"Shein et AliExpress ont volé mes créations" : cette couturière part en croisade contre la fast fashion

Couturière et styliste originaire de Rouen (Seine-Maritime), Léa a créé sa marque de vêtements et accessoires The Black Manor en 2020. Quelques années plus tard, elle découvre des contrefaçons de ses modèles sur les sites de fast fashion Shein et AliExpress.

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"Un matin, en me réveillant, j'allume mon téléphone, j'ouvre Facebook et tombe sur une publicité de Shein qui vend ma création. Je l'ai reconnue directement, je l'avais cousue des dizaines de fois". Léa Baudoin en est encore tout abasourdie.

"C’est vraiment une copie presque parfaite"

On est alors début 2023, trois ans après que la styliste originaire de Rouen a créé The Black Manor, sa boutique de vêtements et accessoires gothiques alternatifs, et de décoration du genre cabinet de curiosités.

Comme de nombreux petits créateurs, elle découvre qu'un de ses modèles a été contrefait, puis mis en vente à un prix dérisoire sur le site de fast fashion chinois. Après avoir téléchargé l'application pour regarder l'annonce et le produit plus en détail, son analyse est sans équivoque : "C’est vraiment une copie presque parfaite. Il y a quelques petits détails différents mais que les acheteurs ne peuvent pas voir".

Elle alerte alors sa communauté sur les réseaux sociaux, et tente de joindre les services France et International du site commercial asiatique, mais ne reçoit que des réponses automatiques. Quelques semaines plus tard, elle est alertée par une fidèle cliente qu'une de ses créations a été copiée et se retrouve en vente sur AliExpress. "Quand j'ai appelé pour me plaindre d'avoir été plagiée, ils m'ont ri au nez". 

Des produits sept à huit fois moins chers

Léa est sidérée, elle n'a aucun moyen d'agir pour empêcher ces géants du commerce mondial de lui voler le fruit de sa création. "Je suis invisible face à des grands sites comme ça. Moi, j'ai juste mes réseaux sociaux, mon petit site web. Le préjudice doit s'évaluer à plusieurs milliers d'euros, ils vendent sept à huit fois moins cher que moi", se désole celle qui écoule ses produits dans le monde entier, surtout aux États-Unis. 

Ça coûte environ 250 euros de protéger un modèle à l'INPI (Institut national de la propriété intellectuelle). Dans tous les cas, même si je fais protéger, ils seraient inattaquables car il suffit qu'il y ait seulement sept différences, même infimes entre l'original et la contrefaçon (un ourlet, la couleur des boutons, des découpes). À la base, l'industrie de la fast fashion copie les modèles de marques de luxe. Même elles ont du mal à faire protéger leurs modèles.

Léa Baudoin, fondatrice de The Black Manor

Depuis le début de l'année et les premières contrefaçons remarquées, Léa a repéré plusieurs influenceurs arborant ses créations plagiées sur Instagram. "Je les ai alertés, mais ils n’ont pas enlevé les vidéos parce qu’ils ont un contrat avec Shein". Certains acheteurs des contrefaçons ont même contacté la créatrice normande. "Une fille m'a dit 'Je viens de Grèce, je n'ai pas beaucoup d'argent, ça coûte moins cher d'acheter ton modèle sur AliExpress'."

"La plupart des fabricants font travailler des enfants"

Aujourd'hui, Léa Baudoin souhaite que ces personnes comprennent qu'elles ne sont pas en nécessité de porter ces vêtements. Comme bien d'autres avant elle, elle part en croisade contre la fast fashion. "Au-delà du plagiat de mes créations, les gens mettent leur santé en danger avec les produits qu'il y a dans ces vêtements, la plupart des fabricants font travailler des enfants : il n’y a pas du tout d’éthique"

Presque quatre ans après avoir lancé The Black Manor, Léa ne vit pas de son entreprise, "d'autant plus quand on se fait voler ses modèles". Elle occupe un travail à plein temps qui lui permet de toucher un salaire et d'envisager de nouvelles collections. Si, dès le départ, ses créations gothiques ont bien fonctionné, elle note une baisse de commandes depuis le début de la guerre en Ukraine et l'inflation qui en a découlé. 

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