Marie-France et Kléber Landais forment un couple hors-du-commun. Passionnés de danse, ils initient les seniors au tango, à la valse et même au reggae. Depuis 72 ans, ils entretiennent leur jeunesse amoureuse sur les pistes de danse de Normandie.
La maison est coquette et accueillante. Ses propriétaires le sont aussi. Marie-France et Kléber Landais nous attendent avec un large sourire sur le pas de la porte, dans ce quartier de Flers dans l’Orne.
Tous deux sont âgés de 91 ans et pourtant l’étincelle de leur regard trahit la fougue de la jeunesse. Pour nous, ils n’hésitent pas à pousser les chaises et replier le tapis du salon pour nous faire une petite démonstration de quelques pas de tango.
Nous avons commencé à danser le 2 mai 1948. Il y a 72 ans. Et nous pratiquons toujours avec autant de plaisir. Nous sommes même réputés pour partir les derniers dans un bal !
Une première rencontre... sur la piste de danse
Sur la table du salon, sont amassés des souvenirs de famille, des photos et même la facture de l’hôtel de leur nuit de noce ! Le couple s'est marié en 1951. « Cela commençait mal, notre histoire, s’amuse Kléber. Le taxi qui nous amenait à l'hôtel où nous devions passer la nuit a pris feu. Nous avons fini à pied avec notre petite valise. Nous nous sommes dit, que c’était un bon signe ! »
Cette histoire d’amour enflammée a débuté l’année de leurs 20 ans. A l’époque, Marie-France était institutrice dans le Maine-et-Loire. Kléber, déjà excellent danseur, organisait un bal dans le village. Jusqu’ici, la jeune femme n’avait jamais tenté l’expérience :
A l’époque, dans les petits patelins, il y avait des bals partout. Mais moi, mes parents ne dansaient pas. Je ne savais pas ce qu’était un bal.
Kléber a pourtant tout de suite décelé du potentiel :
Tu ne savais pas trop danser mais je sentais que tu avais le sens de la musique. On le sent, ça, quand on prend une cavalière. Il faut vibrer, on sait si ça va marcher ou si ça ne va pas marcher. Si on veut bien danser, il faut quand même être au diapason. Faut y aller quoi !
Onze arrière-petits-enfants
Une évidence, dès la première danse. Ensuite, Kléber a effectué son service militaire en Allemagne où il faisait partie des troupes d’occupation. Marie-France est retournée à Bordeaux chez ses parents :
On s’écrivait tout le temps. Je peux vous montrer mon paquet de lettres. C’est la seule chose dont j’aurai dû mal à me séparer.
Marie-France était éprise de son Landais, comme aimait à plaisanter son père en lui faisant remarquer que les Landais ne manquaient pas dans la région bordelaise et qu’elle était pourtant allé en chercher un dans le Maine-et-Loire !
Ensuite, le couple s’est installé à Saint-Paul près de Flers. Kléber était assureur et maire de la commune pendant 24 ans, et Marie-France institutrice. Ensemble, ils ont eu trois enfants, neuf petits-enfants et onze arrière-petits-enfants.Une passion partagée
Des points communs, Marie-France et Kléber en ont beaucoup. Ils sont nés tous les deux en 1928 et à des dates historiques et libératrice. Le 6 juin pour madame, et le 14 juillet pour monsieur. Mais c’est leur amour de la danse qui les rapproche le plus, comme le reconnaît Marie-France :
En 72 ans, ils n’ont eu de cesse d’arpenter les pistes de danse. Depuis leur retraite, ils se sont consacrés à leur passion. Jusqu’à trois fois par semaine, ils donnent même des cours à des seniors qui ont parfois trente ans de moins qu’eux. Une activité qu’ils ont débuté en 1991 grâce à la Fédération française de la retraite sportive.Lorsque nous avons été à la retraite, notre bonheur a été de nous investir ensemble et de partager tout ce que l’on fait. Ce n’est pas toujours sans étincelle car nous avons deux forts caractères, mais ça marche bien.
S’ouvrir aux autres
« A gauche, remonte, 1,2,3,4 ». Au micro, Marie-France montre les pas à sa trentaine d’élèves. Kléber assure la sono. Au programme, boléro, samba, valse et même reggae. Il y a des habitués et beaucoup de femmes seules. La danse invite à l’activité physique mais aussi redonne confiance en soi comme l’explique Marie-France :
La danse permet de s’ouvrir aux autres, de faire attention à son apparence, d’entretenir sa mémoire.
Il arrive même que des couples se forment.
Il y en a eu quelques-uns. On le soupçonne en tout cas, mais on ne regarde pas ! C’est vrai que la danse induit de la proximité. C’est sensuel. Mais au-delà de ça, il s’agit surtout de respecter l’autre.
Eternelle jeunesse
Pour les élèves, Kléber et Marie-France sont des exemples de dynamisme et un modèle de longévité. Jacques les a rencontrés il y a 10 ans :
Des couples comme eux, on n’en voit pas beaucoup. C’est vraiment surprenant à 91 ans. J’espère que l’on sera comme ça !
Ginette renchérit :
Marie-France, elle est comme Dalida, elle veut mourir sur scène ! La danse c’est toute sa vie. C’est une passion qui les unit très fort, tous les deux. On espère qu’ils n’arrêteront pas. Il ne faut pas qu’ils nous lâchent !
Marie-France et Kléber se disent pourtant qu’il serait bien de prendre leur retraite. Ils espèrent ainsi retrouver le temps d’aller aux sports d’hiver, faire du ski de fond !