Abbé Pierre : une enquête de la télévision suisse dévoile sa "double vie", entre prostituées et maîtresses

Quelque deux jours après les révélations du pape François, qui a reconnu que le Vatican avait été informé des agissements de l'abbé Pierre, la RTS (Radio télévision suisse) a publié, ce dimanche 15 septembre, une enquête où elle dévoile la double vie de l'abbé, durant ses séjours à Genève.

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En Suisse, deux nouvelles femmes accusent l'abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès, d'agressions sexuelles survenues dans les années 1980. En parallèle, nos confrères de la RTS ont diffusé, ce dimanche, une enquête où ils reviennent sur les agissements de l'ancienne personnalité préférée des Français, inhumée à Esteville (Seine-Maritime).

Il y a quelque chose qui s’est brisé, une figure emblématique qui est tombée de son piédestal.

Christian Thurre, co-président de l’association La Vigne à Farinet (Suisse)

à la RTS

Déjà épinglé en 1990

Mort en 2007 à l'âge de 94 ans, l'abbé Pierre, désormais visé par 24 témoignages d'agressions sexuelles et de viols commis entre les années 1950 et 2000, aurait passé plusieurs séjours en Suisse. Là-bas, il aurait fréquenté le quartier des Pâquis, à Genève, connu pour ses maisons closes.

Auteur de l'enquête, le journaliste suisse Claude-Olivier Volluz cite notamment le témoignage de Grisélidis Réal, écrivaine et ancienne prostituée, au micro de TF1, le 15 mai 1990. Cette dernière confie : "la patronne nous avait dit : 'venez regarder par le trou de serrure de la salle de bains, quelqu’un attend son tour, c’est quelqu’un d’extraordinaire qui a fait beaucoup de bien à l’humanité'. Jamais je n’en ai parlé, mais aujourd’hui, je ne peux plus me taire. C’était un abbé, c’était l’abbé Pierre et je l’ai vu."

L'enquête complète de la RTS :

Un témoignage qui, à l'époque, défie la chronique... Avant de tomber dans l'oubli. Pourtant, selon Igor Schimek, fils de Grisélidis, il aura coûté cher à sa mère. "Elle m’a dit que si c’était à refaire, elle n'était pas sûre qu'elle le referait. Les réactions ont été très violentes. On lui a craché à la figure dans la rue. Elle a reçu beaucoup de lettres d’insultes et de menaces."

Un "conflit de loyauté" envers l'abbé Pierre, parfois idolâtré

En parallèle, Claude-Olivier Volluz révèle que l'abbé Pierre entretenait une liaison avec une femme de la communauté Emmaüs. "L'abbé rencontrait d'autres femmes dans le même temps. Une personne qui l'a côtoyé à Genève a expliqué à la RTS qu'il avait pour habitude de mettre en garde celles qui l'approchaient, redoutant de potentiels dérapages", précise aussi l'enquête.

Journaliste à la cellule investigation de Radio France, invitée dimanche dans le 19h30 de la RTS, Laetitia Cherel est quant à elle revenue sur sa propre enquête concernant les agissements du religieux. Déclarant que ses nombreuses victimes étaient "déchirées par le devoir de vérité" et "un conflit de loyauté, envers un homme qu'elles respectaient, voire idolâtraient."

Lors de son enquête, elle découvre que l'abbé Pierre a été interné en psychiatrie en Suisse en 1957. "Officiellement, il aurait été opéré pour des raisons de santé, mais en réalité, il a subi un traitement intensif comprenant des cures de médicaments et de sommeil", précise l'article. "Ce type de traitement était courant à l'époque pour neutraliser les prêtres déviants, habituellement suivi d’une retraite dans des monastères."

"Quelques évêques au moins" connaissaient ses agissements

Selon le président des Évêques de France, auteur d'une tribune publiée ce lundi 16 septembre dans Le Monde, "quelques évêques au moins" étaient au courant des comportements déviants de l'abbé Pierre, "dès 1955-1957". Mgr Eric de Moulins-Beaufort confirme par ailleurs l'internement de l'abbé en psychiatrie, réaffirmant son souhait d'aider "à faire la lumière sur ces questions".

Pour cela, il a déclaré "lever le délai de communicabilité des archives qui dépendent (de la Conférence des évêques de France) concernant l’abbé Pierre". "Je forme aussi respectueusement le vœu que le Vatican se livre à une étude de ses archives et dise ce que le Saint-Siège a su et quand il l’a su."

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"Je réaffirme ici le travail de l’Église en France pour que la vérité soit faite sur les faits d’agressions et de violences sexuelles comme aussi sur les faits d’emprise spirituelle, et pour revoir ses fonctionnements. J’appelle toutes les autres institutions et organisations à en faire autant. Nous devons cela aux personnes victimes", conclut Mgr Eric de Moulins-Beaufort.

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