Pour convaincre les automobilistes de laisser leur voiture au garage, la communauté Caux-Seine-Agglomération de Seine-Maritime a mis en place la gratuité des transports en commun pendant une semaine.
"L'autosolisme". Le mot est nouveau et il désigne un automobiliste qui circule seul à bord de sa voiture, notamment pour les trajets domicile-travail. Selon une étude de Vinci publiée en avril 2022, en France, plus de 8 conducteurs sur 10 se déplacent seuls dans le cadre de leurs trajets quotidiens.
Alors comment, dans un contexte de hausse des prix du carburant, de lutte contre le réchauffement climatique et la pollution atmosphérique, faire reculer la place de la voiture et diminuer la part de "l'autosolisme" ?
Pour faire changer les habitudes, de nombreuses communes et collectivités locales ont développé les pistes cyclables et encouragé la pratique du vélo.
Pour les trajets plus longs, en dehors des agglomérations, la solution du covoiturage a été, elle aussi, développée et parfois avec succès comme dans la Métropole Rouen Normandie, où avec des plates-formes spécialisées, comme Blablacar. La start-up française lancée en 2006 est devenue un modèle au sein des start-up françaises et un leader à l'échelle internationale.
La gratuité pour tester les bus et cars
Une autre piste est de laisser sa voiture à la maison et d'essayer les transports en commun ? C'est ce qu'a proposé Caux-Seine-Agglomération aux habitants des 50 communes de son territoire (dont Bolbec et Lillebonne) avec une opération exceptionnelle de gratuité des cars et bus pendant une semaine, du 16 au 22 septembre 2022.
Impliquée dans la transition écologique et notamment dans la production des énergies renouvelables, la communauté de communes Caux-Seine-Agglomération a la volonté d'accroître la part des transports en commun, y compris en zone rurale. Et comme l'a expliqué Virginie Carolo-Lutrot, présidente de Caux Seine agglomération à notre journaliste Klevi Dalibot, la gratuité est un moyen d'inciter à changer de moyen de transport : "La gratuité pendant une semaine c'est découvrir le réseau de bus. C'est assez récent puisqu'on a les réseaux urbains depuis quelques années, mais depuis 2022 seulement, nous avons aussi les réseaux interurbains en lieu et place de la Région. Et nous souhaitons vraiment promouvoir la mobilité douce et la mobilité collective à travers cette gratuité."
Etendre la gratuité ?
Faut-il étendre la gratuité des transports en commun tous les jours de l'année ? Virginie Carolo-Lutrot dit attendre la mise en place d'une organisation pour savoir quelle est la stratégie idéale pour le territoire : "Comme nous sommes en construction de réseau, ce qui compte pour moi c'est le service au citoyen et le maillage avec les autres réseaux, avec Le Havre, avec Rouen, avec Paris. Et d'étudier la mobilité par le bus, la mobilité par le vélo, par le covoiturage et demain par le train en remettant des trains voyageurs sur des rails de fret pour vraiment désenclaver le territoire. A ce moment-là, il y aura peut-être un sujet de coût, de gratuité."
Des exemples de gratuité dans d'autres villes
La présidente de la communauté de communes Caux Seine agglomération, dit aussi observer ce qui se passe dans les communes qui ont fait la gratuité dans les transports en commun pour en connaître les avantages et les inconvénients. En France, l'Observatoire des villes du transport gratuit a recensé 37 villes où le transport est totalement gratuit (pour les usagers)
En Normandie, seule la commune de Bernay ( Eure) est concernée avec deux lignes de bus entre les quartiers, la gare et le centre-ville.
D'autres villes ont fait le choix d'une gratuité partielle. Pour les moins de 18 ans, comme à Strasbourg ou à Montpellier. Ou certains jours comme à Rouen où c'est gratuit le samedi (mais en validant son titre de transport).
Il y aussi la gratuité des bus et des tramways au Havre et à Rouen en cas de pollution de l'air aux particules fines.
Rien n'est gratuit...
En réalité, parler de gratuité des transports en commun est inexact puisque ce sont les collectivités qui financent ces transports (et donc le contribuable). Et puis, mais on ne le sait pas toujours, le prix du ticket de bus ne représente qu'une petite partie du coût réel du transport (entre 5 et 20% selon les villes).
Quand les communes ont les moyens financiers, rendre l'accès gratuit aux usagers est donc une possibilité. Surtout que supprimer la billetterie et les contrôles permet de faire des économies de fonctionnement.
Reste à convaincre les automobilistes de profiter de ce moyen de transport, même si par rapport à la voiture, il coûte un peu plus de temps, il enlève un peu de liberté, mais qui en revanche permet d'arriver gratuitement à destination, près du lieu de travail ou de loisir. Avec en plus la possibilité de lire, d'écrire, de téléphoner, de voir des vidéos…
En Seine-Maritime, des élus s'interrogent, et c'est le cas de Virginie Carolo-Lutrot, sur la question de la gratuité totale car des rapports évoquent, dans certaines villes, l'effet pervers des bus "open bar" où l'on observe "des problématiques d'incivilités ou des problèmes de non-respect du matériel du fait de la gratuité."