Ce mercredi se poursuit à la cour d'assises spéciale de Paris, la troisième semaine de procès de l'assassinat du père Hamel en 2016. Sur le banc des accusés, trois hommes dont Yassine Sebaihia. Le jeune toulousain s'est rendu à Saint-Etienne-du-Rouvray la veille de l'attentat pour y rencontrer les deux assaillants djihadistes.
Il est resté 24 heures à Saint-Etienne-du-Rouvray.
Deux jours avant l'assassinat du père Jacques Hamel, le 24 juillet 2016, Yassine Sebaihia quitte Toulouse pour la Seine-Maritime. Il part rejoindre Adel Kermiche, qui prétend donner "des cours de religion" à la mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray, une affirmation démentie par les autorités musulmanes. Le jeune toulousain est abonné à la chaîne Telegram de l'assaillant, un canal sur lequel est diffusée de la "propagande en faveur d'actions terroristes". Les deux hommes ont eu plusieurs échanges, Yassine Sebaihia a même demandé des conseils à Adel Kermiche pour frauder dans le train qui le conduit en Normandie pour que les koufars (mécréants, NDLR) ne me cassent pas la tête". "Est-ce que tu peux venir demain ou plus tôt? (...) Y a un gros plan t'inquiète", lui écrit Adel Kermiche le 23 juillet.
Je me suis senti rejeté. J'étais très déçu, j'ai été mal accueilli
Yassine Sebaihia, l'un des 3 accusés sur le banc de la cour d'assises spéciale de ParisFrance 3 Normandie
Près de Rouen, Yassine Sebaihia, musulman depuis l'âge de 16 ans, est accueilli par quelqu'un qu'il ne connaît pas encore, un frère d'Adel Kermiche, Abdel-Malik Petitjean, le second assaillant de l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray. Tous les trois passent la soirée ensemble. Mais celui qui pensait recevoir un enseignement religieux, se sent très vite rejeté par les deux autres hommes : "ils voulaient me faire dormir dans une tente", raconte Yassine Sebaihia à la barre. Un malaise qui le pousse à rentrer précipitamment à Toulouse le lendemain, la veille de l'attentat.
La cour cherche à déterminer les raisons qui ont poussé Yassine Sebaihia, 27 ans aujourd'hui, à se rendre à Saint-Etienne-du-Rouvray en 2016.
Venait-il pour recevoir des cours de théologie sur l'islam ou participer de près ou de loin à une action barbare commanditée par Daesh ? A cette question, l'accusé a répondu ce matin à la barre : "j'étais perdu à l'époque, j'essayais de combler un vide affectif avec la religion". "Pourquoi n'êtes vous pas allés voir un imam ?" lui demande la cour, "parce que c'était ennuyeux". Yassine Sebaihia a reconnu ce matin être allé à Saint-Etienne-du-Rouvray mais pas pour y préparer un attentat.
A la barre cet après-midi, Yassine Sebaihia a maintenu sa version : il a traversé la France pour apprendre et aucun des deux autres hommes ne lui auraient parlé ce soir-là de l'attentat du surlendemain.
Lorsque le président demande s'il ne serait pas le 3ème homme évoqué par Adel Kermiche et Abdel-Malik Petitjean, l'accusé répond et s'énerve : "et qu'est-ce qui nous dit que c'est pas vous le 3ème homme M. le président ?".
Comme les deux autres accusés dans ce procès, Farid Khelil et Jean-Philippe Steven Jean-Louis, le jeune toulousain comparaît pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle".
Lundi 28 février, la mère et la sœur de Yassine Sebaihia étaient entendues par la cour. Le jeune homme a été décrit par ses proches comme étant "naïf".
"Je pense qu'il n'était pas au courant, il n'avait pas compris" ce qu'ils préparaient. "Sinon il n'y serait jamais allé", a déclaré sa mère. Ce jour de juillet 2016, Yassine Sebaihia lui avait dit aller "chez un copain" à Paris. "Je me suis dit: ça va lui changer les idées, ça va lui faire du bien", se rappelle cette petite femme de 60 ans, cheveux châtain au carré. A l'époque, sa petite amie vient de rompre, le déménagement de la famille loin du centre-ville de Toulouse lui pèse et sa mère lui a fixé un "ultimatum", menaçant de le "mettre à la porte" s'il ne trouve pas de travail. "Il faisait le ramadan, mais il était pas à fond sur la religion" et n'"a jamais eu de propos extrémistes", a affirmé sa mère.
Sur les raisons de son retour anticipé, Yassine Sebaihia reste évasif, expliquant à sa mère que son ami "l'a fait poireauter" parce que ses parents étaient sur place, "et donc il a préféré rentrer".
Le lendemain, apprenant l'attentat, l'accusé s'est attristé pour la victime, un prêtre de 85 ans, disant: "Le pauvre, il ira au paradis et ceux qui ont fait ça, ils iront en enfer", se rappelle sa mère. Mais il n'a jamais mentionné son séjour avec les assaillants ni dénoncé les faits, jusqu'à son arrestation le 7 août 2016, a souligné le président.