Ces habitants de Tinchebray-Bocage ont été victimes de racisme dans la nuit de mardi à mercredi 3 juillet. Le couple a trouvé des peaux de bananes et des sacs-poubelle dans son jardin. Cet acte n'est pas un cas isolé.
"Je suis effondré et en même temps, très en colère !" La vie d'Arold et de Miki Jandia, habitants de Tinchebray-Bocage (Orne) depuis 2020, a basculé depuis la nuit de mardi 2 à mercredi 3 juillet 2024. "Avec cet acte, on a changé, ils nous ont changés", témoigne Arold Jandia, 54 ans.
Installé dans un paisible hameau depuis quatre ans, le couple ne s'attendait pas à subir un tel acte raciste : des détritus et des peaux de bananes ont été jetés dans leur jardin.
Un couple martiniquais japonais
Un incident allant dans le sens du 34e rapport de la Commsission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Publié le 27 juin 2024, celui-ci atteste d'une hausse de 32% en 2023 des actes racistes, selon les données du ministère de l'Intérieur.
Comme de nombreuses victimes, Arold et Miki forment un couple mixte : lui est martiniquais, elle est japonaise. Ensemble, ils ont eu un fils, aujourd'hui âgé de trois et demi, avec la double nationalité : franco japonaise.
"Une richesse", estiment-ils mais qui est aujourd'hui contestée par les partisans du Rassemblement National. Un fait qu'affirme Dominique Sopo, le président de SOS Racisme : "nous constatons que les auteurs de faits ou de propos racistes se revendiquent clairement d'une façon ou d'une autre, du Rassemblement National."
"Le message était clair et ciblé"
Le couple n'avait jamais subi d'attaque raciste depuis son arrivée. Mais depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, le 9 juin 2024, les passages à l'acte ont augmenté et Arold et Miki Jandia font partie des victimes.
Lorsque nous sommes sortis mercredi matin, nous avons directement vu ces sacs poubelle dans l'allée. Au début, nous n'avons pas compris, puis nous avons vu les peaux de bananes sur notre voiture... Le message était clair.
Arold Jandiaà France 3 Normandie
Une découverte violente : "j'ai hurlé, mon cœur s'est mis à battre la chamade." Un acte "ciblé" selon le couple et la gendarmerie venue constater les faits et prendre la plainte.
"Nous habitons au bout d'une impasse, personne ne s'engage en voiture dans notre rue sans savoir où il va." Une action qui aurait donc été précédée d'un repérage de leur habitation.
"Je continuerai à me battre"
"Le racisme existait déjà quand j'étais au collège à Honfleur, puis au lycée à Lisieux, se souvient le quinquagénaire. Mais je me défendais seul, aujourd'hui c'est différent, c'est ma famille qui est aussi attaquée."
Une situation évidemment bouleversante pour le chef de cabine d'Air France qui a dû annuler sa présence sur un vol à destination de New York ce vendredi. "C'est la première fois que ça m'arrive d'annuler à la dernière minute."
Inquiet de la situation, le Normand avoue, avec beaucoup d'émotions, avoir installé des caméras devant leur maison.
Vous rendez-vous compte ? Avant nous laissions notre portail grand ouvert, pensant être en sécurité.
Arold Jandiaà France 3 Normandie
Choqué, mais pas abattu, le père d'un fils franco japonais et de deux enfants franco-belges ne renoncera pas. "Le temps d'une journée nous avons envisagé d'aller s'installer définitivement au Japon, raconte-t-il aux côtés de sa femme Miki. Mais c'est non ! Partir ce serait les laisser gagner. Je continuerai à me battre ! Avoir des personnes avec une double nationalité, c'est ce qui fait aussi de la France un pays extraordinaire !"
Des valeurs strictement opposées
Résidants de la commune de Pré Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) pendant de nombreuses années, Arold et Miki ont tout de suite reçu le soutien de leurs amis gervaisiens.
"Il était conseiller municipal, puis je l'ai eu comme premier adjoint à la mairie", relate Laurant Baron, actuel maire PS de la ville.
Il fait partie de ces personnes qui développent le vivre ensemble, le bien commun sans jamais faire de différences.
Laurent Baron, maire (PS) de Pré Saint-Gervaisà France 3 Normandie
Des valeurs de partage et de respect qu'il cultive toujours aujourd'hui. "Je discute avec tout le monde, peu importe le bord politique. Je sais que certains pensent que je ne suis pas vraiment Français, raconte-t-il. Mais je ne me ferme pas à la discussion pour autant."
Si cet acte raciste l'a retourné, Arold sait déjà qu'il se réengagera : "je ne sais pas encore sous quelle forme, mais vu ce qu'il risque de se passer dimanche, il faudra que je fasse quelque chose."