Une association normande vient de publier un livre étonnant : l’adaptation des Fables de la Fontaine en cauchois, un dialecte du Pays de Caux.
« Sans mentir, si votre ramage / Se rapporte à votre plumage, / Vous êtes le Phénix des hôtes de ces bois ». On connaît tous, plus ou moins par cœur, le langage que tint le Maître Corbeau au Maître Renard.
Et si on changeait le dialecte de ce langage ? Voici ce que ça donnerait en cauchois. « Sans menti, si vos poussez la canchon / A la m’su de c’que vos éez belle fachon, / Vos étes le Roué des habitants de çu boués. »
Traduction ? Interprétation ? Adaptation ?
12 membres de l’Université Rurale du Cauchois (URC), basée à Yvetot (Seine-Maritime), ont ainsi adapté une trentaine de Fables de La Fontaine. On peut les retrouver dans un livre paru en novembre 2024 aux Editions Le Pucheux.
Pour rendre encore plus intéressante et compréhensible la lecture de ce livre, celui-ci a été pensé en miroir. Chaque Fable de la Fontaine est imprimée sur la page de gauche, suivi de sa version en Cauchois.
Cela dit, ne vous attentez pas à reflet parfait dans le miroir : « Il n’est pas possible de traduire mot à mot un poème d’une langue dans une autre sans en dénaturer le sens », explique Denis Ducastel, président de l’URC.
D’autant que certains mots ne peuvent être traduits, car « on a les mêmes en français et en Cauchois ». C’est pourquoi certains auteurs ont opté pour une traduction la plus stricte possible, quand d’autres ont choisi une adaptation plus libre « afin de garder un rythme dans la poésie ».
On vous propose d’écouter Michel Lecouteux, conteur expérimenté, qui a fait le choix de l’adaptation libre pour revisiter « La Laitière et le Pot au lait ».
Sans oublier qu’« on a parfois plusieurs versions d’un même conte » explique Denis Ducastel. Par exemple, voici le début de « La Cigale et La fourmi », en trois versions différentes. Jean de La Fontaine d’abord, Sévenine Courard ensuite, Paul Noël enfin.
La Cigale et la Fourmi, Jean De la Fontaine : « La Cigale, ayant chanté / Tout l’été, Se trouva fort dépourvue / Quand la bise fut venue. »
La Cigale et la Frémi, Séverine Courard : « La Cigale qu’a chanté / Pendant toute la meisson, / Sa pouque était vide / Quand ch’est qu’l’hivé est rarrivé. »
La Cigale et la Frémi, Paul Noël : « La Cigale ayant poussé la canchon tout l’été, se r’trouva fauquèye comme eul blé sitôt la saison finite ».
40 ans à défendre le Cauchois
Si ce livre pourrait se retrouver sous le sapin dans quelques semaines, il s’agit initialement d’un cadeau d’anniversaire. « On le publie pour fêter les 40 ans de l’URC », indique Denis Ducastel.
Depuis 1984, des réunions tous les premiers jeudis du mois, des ateliers d’écriture, des heures passées à s’enregistrer, « pour garder notre langue, qu’elle reste sur différents supports ».
« On est là pour défendre le dialecte cauchois, variante de la langue normande. La Normandie est grande, il y a des nuances d’un bout à l’autre de la région », rappelle Denis Ducastel.