Gabriel Attal relance la "taxe lapin". Lors de son discours de politique générale, mardi 30 janvier, le Premier ministre a annoncé sa volonté de faire payer les patients qui n'honorent pas leurs rendez-vous médicaux. Pourquoi donc certains Français font faux bond à leurs praticiens ?
27 millions de rendez-vous médicaux ne sont pas honorés chaque année, tel est le constat de l'Académie de médecine et du Conseil national de l'ordre. Entre 6 et 10% des patients français poseraient donc des lapins à leurs praticiens.
"On ne vient pas, on paie !"
Le constat n'est malheureusement pas nouveau, et les parlementaires se sont déjà penchés sur le sujet à plusieurs reprises. En juin 2023, le projet de loi Valletoux sur l'amélioration de l'accès aux soins était présenté à l'Assemblée nationale. Il mentionnait des pénalités financières en cas de non-présentation à un rendez-vous médical. En novembre, le Sénat a adopté une disposition visant à lutter contre le phénomène.
Mardi 30 janvier 2024, Gabriel Attal n'a donc rien révolutionné en clamant lors de son discours de politique générale : "c'est un principe simple : si on a un rendez-vous médical et qu'on ne vient pas, on paie !". En revanche, le nouveau Premier ministre semble avoir donné un coup d'accélérateur puisqu'il entend mettre en place le principe "dès cette année".
⚡️ Le Premier ministre annonce qu'il souhaite un "principe simple" : "Quand on a un rendez-vous chez le médecin et qu’on ne vient pas sans prévenir, on paie." pic.twitter.com/yFdiDtsICz
— franceinfo (@franceinfo) January 30, 2024
Actuellement, en vertu de l'article R. 4127-53 du code de la santé publique, il est interdit de facturer des honoraires de consultation si le patient ne se présente pas au rendez-vous. "Les honoraires ne peuvent être réclamés qu'à l'occasion d'actes réellement effectués", peut-on y lire.
Quelles sont les causes derrière les rendez-vous non honorés ?
Plusieurs raisons expliquent que le monde médical, pourtant en grande tension, subisse autant de "lapins". Il y a bien sûr les oublis, imputables aux âmes étourdies. Si les "têtes en l'air" ont toujours existé, elles sont davantage à même de zapper des rendez-vous ces dernières années. Elles ont leur part de responsabilités, évidemment, mais la désertification médicale ne les aide pas.
Moins il y a de praticiens, plus les délais s'allongent. Lorsqu'on a une fâcheuse tendance à oublier un rendez-vous, il y a d'autant plus de risques que l'omission arrive si l'on en obtient un dans quatre à six mois, si ce n'est plus.
Parfois, devant l'urgence médicale et toujours dans le contexte du manque de spécialistes, notamment, les patients ont tendance à appeler plusieurs praticiens pour obtenir la consultation la plus rapide possible.
Ce sont souvent des nouveaux patients. Devant les délais parfois un peu longs, ils trouvent ailleurs mais ne nous préviennent pas.
Isabelle Colin, secrétaire du Dr Lefeuvrier-Michel, ophtalmologue à Flers (61)
Les plateformes de réservation de créneaux médicaux en ligne sont aussi pointées du doigt par l'Union française pour une médecine libre (UFML). Que ce soit sur Doctolib, Keldoc, AlloDocteur ou encore Maiia "les patients s'inscrivent sur plusieurs créneaux avec différents médecins, puis gardent le rendez-vous le plus rapide sans annuler les autres".
De leur côté, ces outils de réservations en ligne travaillent à lutter contre la problématique. Les rappels de rendez-vous, via SMS, e-mails et notifications, sont de nature à limiter les oublis. Sur Doctolib, il est impossible de cumuler plusieurs rendez-vous chez un même professionnel de santé, ou pour une même spécialité à moins de six jours d'écart l'un de l'autre.
Comment prélever l'argent ?
Le syndicat dénonçait en juin dernier un "consumérisme du soin" et réclamait de prélever 3€ aux patients indélicats. Aujourd'hui, il est évoqué la somme de 10 € : la moitié pour le médecin, l'autre pour la Sécurité sociale.
"Le médecin aura-t-il la possibilité de prélever ce rendez-vous non honoré sur une prochaine consultation ? Est-ce que la caisse va payer le médecin ? Va-t-elle garder cette taxe ? À qui va-t-elle revenir et comment va-t-elle être gérée ?", autant de questions soulevées par Soline Guillaumin, porte-parole du collectif Médecins pour demain, interrogée par France Info.
Lorsque les sénateurs se sont penchés sur le sujet à l'automne dernier, ils ont envisagé plusieurs possibilités : prélever une somme forfaitaire sur le compte du patient ou bien déduire des futures prestations une somme pour le médecin flouée par le rendez-vous manqué.
Une chose est sûre, si l'exécutif veut une mesure en vigueur en 2024, il devra exposer avec précisions les contours de cette taxe lapin, et surtout s'assurer que les sanctions permettront réellement aux Français d'obtenir davantage de rendez-vous médicaux, dans des délais plus courts. Car c'est bien dans la lutte contre les déserts médicaux que réside tout l'enjeu d'une telle mesure.