Maintenant que l'initiative est au grand jour, il faut s'organiser et trouver des bonnes volontés. Objectif : bloquer l'école toute la semaine, de jour comme de nuit.

Alors, les autres parents qui n'avaient pas été mis dans la confidence sont invités à rallier la cause. "On va investir les lieux : deux parents par classe, en plus de l'instit'. Il nous reste des moments où les binômes ne sont pas complets donc on sollicite les parents qui viennent déposer leurs enfants."

Les "occupants" le confirment, l'accueil des enfants sera assuré. "On va mettre en place des ateliers pour qu'ils soient occupés quand même. On n'est pas là pour les laisser seuls." Cette nuit, ils espèrent être une dizaine à dormir sur place. Mais pas dans les tentes. l’intérieur, au chaud, assure dans un éclat de rire Pauline Lator. La tente, c'est un symbole.

Stupeur et incompréhension

Si la décision n'a formellement pas encore été prise (elle est prévue en décembre 2023 lors d'un conseil communautaire), l'annonce a été faite en juin 2023. L'école Jean-de-la-Fontaine vit sa dernière année scolaire. Ses portes fermeront définitivement à l'arrivée des grandes vacances d'été.

Stupeur et incompréhension, ce sont les premiers mots qui viennent à l'esprit de Marie Le Houëdec, représentante élue de parents d'élèves. "Tout de suite, on a eu envie de comprendre le pourquoi de cette décision." Pour l'Intercommunalité, Terres d'Argentan, les raisons sont claires et au nombre de deux : une baisse de la démographie et un taux de dérogation très important dans l'établissement.

Un bras de fer s'engage alors sur les chiffres. "On a fait appel au service prospective de l'Education nationale qui nous a indiqué que les projections (en termes d'effectifs) se faisaient au niveau national et départemental sur quatre ans. Donc on se demande comment sont faites les projections sur deux ans de l'Interco", explique Marie Le Houëdec.

La représentante des parents d'élèves évoque "40% d'enfants qui ne viennent pas du quartier", quand le vice-président de l'Interco en charge de l'éducation, Jean-Louis Menereul, estime, lui, que "plus de 50% des enfants sont sur dérogation". 

Un pari sur l'avenir ?

Mélanie, comme d'autres parents, a découvert ce lundi matin le plan de bataille mis en place pour s'opposer à la fermeture de l'école. Elle assure qu'elle prendra son quart ce mardi. "Je suis motivée pour me battre. C'est une super école, c'est un environnement super pour les enfants, une bonne structure, des bons maîtres et maîtresses. Les gens sont heureux et ne veulent pas qu'elle ferme."

Pour cette mère de famille, pas question de faire "15 km" pour emmener ses enfants sur la commune d'Ecouché, alors que l'école se situe aujourd'hui à deux minutes à pied du domicile familial.   

77 élèves répartis en quatre classes de maternelle et de primaire, c'est l'une des raisons du succès de l'établissement. "On ne lâchera pas, on veut ce modèle d'école, une petite école où les effectifs tournent autour de 20 élèves par classe et dans un cadre verdoyant", lance Marie Le Houëdec.

Et dans un quartier où "la moyenne d'âge est supérieure à 75 ans selon l'INSEE", reconnaît la représentante des parents d'élèves avant d'avancer : "Dans 5-10 ans, le quartier va forcément se renouveler et il y aura besoin d'école."

L'intérêt général

À l'Intercommunaulié, le vice-président en charge de l'éducation, Jean-Louis Menereul, ne se projette pas aussi loin. "Il y a une classe qui ferme cette année. L'année prochaine, il y a la fermeture présumée d'une nouvelle classe sur cette école, affirme l'élu. Au niveau de l'Éducation nationale, le choix de fermer est fait à 19 ou 20 par classe. Ce n'est pas nous qui décidons." Alors l'intercommunalité a décidé de prendre les devants. "Des écoles à 3-4 classes pour huit niveaux ne nous semblent pas viables."

Pas viables et susceptibles de fragiliser les 15 autres écoles que compte ce groupement de 49 communes, selon Terre d'Argentan Intercom, qui en appelle à la solidarité. "Tout le monde ne peut pas aller sur Argentan. On souhaite que chaque commune puisse conserver son école. On n'a aucune école chargée sur notre territoire. On doit assurer l'ensemble de ces écoles pour bien mailler notre territoire. C'est une stratégie. On essaye de travailler pour l'intérêt général", plaide Jean-Louis Menereul.  

À l'école Jean-de-la-Fontaine, les représentants de parents d'élèves pensent déjà au coup suivant. Ils ont pris rendez-vous avec un avocat pour défendre leur cause devant le tribunal administratif. 

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