Guy Coponet, paroissien grièvement blessé lors de l'attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray en 2016, qui a coûté la vie au père Hamel, témoigne au 4e jour du procès à Paris. A la fin de l'audience, l'un des accusés lui a demandé pardon.
« Je vous salue Marie, pleine de grâce, le seigneur est avec vous ». C'est en pleurs que Guy Coponet a prononcé cette prière ce jeudi matin. Une journée encore une fois riche en émotions devant la cours d'assise spéciale de Paris, au procès des quatre hommes poursuivis pour leur implication dans l'assassinat du père Jacques Hamel. Ce jeudi matin, c'est un survivant qui a été entendu. Guy Coponnet assistait à l'office religieux le 26 juillet 2016. Il a été sauvagement agressé mais il a survécu à ses blessures.
Pour cette quatrième journée de procès, suivez le compte Twitter de notre journaliste présent sur place Maxime Fourrier :
THREAD. A la cour d’assises spéciale de Paris, jour 4 du procès de l’attentat de #SaintEtienneDuRouvray. Guy Coponet, 87 ans au moment des faits, est grièvement blessé durant l’attaque. A 9h30, il témoignera à la barre. pic.twitter.com/KfLWAjJ2az
— Maxime Fourrier (@maxime_fourrier) February 17, 2022
« Je peux vous raconter cette matinée, c’est bien frais dans ma tête. Ca le sera pour le restant de mes jours », commence Guy Coponet, aujourd'hui âgé de 92 ans. Dans une salle d'audience pleine, assis sur une chaise à la barre, avec un verre d'eau, il raconte avec précision : « C’était le jour de mon anniversaire. Ce matin-là, il faisait beau. L’entrée de l’église ne se faisait pas par la porte centrale, mais par la sacristie. C’était les vacances, il y avait beaucoup moins de gens que d’habitude, heureusement. Le Père Hamel était gai, comme d’habitude ».
L'office démarre mais très vite :
Un jeune homme est venu frapper à la porte durant la messe, une sœur lui a dit de revenir à la fin de l’office. Ils (Adel Kermiche et Abdel-Malik Petit-Jean) sont revenus, avec plein de matériel dans les mains, ils nous ont pris en otage. Ils m’ont demandé de m’assoir sur le premier banc de l’église. Et m’ont demandé de filmer avec un appareil.
Guy Coponet
Le père Jacques leur a dit "Va t'en Satan ! "
Guy Coponet, très ému, détaille ensuite l'assassinat du Père Hamel. « Les coups de couteaux, c’était affreux sur le Père Jacques », raconte-t-il avec des nœuds dans la voix. « Je ne sais pas ce qu’ils voulaient ces deux lascars, continue la victime, ce massacre n’a rien à voir avec la foi ».
« Quand ils ont continué à le poignarder, le Père Jacques leur a dit : ‘va-t-en Satan!’, mais ils ont continué, c’est affreux. Le prêtre a vomi du sang et s’en était terminé pour lui », s’émeut Guy Coponet.
"Je faisais le mort"
Les deux terroristes s'en prennent ensuite au paroissien : « Quand ils s’en sont pris à moi, je leur ai dit : ‘tu ne vas pas tuer ton grand-père!’ » se souvient-il.
Les coups de couteaux sont arrivés : deux dans le dos, puis dans les côtes et ils ont terminé par la gorge. Ils m’ont jeté sur le côté.
Guy Coponet
« J’ai compressé ma gorge pour garder connaissance. Ça a été long. Je me disais ‘ne bouge pas, sinon c’est foutu’, je faisais le mort », poursuit-il. « Pendant ce temps, ils détruisaient tout dans l’église. Ils parlaient de la Syrie et du gouvernement », continue M. Coponet.
« Je priais Marie », explique le vieil homme. Sa gorge se noue. À côté Roselyne Hamel, la sœur du prêtre, est en larme. « Puis des gens sont venus me chercher et je suis parti à l’hôpital », termine Guy Coponet. Le président de la cour commence ses questions.
« Depuis, je pense aux tueurs tous les matins quand je me rase. Quand je passe la lame sur mon cou, j’y pense, raconte M. Coponet, je sais c’est étrange mais c’est comme ça ».
Le survivant parle ensuite de son épousé, présente elle aussi dans l'église ce jour-là. Elle est aujourd'hui décédée. « Mon épouse a eu un pistolet dans le cou. Elle s’est toujours souvenue du canon froid posé sur sa nuque » continue-t-il. « Elle ne s’est jamais remise de tout cela. Ça a été pire pour elle que pour moi ».
"Je souhaite que vous jugiez dans un but de paix"
« Qu’attendez-vous de cette audience ? », lui demande le président de l'audience. « Je rêve que ceux qui ont formé les agresseurs viennent demander pardon. Quand on ne pardonne pas, ça devient de la haine. Le pardon serait merveilleux », indique Guy Coponet à la barre. Il demande ensuite à la cour d'assises spéciale : « Mesdames, messieurs les juges, je souhaite que vous jugiez dans un but de paix ».
« Ce qui nous guide c’est l’amour. Nous les Hommes nous ne devons être animés que par l’amour et la liberté », assène le paroissien, devant une cour très attentive et une salle comble et silencieuse.
A la fin de son témoignage, l a cour a salué le courage de Guy Coponet.
"Je vous demande pardon"
En fin d'audience ce midi, l'un des accusés, Farid Khelil s'est adressé au paroissien : « je vous demande pardon de ne pas avoir pu éviter ce drame, en empêchant mon cousin Abdel-Malik Petitjean d’aller dans cet église de Saint-Etienne-du-Rouvray (…) Depuis plus de 5 ans, je pense à vous et au Père Hamel tous les jours ».
A ces mots, Guy Coponet s'est incliné, a serré ses deux mains l'une dans l'autre et a dit merci. A la sortie de l'audience, le paroissien à réagi sereinement : « Un accusé qui demande pardon, c’est formidable. Il y a une présence, quelque part, qui va les relier les uns aux autres, un jour. Il faut que le temps passe, que cela soit assimilé dans nos cœurs. Il faut garder l’espérance, je suis persuadé que ça ira mieux un jour. Ce matin, c’était profitable. »
« Un accusé qui demande pardon, c’est formidable », à réagit Guy Coponet après l’audience de ce matin. (Video @maxime_fourrier) pic.twitter.com/FySV5XWl6U
— France 3 Normandie (@f3htenormandie) February 17, 2022
Cet après-midi, ce sera au tour de Roselyne Hamel, le sœur du père Hamel, de témoigner. A suivre sur le compte Twitter de notre envoyé spécial.
Dans le box des accusés, Jean-Philippe Jean Louis, Farid Khelil et Yassine Sebaihia comparaissent pour "association de malfaiteurs terroriste". Ils sont soupçonnés d'avoir été au courant de la volonté des deux jeunes hommes de commettre une action violente, d'avoir partagé leur idéologie ou tenté de rejoindre la Syrie. Ils encourent trente ans de réclusion.