TEMOIGNAGE - Mariage et Covid : entre la lassitude des couples et l’inquiétude des professionnels

En 2020, la France a enregistré une baisse de 34% du nombre des mariages. L’Insee évoque un recul historique, qui n’épargne pas la Normandie. Si les mariés ne sont pas à la noce depuis le printemps dernier, c’est aussi tout un secteur économique qui souffre.

A Laize-la-Ville, dans le Calvados, par un bel après-midi ensoleillé, Milène et David ont enfin pu se dire oui.

En ce 17 avril 2021, les deux amoureux ont savouré leur mariage. « Je suis encore sur mon petit nuage » confie la jeune mariée. « Le maire a fait une célébration personnalisée. Lorsque nous sommes rentrés à la maison, tous nos voisins avaient sorti leur voiture et ont klaxonné. C’était comme un vrai mariage » raconte Milène.

« Nous étions en petit comité : 16 adultes et 6 enfants. Nous avons fait un repas chez nous. J’avais installé de la décoration et nous avons fait à nos invités la surprise d’une pièce montée en dessert » poursuit la jeune femme.

La prudence reste de mise

« Désormais, nous attendons septembre avec impatience » conclut-elle. Car, le choix qu’ont fait les deux mariés est de reporter la cérémonie religieuse et la grande fête familiale au 4 septembre prochain. A une période où, ils l’espèrent, la vaccination permettra de réunir leur 130 invités en toute sécurité.

Mais Milène l’avoue : elle reste très prudente. Sans doute pour ne pas être une nouvelle fois déçue comme elle l’explique dans ce reportage.

« Emmanuel Macron m’a fait beaucoup pleurer » ironise Milène

Lorsque David demande Milène en mariage en décembre 2018, le Covid 19 n’a pas encore fait son apparition. L’événement est fixé au 2 mai 2020. En toute insouciance, le couple prépare ce qui doit être l’un des plus beaux jours de leur vie :  « A ce moment-là, nous étions euphoriques, nous vivions mariage, nous dormions mariage. C’était notre principal sujet de conversation » se souvient Milène.

Lorsque le premier confinement est annoncé en mars 2020, puis prolongé jusqu’au 11 mai, c’est la douche froide : « J’étais complètement chamboulé » explique David. « Deux ans de préparation qui sont partis comme ça ». Un coup dur pour le couple et ses deux enfants. « Moi j’ai pleuré à chaque annonce du Président de la République » confie Milène.

Quand la lassitude s’installe

Au fil des mois, la tristesse s’est transformée en lassitude pour nombre de futurs mariés. Le 12 juin prochain, Julien doit s’unir à sa fiancée. Mais : « nous avons du mal à nous remettre dedans ».

A l’origine, la cérémonie devait avoir lieu le 29 août 2020. Mais lors du premier confinement, ils choisissent de reporter la date. « Finalement, cet été, les mariages étaient autorisés. Pour oublier, nous sommes partis en week-end avec nos témoins. La seule chose qui nous a un peu réjoui, c’est de voir la mauvaise météo ce jour-là».

Mais à quelques semaines du grand jour, Julien l’avoue : « je vois bien que ma fiancée a du mal à se relancer. J’essaie de rester optimiste et de la rassurer mais ce n’est pas toujours évident ».

Des projets de vie en suspens

Maxim, lui, l’assume clairement : « je suis frustré. Nous sommes dans le flou, sans  aucune info. Se dire qu’on décale tout, à 50 jours près, c’est dur »

Prévu le 22 mai 2021, l’événement aura lieu finalement le 19 mars 2022. Un choix opéré lorsqu’il y a un mois, Jean Castex annonce le reconfinement de la Seine-Maritime et de l’Eure.

Car pour eux, pas question d’organiser une union en petit comité. « C’était un gros mariage avec 250 invités au vin d’honneur et 170 au repas. Je ne me vois pas choisir entre les membres de ma famille » précise le jeune homme.

Et d’ici 2022, c’est un peu leur vie qui attend. « J’ai 30 ans. Amandine, 34 ans. Je me dis que c’est maintenant le bon moment pour avoir un enfant. Et là, ça retarde tout car nous souhaitons nous marier avant ». Et Amandine d’ajouter : « Et est-ce que l’an prochain, on ne va pas nous dire encore de décaler. Nous aimerions avancer dans notre vie personnelle».

