Pourquoi les travaux contestés de bitumisation vont redémarrer sur la voie verte de la Véloscénie ?

"Sous-entendre que le bitume n'est pas polluant, c'est déconcertant". Le projet de bitumer 17 kilomètres de voie verte dans le Perche reste un sujet de crispation pour les associations. Ces dernières viennent de perdre une bataille ce mardi.

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Le Conseil d'Etat vient d'annuler, ce mardi 22 octobre, la suspension des travaux de bitumisation d'un tronçon de la voie verte de la Véloscénie dans le Perche. Huit associations écologistes contestaient ces travaux en raison de leurs impacts sur l'environnement.

Parmi ces huit associations de défense de l'environnement, Bien vivre dans le Perche, A.R.B.R.E.S Remarquables, ou encore Air du Perche sont toujours opposées à cette réalisation, pointant son effet néfaste sur l'écosystème. 

La reprise des travaux

Le collectif interassociatif avait d'abord réalisé une pétition mise en ligne le 27 mai dernier, dans lequel il se disait : "scandalisé par les dommages causés par le chantier d'élagage", après la coupe de plusieurs arbres et le passage d'engins dans le but d'entretenir et d'"accroître la sécurité et le confort des usagers de la voie verte", selon le département de l'Orne.

Le projet de goudronnage de la même voie verte, annoncé au début de l'année, n'a fait que raviver ces tensions. Depuis, les associations militent avec un maître-mot : "Non au saccage de notre voie verte. Des arbres pas du goudron !"

Un feuilleton judiciaire s'est alors enclenché. Début octobre, le tribunal administratif de Caen a prononcé une décision ordonnant l'arrêt immédiat du chantier qui devait commencer, donnant raison aux associations. Un recours a alors été déposé par le Conseil départemental devant le Conseil d'Etat pour faire annuler cette décision. 

La décision du Conseil d'Etat est tombée ce mardi 22 octobre, "d'annuler l'ordonnance du 1er octobre 2024", ce qui signifie que les travaux vont pouvoir reprendre.

Contactée par France 3 Normandie, l'association Bien vivre dans le Perche, par la voix de sa présidente, Nora Liberalotto se dit "très déçue". Pour autant, les associations entendent poursuivre la procédure de fond devant le tribunal administratif de Caen.  "Par ce recours, nous avons demandé aux juges d’examiner le bien-fondé de la décision du département d'effectuer ces travaux d’abattage d’arbres et de bitumage sans demander des autorisations environnementales ou, à minima, de demander à la préfecture quelles autorisation étaient requises", explique Nora Liberalotto. 

Ce recours n'est pas suspensif pour les travaux qui ont débuté, l'association a donc déposé un référé liberté. Il s'agit d'"une procédure en urgence qui laisse moins de temps au juge pour prendre une décision, avec moins d’éléments", ajoute la présidente de l'association. 

Une association de cyclistes en faveur du projet 

Entre-temps, une association AF3V  "qui représente les usagers des véloroutes et voie verte", comme l'indique son site internet, s'est positionnée en faveur du projet de bitumisation. Dans une lettre datée du 16 octobre, elle s'adresse aux huit associations de défense de l'environnement. AF3V se dit "en désaccord avec certains des arguments". Elle expose ses propres arguments, similaires à ceux du département de l'Orne.

L'enrobé en bitume aurait selon eux "un meilleur bilan que le sable stabilisé", revêtement actuel, avec plusieurs arguments à l'appui.

L’enrobé bitumineux est inerte et ne relargue aucun de ses matériaux dans la nature, y compris par temps de pluie et donc ne pollue pas les espaces qu’il jouxte

Association AF3V pour les véloroutes et voies vertes

À l’inverse, AF3V évoque "un sol stabilisé", "loin d’être inerte que ce soit par le rejet dans la nature de poussières de sable par temps sec ou par le ruissellement des produits".

Un argument qui pose question aux associations du Perche : " Cette voie verte existe depuis 15 ans et, à notre connaissance, il n’a jamais été constaté que ce revêtement aurait été reconnu comme cause de pollution de l'eau. Ce revêtement a été validé par l’autorité environnementale lors du projet initial."

Elle ajoute : "d’autre part, sous-entendre que le bitume n'est pas polluant c'est déconcertant. Cela pose question quand on sait que l'extraction et la fabrication du bitume polluent l’air et l’eau et que sa pose engendre une pollution de l'air qui est reconnue ". Le Centre de lutte contre le cancer évoque par exemple les impacts des fumées du bitume sur la santé.

Une accessibilité discutée

"Les préconisations officiels du CEREMA indiquent que le choix des revêtements des voies vertes se fait au cas par cas, en fonction des usagers, de la biodiversité. Par exemple, le bitume va être choisi si la voie est proche d'une ville. Mais là, nous sommes dans le Perche, dans un paysage rural, en campagne, le sable compacté s'intégre mieux dans le paysage et l'écosystème", détaille Nora Liberalotto.

Quand AF3V évoque l'argument de l'imperméabilisation du sable compacté comme étant presque égal à celui d'un enrobé en bitume, les associations du Perche considèrent que cela induit une artificialisation durable des sols. 

Elles pointent aussi la chaleur  stockée puis restituée par le bitume : "Par temps de chaleur il peut y avoir 10 degrés de différence avec un sol en sable compacté. Cela affecte les racines des arbres ainsi que le reste des végétaux et la faune sauvage ainsi que  les usagers : les chevaux des cavaliers mais aussi les coureurs et randonneurs", déclare la présidente de l'association Bien vivre dans le Perche.

Lorsque le projet de bitumisation a été annoncé, la communauté des cavaliers s'était aussi insurgée, pointant le fait que ça rendrait leur pratique plus compliquée. Quand de son côté AF3V évoque l'inclusivité de ce revêtement, qui permet "au plus grand nombre de profiter de ces aménagements".

Ce n'est pas bon pour les chevaux, les coureurs. Cela a un impact sur les articulations et les tendons.

Nora Liberalotto

Présidente de Bien vivre dans le Perche

En attendant les prochaines décisions de Justice, les travaux sur ce tronçon vont pouvoir reprendre, du fait de la décision du Conseil d'Etat.

La Véloscenie relie le Mont Saint-Michel à Paris, sur plus de 450 kilomètres et est inscrite au Schéma National des Véloroutes.

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