Deux opérations militaires menées en 1942 sur les côtes de Seine-Maritime ont joué un grand rôle dans le succès du D-Day de juin 44. Avant le raid de Dieppe, en août, l'opération Biting a permis à un commando anglais de s'emparer d'un radar allemand près du Havre.
Parmi les raisons du succès du Débarquement du 6 juin 1944 en Normandie, les historiens rappellent l'importance de trois opérations menées en France deux ans plus tôt, en 1942, au départ de l'Angleterre : l'opération Biting à Bruneval et à la Poterie-Cap d'Antifer le 27 février, l'opération Chariot à Saint-Nazaire le 28 mars et l'opération Jubilee à Dieppe le 19 août.
80 ans plus tard, après Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) deux communes de la Seine-Maritime se préparent à commémorer ces raids militaires réalisés sur le sol français occupé par les Allemands.
Avant Dieppe en août pour Jubilee, c'est le dimanche 26 juin 2022 qu'une cérémonie sera organisée au Mémorial de Bruneval, entre Etretat et Le Havre avec 80 soldats anglais pour commémorer les 80 ans de l'opération Biting.
Pour préparer cet anniversaire, la commune de Saint-Jouin-Bruneval réaménage le site du mémorial où une barge anglaise sera exposée. Il s'agit d'une réplique exacte, la plus fidèle possible, d'une des embarcations utilisées par les parachutistes pour repartir vers l'Angleterre après le succès de leur opération commando visant à récupérer des éléments d'un radar allemand (lire plus bas).
Reconstruction à l'identique
Les barges militaires de 1942 sont aujourd'hui toutes disparues d'où de longues recherches effectuées par la commune de Saint-Jouin-Bruneval pour retrouver les plans d'origine dans les archives militaires avant de lancer la construction.
Comme l'a expliqué Benjamin Canayer, en service civique à la mairie en charge de ce projet, à notre journaliste Bénédicte Drouet, les barges utilisées en 1942 pour Biting sont particulières :
"Cette barge anglaise se différencie de l'américaine. Elle a une double porte à battants, en plus de la rampe de débarquement. Elle a aussi des tourelles et un poste de pilotage à l'avant."
Dimensions exactes de la coque (13 mètres de long et 3 mètres de large) accastillage, mais aussi couleur de la coque et de son camouflage, aucun détail n'a été négligé dans les recherches effectuées afin de reconstruire la réplique.
Mais la barge 2022 sera cependant différente de celle de 1942. Si l'originale était en bois, le choix d'une réplique en acier a été fait afin de permettre son exposition en plein air sans se soucier des dégradations par les intempéries.
Pour la construction, ce n'est pas à un chantier naval que la mairie de Saint-Jouin-Bruneval a fait appel, mais à CPM Industries, une entreprise de chaudronnerie fine située non loin de là, à Saint-Romain-de-Colbosc (Seine-Maritime) spécialisée dans l'aéronautique et l'outillage industriel spécifique.
Mike Hauters, directeur commercial raconte que cela a été un défi à relever pour toute l'équipe de CPM Industries, surtout pour tenir compte des demandes du client :
"Pour s'affranchir des contraintes de taille et de poids, on a eu un gros travail, au niveau du bureau d'études. On y a consacré quasiment 80 heures pour pouvoir redessiner toute la barge et la décomposer en six éléments. Ces six éléments-là sont transportables, par chariot élévateur et ensuite par camion, pour permettre l'installation sur le site du Mémorial."
L'importance -méconnue- de l'Opération Biting
Mené dans la nuit du 27 au 28 février 1942, le raid des 120 parachutistes anglais sur une falaise de Seine-Maritime a marqué un tournant dans la guerre.
C'était la première fois que les Anglais organisaient une opération combinant plusieurs armées : terre, mer et air. Cette opération alliée fut surtout la première menée sur le sol français occupé par les Allemands, préfigurant le débarquement de juin 44.
Considérée comme "la plus audacieuse de la Seconde Guerre Mondiale", l'opération Biting consistait à s'emparer d'un redoutable radar allemand de détection des avions, un radar de type Würzburg
A Bruneval, le commando a réussi à rapporter en Angleterre des éléments électroniques de ce radar ainsi qu'un des techniciens allemands chargé de le faire fonctionner.
Le succès de cette opération permit ainsi aux Alliés de rattraper leur retard sur cette technologie nouvelle et d'être capables, en juin 1944, de brouiller les fréquences des radars allemands braqués sur la Manche, comme celui de Douvres-la-Délivrande (Calvados) qui pouvait détecter et suivre des avions jusqu'à 60 kilomètres.