La Feder, Fédération des Etudiants Rouennais, alerte sur la précarité croissante des étudiants. L'association a distribué récemment sept tonnes de denrées alimentaires, tandis qu'elle participe avec un opérateur de téléphonie, au "don de giga" pour les étudiants dépourvus d'outils numériques.
Sept tonnes de denrées alimentaires distribuées en quelques jours à plus de 400 étudiants de la région rouennaise. Le chiffre est alarmant, et atteste de la grande précarité dans laquelle certains étudiants se débattent.
La précarité sévit toute l'année
La FEDER, Fédération des étudiants rouennais est à l'origine de cette opération d'envergure, qui s'est déroulée le 16 décembre dernier à Rouen. Il s'agissait alors de pallier la fermeture des épiceries solidaires pendant les vacances d'hiver, et d'écouler tous les stocks avec la collaboration des associations relais présentes sur les campus.
Mais la précarité sévit toute l'année, et la FEDER a souhaité communiquer sur ses actions envers les étudiants pauvres, qu'ils soient boursiers ou non.
"Les attributions de bourses se font sur des critères sociaux. Or beaucoup d'étudiants ne reçoivent rien de leurs parents. Il y a un delta entre l'aide présumée des parents, et la réalité ", commente Axel Duthil-Vatine, le président de la Feder.
Se nourrir correctement, et disposer de bons outils numériques pour étudier, sont les deux faces indissociables d'une même stratégie, visant à l'égalité des chances pour tous les étudiants.
19% des étudiants ne mangent pas à leur faim
Dans leur récent communiqué, la Fédération des étudiants rouennais rappelle que 19% des étudiants et 28% des boursiers ne mangent pas à leur faim. Une situation que l'État ne semble pas prendre au sérieux.
Les conditions de vie ne sont pas les mêmes qu'il y a quelques années, notamment avec l'inflation. Les étudiants pâtissent aussi d'un manque de considération de l'État. Les Crous sont sous-financés, tout comme l'université et la recherche qui sont sous-dotées.
Axel Duthil-Vatine, président de la Fédération des étudiants rouennais
La Fage, Fédération des associations générales étudiantes à laquelle la Feder est affiliée, est à l'origine de cette étude intitulée "Bouge ton Crous !". Il en ressort qu'un étudiant sur cinq ne se nourrit pas correctement, faute de moyens.
49% des étudiants interrogés estiment aussi ne pas avoir les moyens de s'acheter des fruits et légumes chaque semaine. 62% d'entre eux sautent régulièrement un ou plusieurs repas par semaine. Des restrictions qui peuvent aller pour certains jusqu'à renoncer aux soins, et qui ont immanquablement des répercussions sur la qualité des études.
"Bouge ton Crous !"
À quelques jours des élections des représentants des étudiants au sein des CROUS (Centre Régional des œuvres Universitaires et Scolaires), les associations étudiantes ont donc tenu à rappeler quelques-unes de leurs positions.
Notamment la nécessité de mettre en place le repas à un euro pour tous les étudiants, qu'ils soient ou non boursiers. Le repas à 3,30 euros proposé par les restaurants universitaires reste trop cher pour la plupart des étudiants. Un étudiant sur cinq n'y mangerait pas pour cette raison.
Les associations étudiantes souhaitent aussi que les restaurants universitaires soient ouverts le soir et le week-end, pour permettre aux étudiants de se nourrir correctement tous les jours de la semaine.
Faute de repas suffisants, les étudiants précaires dont 74% ne sont pas boursiers, se rendent dans les épiceries solidaires. À Caen, près de 300 étudiants en bénéficient. Dans l'agglomération rouennaise, l'épicerie solidaire AGORAé qui dispose d'une quarantaine d'antennes en France, aide 250 étudiants toute l'année, un soutien auquel s'ajoutent des actions flash comme celle du 16 décembre dernier.
Le don de giga contre l'exclusion numérique
"Ça m'a beaucoup aidé au moment où mon téléphone m'a lâché ! C'était une dépense que je n'avais pas prévue dans mon mois et que je ne pouvais absolument pas me permettre. Heureusement qu'il y a l'AGORAé et que j'ai pu avoir ce téléphone. Il y avait entre guillemets, toute ma vie dans l'ancien, si je n'avais pas pu récupérer un téléphone, j'aurais été coupée de beaucoup de choses", explique la jeune étudiante Eugénie Véron, cet après-midi-là dans les locaux de l'AGORAé du campus de Mont-saint-Aignan (76), avec dans la main son nouveau portable.
Le téléphone n'est plus seulement un appareil de sociabilisation, de distraction ou de contact, mais bel et bien un outil pour l'étudiant, qui va stocker sur ce petit engin, emploi du temps, cours numérisés et annotations.
"Sans téléphone, j'aurais été mise à l'écart par rapport aux autres, impossible d'utiliser des applications de l'université sans mon téléphone", poursuit la jeune femme. Grâce à ce téléphone gratuit, Eugénie a pu poursuivre ses études tranquillement, sans lésiner sur la nourriture ou les activités.
L'opération "Don de giga", mis en place par l'opérateur de téléphonie Bouygues en partenariat avec la Fage, a permis de récupérer 2 500 téléphones et cartes SIM, et 4 000 forfaits de 20 gigas à destination d'étudiants en difficulté.
L'AGORAé de Rouen qui en distribue une cinquantaine sur le campus, accompagne l'étudiant pour compléter son dossier et vérifier les conditions d'éligibilité, puis lui confie gratuitement un téléphone portable.
"C'est un vrai changement pour les étudiants qui en sont privés de récupérer internet. Un étudiant ne peut pas toujours se permettre d'acheter un téléphone", commente le président de la FEDER.
Le numérique peut sembler secondaire par rapport à l'alimentation, mais aujourd'hui on est obligé d'avoir accès à internet et d'avoir un téléphone. C'est devenu essentiel dans la vie d'un étudiant pour vivre correctement
Axel Duthil-Vatine, président de la FEDER
Sans outil numérique, l'isolement social est bien réel. "Toutes les informations de la vie étudiante, culturelles, sociales, toutes les animations étudiantes sont disponibles sur des applications numériques", conclut le président de la Feder, qui dispose encore d'une vingtaine de téléphones pour des étudiants dans le besoin sur le campus de Mont-Saint-Aignan.