Dans leur malheur, les deux trentenaires peuvent compter sur le soutien de leurs prestataires. Tous les ont suivis dans ce report. Même s’ils ont dû faire un compromis sur le choix de la date. Car l’année 2022 était déjà bien remplie, notamment du côté du propriétaire de la salle de réception.  

Des prestataires soucieux

Et c’est l’un des risques : l’embouteillage en 2022. Avec un pic d’activité entre avril et septembre, la saison 2021 semble compromise, au moins en partie.

« En 2020, la situation était presque plus simple pour nous » confie Mike Sfez, co-président de la Fédération des professionnels du mariage, fraichement créée en janvier. « Pendant plusieurs mois, les mairies ne célébraient pas les unions. Les mariés étaient donc contraints de reporter. Cette année, la cérémonie est autorisée mais nous ne pouvons pas organiser de soirées. Alors les litiges avec les clients se multiplient. » 

C'est ce qu'il nous explique dans cette vidéo.

La difficulté principale reste le manque de visibilité.

Lorsque les restaurants ou les discothèques rouvriront leurs portes, les clients seront tout de suite au rendez-vous. Le secteur du mariage fonctionne à moyen terme. Pour nous, il y aura un delta d’au minimum 6 mois 

Mike Sfez, co-président de la Fédération des professionnels du mariage

 

Même sentiment pour Pauline Lohéac, wedding-planner, fondatrice de la Fabrique des instants en 2015, qui estime s’en être à peu près sorti en 2020 avec 50% de mariages en moins. 2021 s’avère plus compliquée : « Gérer l’imprévu, c’est notre métier. Réorganiser en 15 jours un mariage de 250 personnes avec repas assis en un mariage à 150 sous chapiteau, avec cocktail debout… un mariage, c’est drôle. Huit comme ça, c’est épuisant ! »

Pour l’heure, la wedding-planner a réussi à convaincre ses clients de reporter les mariages d’avril. Les prochains sont en juin. Elle attend désormais les prochaines annonces du gouvernement, qui arrivent cette année encore au compte-goutte.

Retrouvez l'interview de Pauline Lohéac, invitée du JT de 19h le 14 avril dernier

Ma petite entreprise connaît la crise

Le secteur du mariage pèse aujourd’hui 3 milliards d’euros de chiffres d’affaires en France. Il compte près de 55 000 entreprises, dont de nombreuses TPE et des indépendants.

Et pour ces derniers, les difficultés sont déjà là d’après Mike Sfez. « Pour une grande entreprise, comme une chaîne hôtelière qui fait de la location de salles, les chiffres d’affaires sont importants. Il est donc facile de prouver les pertes et percevoir les aides de l’Etat, sans compter le recours au chômage partiel pour les salariés. Mais pour les petites entreprises la situation est plus complexe. C’est une réalité que Bercy a du mal à entendre » détaille ce traiteur et propriétaire de salles.

Le représentant de la Fédération des professionnels du mariage espère donc être reçu prochainement par le Ministre de l’Economie pour faire entendre la spécificité de son secteur d’activité.

Quelles sont les règles actuelles en termes de mariage ? 

Religieux comme civil, le mariage peut être célébré dans le strict respect du protocole sanitaire, avec port du masque, en laissant libre deux sièges entre chaque personne ou entité familiale et en occupant une rangée sur deux. La jauge des 6 personnes, un temps appliquée, n’est donc plus de mise : tout dépend de la taille de la salle des mariages ou de l’église.

Peut-on changer de région pour se rendre à un mariage ? D’après le site du gouvernement, la réponse est non.

Et pour la fête ? Impossible de louer une salle. Il reste envisageable d’organiser une réception chez soi puisque l’Etat ne peut légiférer sur les domaines privés. Recevoir des gens à son domicile reste pourtant déconseillé. Lors de son allocution du 31 mars, le Président de la République a rappelé, que selon lui, ce sont lors des rassemblements privés, des fêtes en famille ou entre amis que l’on se contamine le plus.  

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