Alors que la campagne pour les élections américaines 2024 s'achève ce mardi 5 novembre 2024, Charly Triballeau, photographe pour l'AFP passé par la Normandie, raconte son quotidien et sa vision de la couverture de cet évènement historique. Entre frénésie et fracture de la société américaine.
Charly Triballeau le reconnaît volontiers, ces élections américaines n'ont rien à voir avec ce qu'il a pu connaître il y a quelques années en Normandie, ni même en France. "J'ai commencé à travailler en Normandie pour l'AFP en 2012, plus précisément à Caen. J'y suis resté sept ans et ça m'est arrivé de couvrir plusieurs élections, mais ce que j'ai vécu est incomparable avec ce qu'il se passe actuellement aux Etats-Unis" confie le photographe.
Originaire de Nantes, Charly Triballeau a commencé sa carrière de photographe comme pigiste pour l'AFP en Normandie avant de rejoindre l'antenne japonaise de l'agence à Tokyo en 2019. Pourtant, même la campagne présidentielle de 2021 dans l'archipel ne pourrait ressembler à ce qu'il connaît depuis qu'il est arrivé à New York il y a un an.
Une campagne frénétique
Depuis un mois, Charly Triballeau sillonne les Etats-Unis pour suivre à la trace les deux candidats que tout oppose. "J'ai couvert plus d'une dizaine de meetings de Donald Trump et Kamala Harris, ce sont de vrais shows. À chaque fois il y a une ambiance bouillante dans les stades, les gens s'installent, pop-corn à la main, et viennent acclamer un orateur qui continue à exalter la foule tout au long de son discours. Ce sont des spectacles à part entière, on ne voit pas ça en France", raconte le photographe.
Sur la route entre Pittsburgh (Pennsylvanie) où le candidat républicain a donné son dernier meeting et Washington, où Kamala Harris s'apprête à passer la nuit dans l'attente des premiers résultats, Charly Triballeau revient sur ces dernières semaines d'une campagne frénétique.
"Suivre les deux candidats demande d'être très flexible parce que tout peut changer à la dernière minute. L'autre jour j'étais à bord du Air Force Two qui transporte Kamala Harris et nous venions de quitter Charlotte où elle avait fait un meeting. Alors que nous devions atterrir à Détroit un peu plus tard, changement de programme quelques minutes après le décollage : nous allions finalement nous poser à New York, la démocrate avait décidé de participer à l'émission Saturday Night Live" , rapporte Charly Triballeau, amusé.
Des bouleversements de calendrier constants qui nécessite une grande capacité d'organisation et d'anticipation, notamment lorsque les équipes de campagne des candidats restreignent l'accès aux meetings. "Sans que l'on sache trop pourquoi, Donald Trump a décidé de compliquer la tâche à l'AFP en rendant difficile notre accès à ses rassemblements. Se faire accréditer demande une énergie folle et il ne peut y avoir qu'un photographe AFP alors que pour Kamala Harris, on peut être deux et les choses sont plus simples."
Cette cadence effrénée se ressent jusque dans le nombre de photographes mobilisés par l'agence : sur les quatre derniers meetings de la vice-présidente, deux envoyés de l'AFP étaient mobilisés à chaque fois, soit huit personnes en une seule journée.
"C'est une campagne monstrueuse en termes de logistique et d'organisation. Tout est plus grand et tout prend plus de temps", décrit le photographe.
Une société polarisée
Charly Triballeau retiendra de cette campagne la fracture flagrante qui divise les Americains. "La société est déchirée en deux camps, des gens s'insultent dans la rue et en vont même jusqu'à se frapper. Cette violence se ressent même jusque dans les débats, on ne discute plus mais on s'affronte."
Un climat sous tensions que le photographe a ressenti plusieurs fois lors de meetings.
Il suffit de regarder un meeting de Donald Trump pour comprendre pourquoi il y a autant d'agressivité et de méfiance. Un jour, le candidat a pointé du doigt en plein discours l'espace où je me tenais avec d'autres médias et il a commencé à nous insulter. Immédiatement, tout le stade s'est retourné vers nous et nous a hués. C'était impressionnant, mais à force de le suivre, on finit par s'y habituer.
Charly Triballeau, photographe à l'AFP
Une ambiance générale qui pourrait se résumer pour le photographe avec l'image de l'ancien président échappant de justesse à une tentative d'assassinat lors d'un rassemblement en Pennsylvanie le 13 juillet dernier.
"Les prochains jours risquent d'être explosifs et à l'AFP, on s'attend à tout. Je crains que les jours de dépouillement qui arrivent ne fassent qu'attiser le climat de poudrière qui règne actuellement", confie-t-il.