Rendez-vous médicaux non honorés : bientôt une amende pour les patients indélicats ?

Le projet de loi Valletoux sur l’amélioration de l’accès aux soins est examiné à l'Assemblée Nationale à partir de ce lundi 12 juin. Outre l'objectif principal de lutte contre les déserts médicaux, certains députés proposent de supprimer la majoration des consultations pour les patients n'ayant pas de médecins traitants, ou encore des pénalités financières en cas de non présentation à un rendez-vous médical.

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"En 2022, 366 rendez-vous n'ont pas été honorés". Dans le cabinet d'ophtalmologie du Dr Lefeuvrier-Michel, l'exaspération s'affiche dès le hall d'accueil. Même s'il s'agit de l'un des résultats les plus faibles de ces quinze dernières années, plus d'un patient par jour ne s'est pas présenté devant le praticien l'an dernier.

"Ce sont souvent des nouveaux patients", remarque Isabelle Colin, secrétaire médicale de la praticienne installée à Flers (61). "Devant les délais parfois un peu longs, ils trouvent ailleurs mais ne nous préviennent pas".



Chaque année, selon le syndicat de l’Union française pour une médecine libre (UFML), plus de 28 millions de rendez-vous médicaux ne sont pas honorés en France. Alors qu'il est de plus en plus difficile d'en obtenir, a fortiori, dans les déserts médicaux, un groupe de députés de tous bords politiques porte un amendement pour lutter contre ce véritable fléau. Leur proposition est simple : une pénalité financière pour chaque patient qui n'irait pas à un rendez-vous médical sans avoir annuler dans un délai raisonnable. 

Une amende de 5 €

"Nous proposons une amende de 5 €", détaille Jérémie Patrier-Leitus, député Horizons de la 3e circonscription du Calvados. La mesure peut paraître un peu farfelue mais l'élu augeron pense que "cela peut amener à un consensus et aboutir". 

Il est inacceptable, surtout dans un moment de tensions dans l'accès aux soins et de pénurie de médecins, que certains de nos concitoyens omettent d'annuler leurs rendez-vous médicaux.

Chantal Deseyne, sénatrice LR d'Eure-et-Loir

Le sujet a déjà été abordé au Parlement en janvier dernier, à l'initiative de Chantal Deseyne, sénatrice LR d'Eure-et-Loir. L'élue souhaiterait faire réviser l'article R. 4127-53 du code de la santé publique. Celui-ci dispose que les honoraires « ne peuvent être réclamés qu'à l'occasion d'actes réellement effectués » et qu'il est interdit de facturer des honoraires de consultation si le patient ne se présente pas au rendez-vous. 

Dans un contexte de forte tension et de difficultés dans l'accès aux soins, Chantal Deseyne estime que "dans des conditions strictes, on pourrait imaginer que le service de réservation, et non celui de la consultation, puisse faire l'objet d'une facturation afin de dissuader ces incivilités, qui ne sont pas sans conséquences".

Les plateformes de réservation, à la fois problème et solution

Selon la sénatrice, une régulation financière pourrait être mise en place avec l'aide des plateformes de réservation de rendez-vous médicaux comme Doctolib, Keldoc, AlloDocteur ou encore Maiia. "Une précision dans le code de la santé publique pourrait ouvrir la possibilité pour les professionnels de santé d'être dédommagés pour un temps médical qui leur a été soustrait". 

Les outils de réservation en ligne pourraient se muer en solutions, mais sont aussi pointées du doigts par l'UFML. "Les patients s'inscrivent sur plusieurs créneaux avec différents médecins, puis gardent le rendez-vous le plus rapide sans annuler les autres". Dénonçant ce "consumérisme du soin", des praticiens du syndicat réclament de frapper au portefeuilles, "seule solution", à hauteur de 3 €. 

Avant d'envisager une pénalisation financière de ces patients, il nous faut arriver à objectiver avec davantage de précision le volume de rendez-vous médicaux non honorés. On parle de 28 millions, mais rien n'est moins sûr, même si le constat est clair. Une fois cet état des lieux établi, nous pourrons envisager de nouveaux leviers pour réduire ce phénomène en lien avec toutes les parties prenantes.

Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé

Jusqu'à maintenant, le gouvernement prêchait pour la sensibilisation auprès du grand public. "Dans cette logique de responsabilité collective, de droits et de devoirs partagés, le ministère de la santé et de la prévention oeuvre de manière prioritaire à sensibiliser la population à cet enjeu qui nous concerne tous"

Face au mécontentement du corps médical, et devant la nécessité de trouver des leviers pour lutter contre les délais exorbitants de certains praticiens dans les zones en tensions, les parlementaires pourraient bien adopter cette mesure symbolique. Premier élément de réponse jeudi 15 juin, avec le vote de la proposition de loi Valletoux à l'Assemblée Nationale. 

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