Il est temps d’enlever une heure aux horloges, montres et pendules. Et de se pencher sur les répercussions du passage à l'heure d'hiver sur nos organismes. Pour Benoît Mauvieux, chronobiologiste, le sommeil doit être remis au centre du jeu.
Passer à l’heure d’hiver : trop facile ?
Reculer d’une heure les aiguilles de la pendule du salon est moins délicat pour les organismes que de passer à l’heure d’été. "En hiver, en France, on n’est plus qu’à une heure de décalage par rapport à l'heure du soleil, et pas deux heures comme l’été. C’est toute notre organisation sociale qui est ainsi mieux calée sur la lumière.
Par ailleurs, notre horloge biologique est plus malléable dans sens-là : quand on voyage vers l’ouest, l’adaptation au décalage horaire est plus simple."
Une heure de décalage n’a pas de grandes conséquences sur notre horloge biologique.
Benoît Mauvieux, chronobiologiste et maître de conférence à l'université de Caen
"Les répercussions sont plus gênantes pour quelqu’un qui travaille en poste tard le soir. Dans ce cas, sa journée de travail peut sembler s'arrêter à 23h au lieu de 22h. Et si cette personne est plutôt « du matin », ça peut être difficile de s'adapter. La solution, c’est une exposition à la lumière du jour, ça aide."
Dormir une heure de plus : oui, et tous les jours !
"La problématique, ce n’est pas tant le changement d’heure que les nombreuses injonctions auxquelles on est soumis dans la vie quotidienne. On ne respecte plus notre sommeil comme variable indispensable à notre bonne santé. Le temps de sommeil est devenu une variable d’ajustement pour allonger les journées : pour le travail - on a toujours un mail à envoyer ou à finir de lire - ou pour finir une série télévisée. On empiète sur notre temps de sommeil."
"Les chiffres sont inquiétants : deux Français sur trois se plaignent de troubles du sommeil et 27% des salariés, selon des études d’épidémiologie, ont moins de six heures de sommeil par nuit... Cela tient aussi à notre organisation sociale, avec par exemple des magasins ouverts tôt le matin, tard le soir, y compris le samedi et le dimanche."
Moins de sommeil = moins d’efficacité et moins de santé
"Il faut apprendre comment on manage son sommeil et comment on l’améliore aussi. C’est un mauvais calcul d’allonger nos journées pour faire tout ce que l’on a à faire : on est moins performant, et on multiplie les somnolences diurnes, l’irritabilité, sans compter les répercussions sur le manque de vigilance et les incidents au travail.
C’est une question aussi de santé. Le manque de sommeil favorise le grignotage, et a à voir avec les problématiques d’obésité et de diabète."
Qu’on soit adulte ou parents, la vraie problématique est l’éducation au sommeil.
Benoît Mauvieux, chronobiologiste, maître de conférence à l'université de Caen
"Il faut faire respecter les heures fixes de lever et de coucher de nos enfants. La régularité est essentielle, avec l’exposition à la lumière du jour, c’est ça qui synchronise nos rythmes biologiques."
Ennemis jurés du sommeil : les écrans
"Être vigilant aux lumières de type Led, c’est essentiel puisqu’elles stimulent l’éveil et perturbent l’horloge biologique. Les écrans ralentissent l’endormissement. On néglige trop le sommeil alors que c’est essentiel à la santé. C'est un deal avec soi-même : je respecte plus mon corps et mes besoins et je profite d’une vie plus qualitative."
Fin (ou pas) du changement d'heure ?
Il est question depuis 2018 d'abolir le changement d'heure en Europe. Une consultation publique avait révélé que 84% des répondants à l'enquête se disaient favorables à la fin de cette pratique. La commission européenne avait proposé dans l'élan un projet de directive.
Covid oblige, le texte n'a finalement pas été adopté par le Conseil en 2020, et n'est plus à l'ordre du jour.