Depuis le 1er janvier 2025, aucun textile ne doit plus être jeté dans les poubelles domestiques. Alors où se débarrasser de nos vieux chiffons ? Comment faire quand les associations de recyclage croulent sous les vêtements ?
Nous sommes nombreux à penser que seuls les vêtements corrects, réutilisables, peuvent finir leur vie dans un bac de tri. Mais ce tri justement permet de séparer les vêtements qui seront revendus en friperie de ceux qui seront recyclés. Ces derniers ont aussi un intérêt économique. On vous explique.
Vieux sous-vêtements et chiffons : direction poubelle ?
Eh bien non. Les textiles quels qu'ils soient, n'ont plus leur place avec les déchets.
Depuis le 1er janvier 2025, les particuliers ne sont plus autorisés à jeter des textiles dans les poubelles classiques et ce, partout en Europe. C'était déjà le cas dans certaines communes françaises qui orientaient les citoyens vers les bacs de tris, dans des points d'apport volontaires ou des déchetteries.
Les vêtements en état sont vendus en friperie, ceux qui ont mal vieilli ou ne peuvent plus être portés sont recyclés. Et dans le recyclage, surprise ! Il n'y a pas que la réutilisation des fibres pour refaire de nouveaux vêtements. Il y a aussi et surtout une filière de création de nouveaux matériaux, à base de fibre textile.
"Pourquoi déposer des vêtements dans les bacs de recycleries, ils sont tous saturés ?"
Depuis cet été, il est parfois compliqué de rentrer un sac dans un bac d'apport volontaire. Certains ont même été condamnés car la filière ne suit plus. Dans l'Orne, les collecteurs d'Agir la Redingote sont eux aussi submergés. Une toute petite part de leur collecte alimente les magasins de friperie.
"En ce moment on est saturé" confirme Fabien Lemaître, "on fait le choix de continuer la collecte pour remplir notre délégation de service public de collecte de déchets textiles. Le souci, c'est qu'on collecte de plus en plus de vêtements de mauvaise qualité, que du plastique". Des articles qui ne peuvent pas être revendus.
En 2023, 71% des achats des Français sur les textiles et chaussures ont été faits sur des produits d’entrée de gamme (c’est-à-dire à un prix inférieur à la moyenne du marché). Cette tendance se vérifie quelle que soit la catégorie socio-économique, avec un pic : 20% des Français modestes n’achèteraient «que » de l’entrée de gamme, d'après l'état des lieux des ventes textiles et chaussures neufs en 2023 réalisé par Kantar pour Refashion.
"La meilleure solution est de ne pas acheter de produits de mauvaise qualité, éviter Shein, Temu, etc ,à très bas prix mais de très mauvaise qualité" explique doctement Fabien Lemaitre, "parce que ça a des conséquences de la fabrication à la destruction, pour un produit qui s'abîme très vite".
"La meilleure solution est d'arrêter d'acheter de la mauvaise qualité"
La raison classique est : "c'est mieux pour la planète". Non seulement la fast fashion est produite sous des conditions de travail qui laissent à désirer mais en plus, la deuxième vie de ces articles pose problème.
Les produits de mauvaise qualité, d'ultra fast fashion, même jamais portés, ne peuvent intégrer une filière de réutilisation ni de recyclage. Ils entrent en concurrence avec la fripe chinoise qui est vendue cette fois-ci jusqu'à 3 fois moins cher.
Antoine Bourgeois est cogérant de la société Gebetex qui collecte et trie les textiles usagers. Les vêtements très bas de gamme compliquent son tri. Ils ne peuvent pas être revendus sur les marchés habituels où déjà les fripes de bonnes qualités font face à un concurrent de taille (toujours le même...). "Les vêtements usagés sont en concurrence avec le marché asiatique. Un produit neuf asiatique est 30% moins cher qu'un produit réutilisé (de seconde main) français ou d'occasion européen. Alors de plus en plus de pays se tournent vers ces produits neufs et ça prend la place du vêtement d'occasion" explique-t-il.
Une filière entière à repenser ?
Quand vous achetez un textile en France (même via Internet), quelques centimes sont versés à l'éco-organisme Refashion, sous la forme d'une éco-contribution.
"Toute marque qui vend sur le marché français contribue",selon Refashion. Cela concerne également Shein ou Temu. L'entreprise privée à but non lucratif est donc financée par toutes les marques, distributeurs & fabricants au travers de ces éco-contributions.
Sa mission est de "réduire les impacts environnementaux des textiles et chaussures, tout au long de leur cycle de vie". Elle se heurte actuellement aux difficultés du marché.
"On est dans ce qu'on appelle la crise structurelle du textile" explique la communicante de Refashion,"depuis cet été la revente de la fripe a été stoppée. Les Chinois vendent du textile moins cher mais ils se sont aussi positionnés sur le marché de la fripe, avec des produits environ trois fois moins chers que les produits français. "On travaille sur un nouveau modèle économique en développant l'industrialisation du recyclage mais aussi la seconde main".
Autrement dit, soit vos vieux vêtements sont vintages et ils repartiront dans le monde de la mode, soit ils serviront de matériaux isolants ou toute autre matière qui reste encore à inventer. C'est aussi une des missions de cet éco-organisme, de valoriser les textiles, pour que seulement 0,15% des vêtements récupérés dans les bacs prennent la direction des incinérateurs.
En attendant que tous les vieux vêtements finissent tous en briques écologiques ou en revêtements sur nos routes, l'industrie de la mode jetable continue de compliquer nos aspirations écologiques.
Les politiques ont commencé à se pencher sur la question. Une proposition de loi anti fast fashion (proposant notamment un malus de 20%) est en attente d'examen au Sénat. Elle a été votée à l'unanimité de l'Assemblée nationale. Elle sera examinée dans le courant du premier trimestre de 2025.